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Sophie Calle et ses fantômes reviennent hanter le musée d’Orsay

13 mars 2022
Par Félix Tardieu
Sophie Calle, Orsay, 1979
Sophie Calle, Orsay, 1979 ©Richard Baltauss

Le musée d’Orsay a invité l’artiste hétéroclite Sophie Calle à faire revivre, le temps d’une exposition, la mémoire de l’ancien hôtel abandonné de la gare d’Orsay où l’artiste avait élu domicile avant la construction du musée, qui sera inauguré en 1986.

Avant d’être le grand lieu de culture que l’on connaît aujourd’hui, le musée d’Orsay abritait une célèbre gare parisienne entourée d’un grand hôtel, construit en 1900 à l’occasion de l’Exposition universelle, où l’artiste plasticienne et photographe Sophie Calle s’installa à la fin des années 1970 pour s’imprégner de l’esprit des lieux. Sophie Calle prit ses quartiers dans la chambre 501, abandonnée depuis la fermeture de l’hôtel en 1972, et passa plusieurs mois sur place à accumuler photos, documents, objets, fiches et autres traces attestant des innombrables vies qui passèrent dans cet emblématique palace parisien et y laissèrent une empreinte plus ou moins visible. Un premier fait d’armes dans la carrière artistique de Sophie Calle qui posait alors les bases de ses expérimentations futures : s’imprégner d’un lieu sur le temps long, faire de son quotidien le lieu même de son art et récolter les traces d’un passage, d’une présence mystérieuse à inscrire dans une oeuvre où la mémoire est au coeur du récit. 

Sophie Calle, Orsay, 1981 ©Sophie Calle ©ADAGP, Paris 2022

Match retour

À cette même période, Sophie Calle s’intéresse à des inconnus qu’elle se prend à suivre dans les rues de Paris et à photographier, à documenter leurs trajets – elle suivra d’ailleurs un homme jusqu’à Venise (Suite vénitienne, 1980). En 1979, l’artiste invite des inconnus à dormir dans son lit pendant huit jours sans discontinuer, à condition d’accepter d’être photographiés ; performance qui donnera naissance à sa célèbre série des Dormeurs (1979). Aujourd’hui, Sophie Calle revient sur ses propres traces avec l’exposition Les fantômes d’Orsay, où les photos et traces collectées dans l’hôtel abandonné font soudainement écho aux photos prises dans les salles du musée en plein confinement, éclairant à la lampe-torche des chefs-d’oeuvre plongés dans le silence et l’obscurité tels que les Raboteurs de parquet (Gustave Caillebotte, 1875) ou Le Déjeuner sur l’herbe (Édouard Manet, 1863)

Sophie Calle, Orsay, 2021 © François Deladerrière

L’exposition confronte ainsi ce point de vue contemporain de l’artiste aux objets qu’elle avait collectés au même endroit il y a plus de quarante ans et amassés comme des trésors : commentés par l’anthropologue Jean-Paul Demoule, ces objets, qu’on pourrait qualifier de restes archéologiques, reprennent finalement vie, des couloirs déserts de l’hôtel aux silhouettes d’amis curieux venus déambuler dans les grandes salles de réception, aux fiches de clients retrouvées sur place ou au tas de vieilles clés rouillées. Les fantômes de Sophie Calle sont plus que jamais parmi nous.

Infos pratiques
Les fantômes d’Orsay – Musée d’Orsay (Paris 7e), du 15 mars au 12 juin 2022 – du mar. au dim. de 9h30 à 18h et le jeu. jusqu’à 21h45 – Tarif : 16€, TR : 13€, gratuit pour les moins de 26 ans
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Félix Tardieu
Félix Tardieu
Journaliste