Exposer une figurine de Troll habillé en tutu qui porte une reproduction miniature de votre chat ? Le concept est étonnant, mais possible.
Le monde de la figurine évolue. De plus en plus, les amateurs de « figs » veulent leur pièce unique, adaptée à leurs désirs de geeks. Nous avons rencontré Joseph Metais qui, armé de son talent et de son imprimante 3D, modifie et sculpte des modèles à la carte. Une nouvelle tendance qui séduit autant les joueurs que les collectionneurs.
Joseph Metais, architecte d’intérieur de formation, est tombé amoureux des figurines il y a une vingtaine d’années alors qu’il était adolescent : « J’avais un cousin qui habitait dans une grosse ville et qui m’a fait découvrir les jeux Games Workshop [Warhammer 40K, Age of Sigmar, Space Hulk, ndlr]. Ses figurines trônaient sur une étagère et ça m’a tout de suite attiré. »
Joseph a eu un peu le parcours inverse du joueur lambda qui devient figuriniste à force de jouer : « En fait, j’ai commencé à peindre et à réaliser des décors avant de m’intéresser aux règles de ces jeux. J’avais davantage une approche de modéliste que de joueur. Ce n’est qu’après que j’ai commencé à me plonger dans les parties. » Et bien sûr, une fois le virus de la peinture inséminé, il devient très difficile, voire insupportable, de poser une simple figurine grise sur une table de jeu.
Un cran plus loin
Apparemment, peindre des armées entières de Warhammer 40K ne suffisait pas à Joseph (Jo, pour les intimes). Le désir de personnalisation est poussé encore plus loin avec la conversion, une activité plus pointue qui consiste à ajouter ou retirer des éléments sur une figurine pour la rendre unique. « J’en avais assez de poser sur la table des dizaines de figurines identiques. Il y a 20 ans, les modèles étaient beaucoup moins variés qu’aujourd’hui et c’était devenu une véritable frustration. » Les adeptes de la conversion possèdent des boîtes entières de « bits », des petits morceaux épars de bras, d’armes, de casques, de têtes, qu’ils replacent patiemment sur des figurines achetées dans le commerce.
Joseph commence donc à remplacer une épée par une autre, à changer la position du corps, puis à transformer un visage. « À force d’enlever des éléments, on se retrouve avec des manques que l’on doit combler. C’est à partir de là que j’ai commencé à sculpter. » Pour créer de nouvelles formes sur une figurine, Joseph se sert d’une résine molle appelée Green Stuff (ou duro en français) qui sèche à l’air. « À la base, il s’agit d’une pâte utilisée pour réaliser des joints en plomberie », précise-t-il. On joue donc à la pâte à modeler pour créer les jonctions des figurines que l’on veut remplacer, ou même créer de nouveaux éléments comme des ailes ou un troisième bras mutant. L’imagination et le talent de sculpteur sont les seules limites à l’exercice.
Une précision laser
Après plusieurs années de modelage ludique pour lui et ses amis (et dans une association de joueurs), Joseph décide de monter sa propre petite affaire, Mahar Prod, afin d’offrir ses services. « La clientèle est de plus en plus nombreuse, car les possibilités de personnaliser ses figurines sont maintenant grandement facilitées. » Parmi ces possibilités, l’imprimante 3D a fait une entrée fracassante dans le monde ludique : « Je me devais de connaître cet outil, car ça va prendre une place considérable dans le hobby. » Le principe de cette machine est assez simple : on y entre des fichiers d’une sculpture virtuelle et elle se construit petit à petit sous nos yeux.
Il existe trois types de techniques : l’effritage de poudre, plutôt réservé à des cabinets d’architecture, car la machine est grosse ; le filaire ; et, le dernier cri, l’imprimante 3D à résine. « Ce n’est pas aussi simple que ça en a l’air, sourit Joseph. Déjà, il faut savoir que tous les fichiers ne sont pas bons à imprimer. Il faut en retravailler certains, ce qui oblige à connaître le logiciel. Ensuite, il y a tout l’entretien de la machine et le nettoyage de la figurine une fois imprimée. Enfin, il ne faut pas oublier que l’on manipule des produits toxiques. Il faut donc une pièce dédiée et suivre des protocoles de sécurité assez drastiques. »
Même si l’imprimante 3D ne s’est pas totalement démocratisée dans le monde ludique, elle séduit de plus en plus de passionnés et cela notamment grâce à la baisse de son coût d’investissement. « Une machine de bonne qualité coûte aujourd’hui entre 300 et 400 €. Il faut compter environ 80 € pour acheter un litre de résine, ce qui permet de fabriquer une centaine de figurines. À cela il faut ajouter les consommables. »
Le marché reste donc restreint, mais ça n’empêche pas des sculpteurs de proposer sur des sites de financement participatif comme Kickstarter ou Patreon des fichiers informatiques à acheter pour les imprimer à la maison. Il existe même des abonnements qui vous garantissent l’envoi de fichiers de manière périodique. Une bonne option si vous aimez le style d’un sculpteur en particulier.
Bien entendu, cette totale liberté engendre des curiosités avec lesquelles Joseph doit parfois jongler. « Une cliente m’a demandé un jour une série de figurines particulièrement érotiques, voire plus… Dans un autre style, j’ai refusé la sculpture d’une armée de créatures fantastiques qui était totalement imprégnée de l’imagerie nazie ! » Maintenant que tout est techniquement possible, l’imprimante 3D deviendrait-elle une affaire de morale ? Dis-moi ce que tu imprimes et je te dirai qui tu es…