Critique

La pièce Le cercle des poètes disparus est-elle aussi bien que le film ?

14 avril 2024
Par Lisa Muratore
“Le cercle des poètes disparus” joue jusqu'au 26 mai 2024.
“Le cercle des poètes disparus” joue jusqu'au 26 mai 2024. ©Théâtre Antoine/Jean-Marc Dumontet

L’Éclaireur a enfin découvert la pièce Le cercle des poètes disparus adaptée du film de 1990 avec Robin Williams. L’occasion de replonger avec émotion dans cette histoire sur la transmission et la passion.

Le film Le cercle des poètes disparus s’est rapidement fait une place de choix dans le patrimoine des longs-métrages cultes. La prestation à la fois puissante et sensible de Robin Williams dans la peau du Professeur John Keating, la leçon sur Carpe Diem, ou encore la séquence finale de « Ô Capitaine, Mon Capitaine » sont autant d’éléments qui ont réussi à traverser les années et marquer différentes générations de cinéphiles depuis la sortie du film en 1990.

34 ans après sa diffusion sur grand écran, le film de Peter Weir s’offre une adaptation au Théâtre Antoine à Paris ; une première en France. Mis en scène par Olivier Solivères, à partir du scénario de Tom Schulman, le spectacle est un véritable succès depuis plusieurs mois et fait salle comble tous les soirs. Présentée depuis janvier 2024 au cœur de la capitale, elle a depuis récolté six nominations aux Moliéres 2024, dont celle du meilleur acteur pour Stéphane Freiss.

Le cercle des poètes disparus, nouvelle génération

Une reconnaissance méritée pour l’acteur qui incarne le magnétique Professeur Keating. Désireux d’enseigner à ses élèves l’importance des mots, mais aussi celle de la vie, loin du carcan des conventions qu’incarne l’académie de Welton, Keating prend, grâce à l’interprétation de Stéphane Freiss, une autre dimension. Le comédien parvient avec charme et robustesse à prêter ses traits au personnage autrefois incarné par Robin Williams. Le poids de l’héritage était, en effet, lourd mais Stéphane Freiss apporte sa patte, sa sensibilité ainsi que son humour à l’enseignant iconique.

Le reste de la troupe de comédiens n’est pas en reste. Ethan Oliel interprète un Neil Perry habité et passionné, qui dévoile toute l’envergure de son jeu dans la scène du Songe d’une nuit d’été de Shakespeare, mais aussi dans une scène finale de suicide aussi violente que poétique. Face à lui, Audran Cattin incarne Charlie Dalton, un élève rebel et le bad boy d’une troupe à l’alchimie communicative.

Les deux comédiens sont nommés dans la catégorie meilleure révélation masculine aux prochains Moliéres, mais l’on pourrait également citer la prestation du timide Todd Anderson, celle de l’amoureux transi, Monsieur Overstreet, ou encore celle du charmant Monsieur Meeks, atout humoristique de la pièce qui saura lui apporter une légèreté bienvenue.

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Le cercle des poètes disparus renaît avec émotion et vigueur sur la scène du Théâtre Antoine, et l’attachement entre les comédiens fonctionne aussi bien que dans le film. À ce propos, la pièce fait le choix de l’hommage et de la fidélité, tout en concentrant véritablement son action sur ce groupe garçons, leur réunion passionnantes au sein des grottes, et leurs discussions amusantes dans la salle de cours.

Ceci permet de recentrer l’action et le rythme autour de cet ensemble qui évolue dans un décor épuré, contemporain, parfois immersif. Le tableau de classe devient ainsi un élément central de la mise en scène et dépasse son simple outil scolaire. Il présente ainsi des portraits animés, des écritures flottantes, tout en servant aussi de découpage pour les scènes d’extérieur.

La pièce Le cercle des poètes disparus.©Théâtre Antoine/Jean-Marc Dumontet

Le cercle des poètes disparus nous fait voyager. Là où la pièce aurait pu n’être qu’un huis clos dans l’école de Welton, la mise en scène ingénieuse permet de naviguer à travers l’histoire, et la narration de chaque personnage. D’un jeu de lumière à un autre, on se retrouve tour à tour propulsé dans les coulisses du Songe d’une nuit d’été, puis sous la neige, ou encore dans le bureau de Keating alors que la pièce joue aussi avec la notion de quatrième mur. Le public fait partie intégrante de Welton, comme si nous étions aussi ses élèves. Ça circule dans les couloirs comme entre nos sièges, et ça interpelle le public pour donner l’impression que nous sommes dans la salle commune de l’académie.

Ceci apporte une certaine modernité à la pièce malgré son cadre hérité des années 1960. Épuré, la scène laisse aussi l’imagination du spectateur faire le travail, tant Le cercle des poètes disparus est inscrit dans nos mémoires.

Stéphane Freiss dans la peau du Professeur Keating. ©Théâtre Antoine/Jean-Marc Dumontet

Ainsi la pièce ne renie pas son héritage, mais joue aussi avec la modernité et la liberté qu’offre le théâtre. Cette adaptation rend à la fois hommage à la fidélité du texte, à ses personnages, et à ses situations en trouvant des subterfuges bien sentis de mise en scène pour condenser un 1h30, le sel du film.

Tout ce qui a fait son succès, il y a 34 ans, est réuni pour séduire les cinéphiles — venus en nombre, curieux de voir le long-métrage transposé sur scène — mais aussi les néophytes qui grâce à cette entrée en matière plus que réussie, sauront encore plus apprécier l’œuvre de Weir.

La passion de cet univers est donc toujours intacte, et même ravivé. On a qu’une hâte en sortant de la salle : (re)voir le film porté avec Robbie Williams, et replonger avec nostalgie dans le film de 1990. Peut-être est-ce dû à cette scène finale magistrale durant laquelle les élèves debouts sur leurs bureaux crient « Ô Capitaine, Mon Capitaine » alors que résonne la musique du film de Peter Weir. L’émotion est là, et on aperçoit d’ailleurs plusieurs spectateurs s’essuyer quelques larmes. Jamais la musique composée par Maurice Jarre n’a été aussi belle, surtout au cœur du Théâtre Antoine.

Le cercle des poètes disparus, jusqu’au 26 mai 2024 au Théâtre Antoine, à Paris.

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Article rédigé par
Lisa Muratore
Lisa Muratore
Journaliste
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