Critique

The Witcher saison 2 : l’humain avant les monstres et la magie

23 décembre 2021
Par Alexandre Manceau
Monstres, intrigues politiques et développements personnels rythment cette saison 2.
Monstres, intrigues politiques et développements personnels rythment cette saison 2. ©Netflix

En misant sur les relations et le développement des personnages plutôt que sur l’action, la saison 2 de la série Netflix frappe fort (et bien).

La récente annulation de Cowboy Bebop par Netflix n’a fait que confirmer un célèbre adage dans le monde du divertissement : adapter une œuvre culte, qu’il s’agisse de romans ou de mangas, n’est jamais chose aisée. La plateforme au grand N s’est déjà prêtée plusieurs fois à l’exercice, avec un bilan pour le moment mitigé. Jupiter’s Legacy, Resident Evil: Infinite Darkness ou encore Cowboy Bebop n’ont convaincu ni la critique ni le public. Mais, parmi les réussites, on peut citer The Witcher. La série en live-action sur le célèbre Sorceleur Geralt de Riv a été lancée il y a deux ans. Redoutée par les fans des romans d’Andrezj Sapkowski ou des jeux vidéo de CD Projekt Red (qui compte énormément sur cette licence), cette première saison avait finalement été bien accueillie, avec plus de 76 millions de visionnages. Tenant là son propre Game of Thrones, Netflix n’allait pas s’arrêter en si bon chemin, espérant bien capitaliser sur cet univers incroyablement riche avec une seconde saison.

Des personnages encore plus passionnants

Deux ans après une première saison déroutante, notamment à cause d’une intrigue qui se déroulait sur plusieurs timelines différentes, The Witcher est donc de retour. Appuyé sur les fondations établies précédemment, le deuxième opus démarre là où le dernier épisode de la saison 1 nous avait laissés, au beau milieu de la violente bataille de Sodden. Ayant enfin retrouvé Ciri, Geralt peut désormais s’acquitter de sa mission : la protéger. Un objectif capital que l’on retrouve dès le premier épisode de la saison 2. Glauque et passionnant, celui-ci nous plonge dans le plus pur esprit de The Witcher : une demeure sombre, une créature qui en ferait frissonner plus d’un et un affrontement en pleine nuit entre le Sorceleur et le monstre. Une mise en bouche parfaite, qui se conclut d’ailleurs sur un final émouvant, où la frontière entre la créature et l’homme se révèle plus floue que jamais.

Moins agile et plus bavard, Geralt de Riv (Henry Cavill) n’en reste pas moins impressionnant.©Netflix

Satisfaisante en termes d’action, la première saison se révélait finalement assez répétitive mais, maintenant que l’univers est installé, la série peut désormais se concentrer sur le point le plus important de sa mythologie : ses personnages. Moins généreuse en combats (toujours aussi spectaculaires et bien chorégraphiés), et plus riche en dialogues, cette saison 2 prend le temps d’analyser avec subtilité les ressentis et les sentiments des différents protagonistes. « L’idée de cette seconde saison est de faire interagir les personnages et de leur faire retrouver leur humanité », avait promis Lauren Hissrich, showrunneuse de la série. Promesse tenue.

Un univers propice aux quêtes (intérieures)

Toujours aussi charismatique et imposant dans le rôle de Geralt de Riv, Henry Cavill (Man of Steel, Justice League) donne à son personnage une toute nouvelle dimension. Mutique et quelque peu ronchon dans la première saison, le Sorceleur s’ouvre un peu plus à mesure que sa relation avec Ciri évolue. Et, plutôt que de faire traîner en longueur l’acteur dans le rôle du mentor qui reste froid et distant, cette saison 2 va droit au but : Geralt et Ciri sont liés, ils ont besoin l’un de l’autre. La jeune femme est d’ailleurs l’un des visages majeurs de cette nouvelle saison. La voir apprendre, étape par étape, tout ce qu’il faut savoir sur un Sorceleur et s’entraîner à l’épée ou au parcours d’obstacles sont des scènes qui manquent de surprise, mais restent efficaces. Plongée dans un milieu principalement masculin, Freya Allan apporte toute sa jeunesse, sa candeur et sa fraîcheur à une Ciri qui cherche à découvrir qui elle est.

Prête à tout pour devenir Sorceleur, Ciri (Freya Allan) est clairement le personnage le plus intéressant de cette saison.©Netflix

À l’inverse, Yennefer (Anya Chalotra) est peut-être le personnage le plus frustrant de cette saison, malgré son rôle majeur. La jeune femme rêve de devenir la magicienne la plus puissante et sa quête était passionnante à suivre dans la première saison. Mais la Yennefer que nous retrouvons ici est bien différente. Dans la foulée de la bataille de Sodden, elle a perdu ses pouvoirs et n’est plus qu’une femme en fuite, en quête de réponses. Geralt la pense morte, et on ne voit plus les deux personnages se tourner autour et se confronter. C’est certainement là l’un des plus gros manques de cette nouvelle saison. Il faut attendre plusieurs épisodes pour que la quête de Yennefer reprenne un peu de couleurs et de densité.

L’humanité, le plus grand pouvoir face aux monstres

Dans ce nouveau chapitre, les personnages « secondaires » gagnent eux aussi en profondeur et en épaisseur. L’une des plus belles évolutions est assurément celle de Jaskier (Joey Batey). Le barde autrefois agaçant l’est toujours autant, ou presque, mais il aide désormais les opprimés. Déçu par Geralt, il porte un regard différent sur le monde, avec un goût toujours aussi prononcé pour le sarcasme, ce qui n’a rien de déplaisant, et ses facéties sont toujours aussi désopilantes.

Mage, Sorceleur ou soldat, chaque personnage gagne en humanité malgré ses croyances.©Netflix

Autre raison de suivre cette seconde saison : Vesemir, incarné par Kim Bodnia (Killing Eve). Malgré sa renommée, le mentor de Geralt est avant tout un homme qui vit pour la cause des Sorceleurs, continuant d’en prendre soin malgré le temps qui passe et les tragédies qui ont causé la perte de beaucoup d’entre eux. Le voir en perdre un (de plus) au début de cette saison permet de mettre en lumière les fragilités d’un personnage d’apparence fort et puissant. Aucun des personnages, qu’il s’agisse de Geralt ou de Jaskier, n’est un monstre insensible, et chacun parvient en l’espace de huit épisodes à évoluer en devenant plus humain.

Dans un monde toujours aussi riche et visuellement varié où le danger peut venir de n’importe où et n’importe quand, suivre des personnages surpuissants en prise avec des problématiques humaines est assez jubilatoire. Netflix signe une saison 2 rythmée à souhait, ponctuée de scènes marquantes, avec un éventail de personnages qui gagnent en maturité et en profondeur. Il nous tarde de voir la suite.

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Alexandre Manceau
Alexandre Manceau
Journaliste
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