Entretien

Caroline Jurado (Les Cryptos de Caro) : “Il y a trop de fame autour des NFT”

19 avril 2022
Par Marion Piasecki
Caroline Jurado (Les Cryptos de Caro) : “Il y a trop de fame autour des NFT”
©DR

Vous ne comprenez rien aux cryptomonnaies ou vous pensez que c’est pour les hommes, les geeks, les riches ? C’est aussi ce que croyait Caroline Jurado. Avec sa newsletter Les Cryptos de Caro, elle partage ses connaissances sur les cryptomonnaies et le web3 pour les rendre plus accessibles. Rencontre.

Vous l’avez peut-être vue sur TikTok ou LinkedIn, Caroline Jurado est une influenceuse financière qui utilise différents formats pour expliquer l’univers des cryptomonnaies au plus grand nombre. Le dernier en date : un livre – également intitulé Les Cryptos de Caro – qui rassemble toutes les informations nécessaires pour les primo-investisseurs et les curieux qui veulent seulement comprendre ce sujet aussi abstrait que médiatisé.

Pourquoi vous êtes-vous lancée dans les réseaux sociaux pour parler de cryptomonnaies ? Et pourquoi avez-vous décidé de passer des réseaux sociaux à un livre physique par la suite ?

À la base, je me suis lancée sur les réseaux sociaux parce que je voulais tester les mécanismes d’acquisition de TikTok, et je ne savais pas sur quel sujet tester cette acquisition-là. Comme je lisais tous les jours des articles sur les cryptos, j’ai joint l’utile à l’agréable : puisque j’apprends tous les jours sur les cryptos, autant en parler sur les réseaux ! Comme ça, je pouvais à la fois vérifier si j’arrivais à faire de la croissance dans ce sujet-là et en même temps exploiter ce que j’apprenais. J’ai donc commencé comme ça et ça m’a très vite dépassée. J’ai été étonnée de voir qu’il y avait autant de questions, autant de gens qui avaient envie d’interagir avec moi sur le sujet. C’est pour ça que je suis passée à la première étape, c’est-à-dire écrire la newsletter, qui existe depuis un an maintenant, qui s’appelle aussi Les Cryptos de Caro. Elle m’a permis de délivrer beaucoup plus de valeur que dans une microvidéo sur les réseaux sociaux où ce que j’ai testé, c’était beaucoup plus de l’acquisition que le vrai partage de valeur ajoutée.

L’avantage de regarder mes vidéos, c’est de pouvoir entendre parler de crypto régulièrement, mais ça ne permet pas de comprendre comment marche un univers entier. La newsletter était géniale pour pouvoir apporter plus de valeur. Pour le livre, c’était une opportunité. J’ai été contactée par une nouvelle maison d’édition, Dashbook, qui m’a proposé de me lancer dans l’écriture. Ça tombait pile à un moment où je me sentais en mal de légitimité parce que j’ai fait ma croissance sur les réseaux sociaux et je ne suis pas issue du milieu. Je ne suis pas dans ce secteur depuis dix ans, je n’avais aucune légitimité, mis à part que les gens aiment m’écouter parce que, quand je parle, c’est facile à comprendre. Donc, quand on m’a proposé d’écrire un livre, je me suis dit que c’était exactement ce qu’il me fallait.

« Quand j’ai commencé à m’intéresser aux cryptos, j’ai tellement galéré, je ne comprenais rien ! Pourtant, je ne suis pas bête, donc ça veut dire que les gens ne font pas d’effort pour que l’on comprenne. »

Caroline Jurado

Ces différents supports sont-ils devenus complémentaires ?

Je me suis rendu compte que c’était une manière totalement différente d’aborder les questions. Dans un livre, on présente l’ensemble des informations dans le bon ordre. Dans une newsletter, je parle de sujets quand ça m’intéresse, à un moment donné, ce sont des bribes d’information toutes les semaines. Donc si tu ne suis pas le rythme, ça ne marche pas. Le livre, c’est une expérience qui est tout à fait différente et qui est géniale pour comprendre l’univers, tout dans le bon ordre, selon le rythme qui te convient.

Pourquoi avez-vous eu envie de vulgariser ce sujet, qui est très technique ?

L’envie de vulgariser est venue en faisant. Quand j’apprenais des choses sur les cryptos, je le disais. Mais quand j’ai compris à quel point ça aidait les gens, ça m’a donné envie de creuser encore plus. Quand j’ai commencé à m’intéresser aux cryptos, j’ai tellement galéré, je ne comprenais rien ! Aucun des articles que je lisais ne me permettait de comprendre, c’était super difficile. Pourtant, je ne suis pas bête, donc ça veut dire que les gens ne font pas d’effort pour que l’on comprenne.

J’ai commencé à vraiment prendre du plaisir en faisant ça. La méthode est hyper facile. Chaque fois que je me pose une question, que quelqu’un me pose une question, que je vois une question, je la note quelque part. Pour chaque sujet, chaque chapitre ou sous-chapitre, je prends une de ces questions et je lis tout ce que je trouve sur le sujet. J’écris la première version de ce que j’ai compris et je réécris jusqu’à ce que j’arrive à recréer l’expérience de cette pote qui te raconte un truc fascinant. Tant que je n’ai pas obtenu ça, je continue.

« En France, il n’y a que 4 % des investissements crypto qui sont faits par des meufs. Pour moi, c’est un problème : la technologie blockchain est en train de révolutionner notre économie, notre finance et le fonctionnement de la société. Si nous, les femmes, n’y prenons pas part, on va se retrouver de nouveau dans le dernier wagon. »

Caroline Jurado

Sur vos différentes plateformes, vous vous adressez régulièrement aux femmes. Pourquoi ça vous tient autant à cœur ?

C’est super important parce que, quand j’ai commencé à m’intéresser à ce sujet-là, je n’ai trouvé aucune meuf. Je me suis sentie exclue, je voyais bien que ce n’était pas fait pour moi, que j’étais une meuf et que, même si tu es un mec, si tu n’es pas un mec un peu geek, anarchiste sur les bords, tu n’es pas trop le bienvenu. En France, il n’y a que 4 % des investissements crypto qui sont faits par des meufs. Pour moi, c’est un problème, parce que j’estime que toute la technologie blockchain est en train de révolutionner notre économie, notre finance et le fonctionnement de la société. Si jamais nous, les femmes, n’y prenons pas part, on va se retrouver de nouveau dans le dernier wagon parce qu’on aura cru que c’était pas fait pour nous. J’ai 40 % de lectrices dans la base d’abonnés de la newsletter, donc c’est quelque chose qui me tient vraiment à cœur.

Concernant les NFT, il y a énormément de projets ces derniers mois. Comment différencier ceux qui sont réellement intéressants de ceux qui ne relèvent que du marketing ?

En ce moment, il y a trop de “fame” autour des NFT. Je ne suis donc pas en mesure de dissocier un réel projet d’un projet qui est juste du marketing. À ce stade, il y en a beaucoup trop dans tous les sens, ça me prendrait une éternité de les analyser. À partir du moment où il faut acheter un NFT pour quelque chose, je passe ma route, j’attends. Je pense que c’est quelque chose qui sera très utile dans l’avenir, mais aussi que ça vaut le coup d’attendre un peu que tous les projets qui ne sont là que pour le marketing périclitent, pour arriver à identifier plus facilement les projets d’avenir.

Certaines personnes hésitent à investir dans des cryptomonnaies par peur de tout perdre, parce qu’elles sont très volatiles. Comment répondez-vous à ces craintes ?

Les erreurs arrivent principalement quand on ne comprend pas comment ça marche. C’est vraiment pour ça que j’explique tout le fonctionnement de cet univers. Comment je fais pour m’assurer la solidité d’une crypto ? Je me demande ce que cette crypto-là soutient. Une crypto est toujours associée à un projet, une entreprise, une communauté qui va apporter une valeur ajoutée. C’est ce projet-là qu’il faut comprendre.

« Si tu ne comprends pas quelle est la valeur ajoutée d’un projet, ce n’est pas parce que tu es bête et qu’il faut investir, c’est que c’est une arnaque. »

Caroline Jurado

Quand on découvre cet univers, si l’on ne comprend pas le projet, il ne faut pas investir. Souvent, les arnaques les plus grosses partent du principe que les gens ne vont pas comprendre, donc ils vont dire plein de mots compliqués et de bullshit en disant que ça change le monde, sans expliquer ce qu’ils font, et les gens vont investir parce qu’ils auront peur de rater une opportunité. Si tu ne comprends pas quelle est la valeur ajoutée d’un projet, ce n’est pas parce que tu es bête et qu’il faut investir, c’est que c’est une arnaque.

Comment voyez-vous l’avenir des cryptomonnaies et du web3 en général ?

J’en attends beaucoup parce que, en tant que productrice de contenu, je me sens extrêmement tributaire de tous les réseaux sociaux : je me rends bien compte que ce que je fais ne m’appartient pas. J’attends vraiment ce changement-là, de pouvoir inscrire la propriété dans la blockchain et impliquer ma communauté. J’ai pour projet de créer une cryptomonnaie, j’ai vraiment envie de documenter le processus pour expliquer à ma communauté comment ça se passe et qu’elle puisse comprendre comment réaligner les intérêts des gens qui créent des projets, de ceux qui travaillent dessus et des utilisateurs, des clients. Ce n’est pas parce que tu mets de l’argent que tu vaux plus que tout le monde. Quelqu’un qui utilise un produit tous les jours a autant de valeur ajoutée que quelqu’un qui met de l’argent.

On commence à identifier tellement de changements liés à la blockchain, qui peuvent être dans l’immobilier, probablement même dans la législation au niveau général. Il y a tellement de choses dans le monde concret qui peuvent être simplifiées avec la blockchain que, pour l’instant, je me pose un peu en observatrice et je me dis : “Wow, c’est un délire, tout ce qu’on va pouvoir faire !”

Les Cryptos de Caro, Caroline Jurado, Dashbook, 20 €.

À lire aussi

Article rédigé par
Marion Piasecki
Marion Piasecki
Journaliste
Pour aller plus loin