La mise en scène de Jean-Louis Benoit reste fidèle au texte de Sartre, mais se laisse malheureusement écraser par la profondeur de ce dernier.
Dans la petite salle du fort joli Théâtre de l’Atelier (Paris) se joue depuis début février et jusqu’au 18 mars prochain la pièce la plus célèbre de Jean-Paul Sartre, Huis Clos. Dans cette oeuvre jouée pour la première fois en 1944, l’intrigue est aussi simple que géniale : alors que trois inconnus sont introduits en enfer par un garçon d’étage, ils se rendent compte avec horreur qu’ils devront partager pour l’éternité l’espace commun de leurs pensées et de leurs gestes. L’enfer n’a rien d’autre à offrir que trois confortables canapés – ni instruments de torture ni brasiers menaçants ; et les personnages de comprendre peu à peu que « l’enfer, c’est les autres ». Car pour la subjectivité douloureuse et viciée des damnés, l’altérité ne peut être qu’écho et condamnation sans cesse renouvelée.
Les bonnes idées, la mise en scène de Jean-Louis Benoit les trouve dans le texte lui-même, génial d’intelligence, certes, mais surtout incarné – incarné comme peu de textes sartriens le sont. Enfermé avec des inconnus, le moindre bruissement, le moindre tic, devient une gêne qui se change en torture avant même que la présence d’autrui puisse devenir familière. Très vite donc, dans Huis clos, la patience s’épuise et les masques tombent, alors que chaque personnage expose le crime qui l’a mené en enfer, et s’attarde sur ses bassesses et ses aveuglements.
Et s’il est par là propice à l’emportement et à l’agacement, le texte est ici appréhendé avec une facilité de jeu un peu à contre-emploi. Rythme nerveux, voire rapidité forcenée de la diction, qui a l’inconvénient de sabrer des phrases dont on aurait voulu disposer plus longtemps – pour en entendre toute l’intelligence et l’ironie. Ce Huis clos est court – une heure et demi environ – et donne le sentiment d’être expédié par des comédiens pressés ; juste le temps d’entendre les nombreux rires des comédiens – rires qu’il vaut mieux, au théâtre, taire que forcer – et les mots artificiellement allongés, vestiges du théâtre classique, qui rident ici injustement le texte.
Cette mise en scène rate donc l’occasion de laisser résonner la pièce de Sartre comme elle le mérite pourtant – pourquoi pas comme l’exégèse de nos récentes expériences de confinements.
Infos pratiques
Huis clos, de Jean-Paul Sartre, mise en scène Jean-Louis Benoit, avec Marianne Basler, Maxime d’Aboville/Guillaume Marquet, Mathilde Charbonneaux, Antony Cochin/Brock. Théâtre de l’Atelier, Place Charles Dullin (75018), du 02/02/2022 au 18/03/2022, du mardi au samedi à 19h. 1h20. Billetterie par ici.
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