
Véritable phénomène de ce début d’année, la saison 2 de Bref s’exporte à l’étranger. L’occasion pour les créateurs Kyan Khojandi et Bruno « Navo » Muschio et le producteur Harry Tordjman de revenir sur les coulisses de sa création, lors d’une masterclass à Series Mania.
Bref.2 nous a fait passer par toutes les émotions. Du rire aux larmes en passant par la colère, la série de Kyan Khojandi et Bruno « Navo » Muschio excelle dans l’art de représenter le réel. Savant mélange entre la comédie, le drame et la séance de psy, cette seconde saison a rencontré un très large succès dès sa sortie sur Disney+, le 14 février 2025, parvenant à toucher plusieurs générations.
Un public éclectique qui s’est pressé au Théâtre du Nord de Lille ce 28 mars, dans le cadre du festival Series Mania, pour suivre en direct la masterclass réunissant les créateurs du show, Kyan Khojandi et Bruno « Navo » Muschio, ainsi que le producteur Harry Tordjman. « Je suis le visage de Bref, mais eux, ce sont le cerveau et les bras », s’amuse le premier, en ouvrant la conférence.
Le pacte
Journaliste à Télérama et animateur de cet événement, Pierre Langlais a abordé de nombreuses thématiques, de la création de cette seconde saison au choix du casting, en passant par les origines de Bref. « On a fait un pacte dans le jardin d’Harry il y a 14 ans, et on s’est dit qu’on ferait tout ensemble, confie Kyan Khojandi dans un sourire. On a tout partagé, les joies comme les nuits blanches. »
Très complices sur la scène, les trois amis sont revenus sur la genèse de cette seconde salve inattendue. « Elle part d’oisiveté, de moments de discussions », explique le cocréateur et acteur de la série. Durant 12 années de tournée, Kyan Khojandi et Bruno Muschio consolident leur « fraternité en tant qu’auteurs ». Ils notent toutes les pensées, les idées et les concepts qui leur viennent en tête.

En 2019, Kyan Khojandi binge la première saison d’Euphoria, et c’est le déclic. « J’ai appelé Navo et je lui ai dit que ce système de métaphore longue était trop sympa. On s’est dit que ce format fonctionnerait bien avec notre voix off. C’était la première graine, celle qui a relancé l’idée de Bref. Ensuite, tout s’est accéléré en 2022. On a écrit un pilote pour voir si ce format de 30 minutes tenait la route. »
Les pièces du puzzle
Le développement de ce nouveau format était l’un des sujets majeurs de cette masterclass. « C’est facile de décevoir les gens quand tu refais ce que tu as déjà fait, souligne Kyan Khojandi. De plus, on a toujours besoin de challenge, de tenter de nouvelles choses. » « Et le 1 minute 30 n’est pas un format habituel, complète Harry Tordjman. Quand on a échangé avec Disney, on a évoqué l’idée d’une série plus longue, et ça coïncidait avec l’envie des garçons. » Pour Bruno Muschio, ce nouveau format permettait aussi de construire une histoire plus complexe, de revenir sur des souvenirs et de jouer avec les émotions des personnages.

Derrière la fluidité de Bref, il y a en réalité une mécanique de travail rodée, un artisanat méticuleux où chaque idée est disséquée, discutée, déplacée avant d’être validée. « On commence toujours par parler, explique Bruno Muschio. Des heures et des heures de discussions, parfois interminables, où l’on jette toutes nos idées sur la table. Certaines sont brillantes, d’autres complètement absurdes. Mais on ne trie pas tout de suite. On se demande juste où on veut aller avec ce héros. »

Dès le départ, l’intention était claire : le faire chuter. « Rupture, démission, dettes… On voulait le voir s’effondrer avant de le reconstruire », ajoute Kyan Khojandi. Mais comment articuler cette descente ? « On a plein d’idées qu’on assemble comme un puzzle », précise Bruno Muschio. Certaines deviennent des épisodes, d’autres un simple gag. Comme l’inscription du nom Lateub/Émilie devant l’hôpital. « On a mis six heures à le trouver, sourit le cocréateur et acteur de la série. On aurait pu écrire juste un prénom, mais on voulait ajouter une blague. On s’est lancé un défi, comme des gamins. »
Le phénomène
La suite, on la connaît : les deux amis imaginent et tournent cette saison en six épisodes et le succès est immédiat. « Ça me dépasse complètement, reconnaît Kyan Khojandi. Je ne pensais pas que ça résonnerait autant chez les spectateurs. » Pour son compère, ce phénomène s’explique en grande partie par la voix off. « Dans toutes les séries, le héros traverse des étapes : la quête, l’échec, la renaissance… Mais avec une voix off, on peut plonger dans ses pensées et expliquer ce qui se joue en lui. » Un schéma de pensée minutieusement construit, mais sans intention initiale de faire écho aux parcours existentiels du public.

« Ça ne nous appartient pas vraiment, confie l’acteur. On ne s’est jamais dit : “On va parler à tout le monde.” On a juste écrit le scénario sincèrement, en utilisant des mots compréhensibles par tous, sans références trop ancrées dans une époque. »
Et c’est là que la magie opère. « On n’a pas cherché à représenter une génération, juste à exprimer ce qu’on ressentait, conclut Bruno Muschio. Mais, en parlant de nous, on a touché beaucoup plus de monde qu’on ne l’imaginait. »
La suite ?
L’autre atout de cette saison, c’est son casting. Acteurs, humoristes, youtubeurs… « C’est les Avengers de la pop culture », s’amuse Pierre Langlais. Pourtant, les créateurs de Bref n’ont pas calculé cette apparition de guests pour attirer du monde.
« On écrit une scène, puis on se demande qui pourrait la jouer, explique Bruno Muschio. On veut juste travailler avec des gens qu’on aime, et il se trouve qu’ils sont connus. Du coup, Disney était content ! » Certains ont même dit oui les yeux fermés. « Jean-Paul Rouve nous a donné carte blanche, s’amuse le producteur Harry Tordjman. Il nous a dit qu’il jouerait dans la série sans même lire son personnage. »

Concernant la brillante Laura Felpin, l’actrice s’est imposée naturellement. « On voulait quelqu’un qui sache jouer la colère comique, raconte Kyan Khojandi. Elle vient de la scène et elle apporte quelque chose d’autre, elle a un bon sens du tempo. » Mais quid de la suite ? Cette galerie de personnages attachants reviendra-t-elle pour une troisième saison ? Bruno Muschio l’affirme dans un sourire : « On n’est pas prêts, mais on a des idées. »