À l’Institut des Cultures d’Islam (Paris 18e), des artistes de tous bords interrogent, à travers la pluralité de leurs médiums et de leurs horizons, les concepts d’héritage, de filiation et de transmission. Une exposition déployée sur deux lieux à découvrir jusqu’au 31 juillet prochain.
La nouvelle exposition proposée par l’Institut des Cultures d’Islam invite une dizaine d’artistes issus de l’immigration à questionner leurs propres racines, naviguant entre l’Afrique et le Moyen-Orient. L’exposition Silsila, terme qui renvoie en arabe à une « chaîne » de transmission spirituelle, est d’emblée habitée par ce paradoxe propre à à ce motif récurrent de la chaîne : elle est autant ce socle commun qui unit et rapproche les êtres que ce qui, sous un autre aspect, peut les astreindre, les enchaîner à une nomenclature, à une tradition ou à certaines pratiques culturelles où le silence impose sa loi. C’est ce qu’illustre à sa façon l’artiste franco-marocaine Ymane Fakhir dans sa série La part du lion, évocation à la fois abstraite et arithmétique des inégalités de répartition des biens entre les hommes et les femmes telle qu’établie par la législation marocaine, le tout sous le regard d’une veuve silencieuse et dont le seul regard est lourd de sens.
On reconnaîtra ce même geste d’abstraction, cette fois-ci dans un autre registre, dans les oeuvres géométriques et poétiques de l’artiste tunisien Haythem Zakaria : l’esthétique industrielle de ses dessins abrite une forme d’alchimie contemporaine, les textes sacrés qui reposent en leurs centres étant comme « transcodés » sur le papier à partir d’une méthode précise inspirée par la figure du carré magique et une certaine tradition talismanique du Coran.
Ce pan de l’exposition travaille ainsi à promouvoir des artistes qui s’essayent à une forme de transmutation des signes, des symboles et des traditions, à l’instar du monochrome signé Sabrina Belouaar, réalisé entièrement avec du henné. Cette insolente modernité du monochrome qui, de Malevitch à Soulages, semblait jusqu’à présent être l’apanage d’un monde essentiellement masculin, intègre ici un matériau que maîtrisent et s’approprient les femmes du Maghreb de génération en génération.
Le reste du parcours est parsemé d’oeuvres poétiques et finement exécutées, comme la série Où est la maison de mon ami de Katâyoun Rouhi, oeuvres calligraphiques inspirées par le texte éponyme du poète et peintre iranien Sohrâb Sepehri (qui donnera également son nom au film d’Abbas Kiarostami), quand d’autres investissent l’iconographie et les techniques de l’art occidental (à commencer par la peinture à l’huile) de leurs propres références culturelles, à l’image des toiles saisissantes de Rayan Yasmineh et Maya-Inès Touam. Une exposition qui s’accompagne, comme souvent à l’ICI, d’une programmation riche et variée (projections, ciné-goûters, contes, visites guidées, concerts, ateliers culinaires, etc.).
Infos pratiques
Silsila, le voyage des regards, Institut des Cultures d’Islam (Paris 18e), du 31 mars au 31 juillet 2022 – Entrée libre – du mardi au dimanche de 11h à 19h et le vendredi de 16h à 20h – programmation complète via ce lien