
À Series Mania, L’Éclaireur a pu découvrir en avant-première les deux premiers épisodes de The Deal. Sélectionné dans la compétition internationale, le projet imaginé Jean-Stéphane Bron donne à voir les coulisses de négociations internationales, entre réalité et fiction. Critique.
Une plongée dans le monde des relations diplomatiques. C’est ainsi que l’on pourrait décrire The Deal, la nouvelle création d’Arte, revenant sur les négociations internationales qui, durant l’été 2015, ont mené à l’accord sur le nucléaire iranien. Pourtant, la série de Jean-Stéphane Bron a plus à offrir que de simples discussions pompeuses autour de l’arme atomique. En effet, grâce à son point de vue inédit – celui d’Alexandra Weiss, la cheffe de mission suisse –, ses personnages fracturés, mais aussi son rythme, The Deal donne non seulement à voir le récit personnel et romancé de ses héros, mais aussi les enjeux protocolaires et politiques de chaque pays.
États-Unis, Iran, Russie, UE, Chine… Les voilà tous réunis au bord du lac Léman pour un nouveau round de négociations. Celles-ci sont au point mort depuis que les Américains font peser sur l’Iran de lourdes sanctions vis-à-vis de leur recherche nucléaire. La Suisse, elle, mène la danse en jouant son rôle de modérateur. Et à travers les yeux d’Alexandra Weiss, on entre dans le bal.

Incarnée avec force et justesse par Veerle Baetens – que l’on avait pu découvrir dans le puissant Alabama Monroe (2013) –, elle guide le spectateur à travers ce huis clos brillamment pensé. Dans l’ombre, son personnage, à l’instar d’une cheffe d’orchestre, s’emploie à maintenir le dialogue entre toutes les nations, organise des négociations secrètes entre pays et veille au bon respect du protocole. Cependant, l’arrivée inattendue de son ancien amour, Payam Sanjabi, un ingénieur iranien dont la vie est menacée, va lui compliquer dangereusement la tâche.
Doubles faces
Entre réalité et fiction, The Deal manie habilement toutes les strates de sa narration. Menée tambour battant, la série s’emploie à la fois à décrire la crise internationale – sans jamais perdre son public – et à nous embarquer subtilement dans la psyché de ses personnages.
Il faut dire que le scénario peut compter sur les talents de scénariste d’Alice Winocour, la cinéaste à qui l’on doit Revoir Paris (2022), récit traumatique et sensible d’une victime des attentats du Bataclan. À l’instar d’Alexandra, la réalisatrice est à l’œuvre, dans l’ombre, dans une série dans laquelle la grande histoire côtoie la plus intime. Aux côtés de Jean-Stéphane Bron, elle tire les ficelles de la narration, s’attachant sans arrêt à montrer la dualité des personnages, entre humanité et manœuvres politiciennes.
On découvre ainsi les fêlures de la sous-secrétaire d’État des États-Unis, la crise d’adolescence que le ministre iranien doit gérer chez lui, ou encore le deuil latent de son chef de la sécurité. Un choix qui permet de donner un supplément d’âme à The Deal alors que la série présente une galerie de personnages loins d’être manichéens.
L’importance de la diplomatie
Cette approche sensible apporte du contraste à la force des négociations dans lesquelles chaque pays doit jouer sa partition. The Deal filme ainsi les coulisses de discussions internationales offrant alors un scénario haletant. Imaginée à huis clos, dans un luxueux hôtel suisse, la série d’Arte n’a alors rien à envier aux plus grandes séries politiques et se permet même de flirter avec les codes de l’espionnage. Ainsi, ce projet n’en oublie pas le pur divertissement et la tension de son écriture en décortiquant les enjeux diplomatiques.
Grâce à une mise en scène subtile, The Deal nous invite dans les coulisses d’un monde encore obscur. Ne s’autorisant aucun temps mort, elle parvient non seulement à captiver par la puissance de sa narration stratifiée et de sa galerie de personnages passionnante et duelle, mais aussi par la force de son propos toujours actuel. À l’heure où la question atomique n’est toujours pas résolue, la série de Jean-Stéphane Bron montre à quel point le rôle de la diplomatie est essentiel. D’ailleurs, ne serait-ce pas cela la force des séries et l’importance de Series Mania ? Montrer à travers la fiction notre monde. C’est en tout cas ce que The Deal parvient magistralement à faire.