Critique

Femmes photographes de guerre : une exposition pour l’Histoire au musée de la Libération

08 mars 2022
Par Félix Tardieu
NICARAGUA. Esteli. 1979. Sandinistas at the walls of the Esteli National Guard headquarters.
NICARAGUA. Esteli. 1979. Sandinistas at the walls of the Esteli National Guard headquarters. ©Susan Meiselas / Magnum Photos

En cette Journée internationale des droits des femmes, le musée de la Libération – musée du général Leclerc – musée Jean Moulin (Paris 14e) met à l’honneur les femmes photographes de guerre dans une exposition à plusieurs voix résonnant plus que jamais avec l’actualité.

Huit femmes, huit photographes de la première moitié du XXe siècle à nos jours, huit regards singuliers sur les conflits majeurs de ces soixante-quinze dernières années et leurs conséquences sur les corps, les visages, que chaque photographe enregistre à sa manière. Des femmes parfois à tort éclipsées, certaines ayant laissé leurs vies sur le terrain, comme Gerda Taro (1910-1937), morte sur le front de Brunete alors qu’elle couvrait la guerre d’Espagne, ou la photographe allemande Anja Niedringhaus (1965-2014), tuée tandis qu’elle couvrait les élections afghanes. 

Carolyn Cole, Prisonniers irakiens après l’assaut d’un ancien poste de police à Kufa, en Irak, par des Marines américains. Août 2004 ©Carolyn Cole/Los Angeles Times

Quand des clichés renversent les clichés

Inaugurée le 8 mars, l’exposition invite ainsi le visiteur à découvrir plus de 80 clichés saisissants, mettant en évidence l’importance et la singularité du regard féminin dans une profession majoritairement occupée par les hommes – à l’image de la photographe et militante antifasciste Gerda Taro, qui restera longtemps dans l’ombre de son illustre compagnon, le jeune photographe hongrois Endre Ernő Friedmann, plus connu sous le nom de Robert Capa. Un alter ego façonné de toutes parts par la photographe, qui lança alors la carrière de ce dernier avant de tomber malgré elle dans l’oubli. Ses travaux ne seront redécouverts que dans les années 2000. 

Gerda Taro, Mobilisation générale. Valence, Espagne, mars 1937 ©Courtesy International Center of Photography

L’exposition offre ainsi une pluralité de points de vue sur les affres de la guerre à travers le temps, juxtaposant les regards tranchants de femmes engagées ; chaque regard témoignant d’une approche, d’un angle, d’une esthétique propre. On y découvre par exemple les clichés de la photo-journaliste américaine Lee Miller (1907-1977), une des rares femmes à avoir couvert les événements de la Seconde Guerre mondiale, notamment la libération des camps de concentration de Dachau et Buchenwald. 

Ce sont également les clichés de Catherine Leroy (1944- 2006) aux côtés des Marines lors de la guerre du Viêt Nam, de Christine Spengler dans les ruines de Phnom Penh (Cambodge) ou en Irlande du Nord, de Françoise Demulder (1947-2008) lors de la guerre civile libanaise, de Susan Meiselas au Nicaragua ou de Carolyn Cole en Irak. Proche des victimes ou des soldats, cadres serrés sur les corps meurtris ou cadres plus larges capturant les ravages des conflits sur les populations, au coeur des combats ou à distance des événements, les travaux hétéroclites de ces huit photographes constituent un témoignage essentiel de la diversité des points de vue en temps de guerre et de l’indéniable nécessité du regard des femmes sur le cours de l’Histoire. 

Christine Spengler, Bombardement de Phnom Penh, Cambodge, 1975 ©Christine Spengler

Infos pratiques
Femmes photographes de guerre, du 8 mars au 31 décembre 2022 au musée de la Libération -musée du général Leclerc – musée Jean Moulin (Paris 14e) – du mar. au dim. de 10h à 18h – Tarif : 8€, TR : 6€

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Article rédigé par
Félix Tardieu
Félix Tardieu
Journaliste