L’adaptation du manga de Paru Itagaki livre une première partie de saison finale aussi audacieuse que troublante. Entre thriller sombre, romance interdite et critique sociale acérée, Beastars poursuit son exploration des instincts et des contradictions qui façonnent ses héros.
Dans un monde où carnivores et herbivores cohabitent sous une paix fragile, Beastars brille par sa capacité à transformer une fable animale en une allégorie des tensions humaines. La série revient ce 5 décembre sur Netflix avec la première partie de sa saison finale, une conclusion ambitieuse découpée en deux volets de 12 épisodes.
Inspirée du manga éponyme de Paru Itagaki, cette nouvelle salve continue d’explorer les fractures d’une société au bord de l’effondrement. Entre thriller, romance interdite et satire sociale, elle approfondit ses thématiques de discrimination et de dualité dans une nouvelle noirceur.
Le clivage d’un monde animal
Au fil des deux premières saisons de Beastars, Legoshi, un loup gris introverti, évolue dans un monde où la tension entre carnivores et herbivores atteint son apogée après le meurtre brutal de Tem, un alpaga. En proie à ses instincts prédateurs, Legoshi noue une relation ambiguë avec Haru, une petite lapine, tout en s’impliquant dans une enquête qui le confronte à ses propres limites.
La première partie de la saison finale reprend après le dénouement dramatique de la saison 2 : pour permettre à Legoshi de vaincre Riz, l’ours brun meurtrier de Tem, Louis, le cerf rouge, lui a offert sa jambe à dévorer, marquant un tournant douloureux pour le jeune loup.
Ségrégation, drogue et violence
Désormais hors de l’institut Cherryton, Legoshi, rongé par la culpabilité d’avoir goûté à de la viande, tente de se reconstruire tout en affrontant un sevrage déchirant. À l’extérieur, la société animale est plus fracturée que jamais. L’Institut impose une stricte séparation entre carnivores et herbivores, tandis que les tensions explosent sur le marché noir avec l’apparition du Kines, une drogue à base de viande qui réveille les instincts des carnivores.
Installé dans un modeste appartement, Legoshi se retrouve une fois de plus plongé au cœur de l’action. Une nouvelle enquête complexe l’amène à affronter Melon, un antagoniste mystérieux et impitoyable, devenu chef du gang des lions et clé de voûte d’une nouvelle intrigue sombre.
Une lecture multiple : fable, polar et drame social
Avec ces 12 nouveaux épisodes, le show démontre une fois de plus son talent pour naviguer entre différents niveaux de lecture. C’est à la fois une fable moderne sur la coexistence et une critique des mécanismes d’oppression. Chaque élément de cet univers anthropomorphe semble subtilement pensé, des discriminations entre espèces à la complexité des relations amoureuses interespèces. La dynamique entre Legoshi et Haru, petite lapine blanche, ou encore celle entre Louis, le cerf rouge ambitieux, et Juno, la louve grise idéaliste, reflètent cette tension entre nature et culture, instincts et rationalité.
La saison 3 approfondit ces réflexions en introduisant de nouveaux enjeux, comme les animaux hybrides issus d’unions entre carnivores et herbivores, et les dilemmes éthiques qu’ils posent. En parallèle, le passé familial de Legoshi prend une place centrale, dévoilant les mystères qui entourent son grand-père, Gosha, dont l’histoire s’entrelace étroitement avec celle de Yahya, un Beastar en exercice – une figure que l’on découvre enfin à l’écran.
Des personnages au service d’un récit dense
Les 12 épisodes de cette première partie ne manquent pas de complexité. À travers plusieurs intrigues entremêlées, la série oscille entre moments intimistes et scènes d’action. Le sevrage douloureux de Legoshi, après avoir goûté à la viande, est particulièrement poignant. Louis, l’ambitieux, lutte pour réconcilier ses idéaux avec une réalité brutale, tandis que le club de théâtre de Cherryton tente de survivre à la ségrégation imposée par l’université.
Une densité scénaristique intéressante, qui peut parfois paraître excessive. Si les intrigues secondaires enrichissent le récit – notamment les histoires intimes –, certaines, comme la survie du club de théâtre, peinent à trouver un juste équilibre face aux enjeux plus dramatiques.
Une esthétique atypique, mais clivante
Visuellement, Beastars conserve sa signature singulière grâce à l’animation en 3D du studio Orange, un choix qui confère aux personnages une expressivité unique et participe à l’identité de la série. Une animation qui, bien que fluide et inventive, manque de texture par rapport à l’artisanat traditionnel du dessin animé. Le nouvel opening, en revanche, est un chef-d’œuvre en soi, mêlant stop motion, papier mâché et animation pour un résultat saisissant.
La première partie de cette saison finale s’achève sur un cliffhanger redoutablement efficace. Les tensions atteignent leur paroxysme, laissant le spectateur face à d’innombrables questions : Legoshi et Haru trouveront-ils enfin une voie commune ? Louis parviendra-t-il à stopper le commerce du Kines ? Et, surtout, cette société dysfonctionnelle peut-elle espérer surmonter ses fractures naturelles ? Prévue pour courant 2025, la deuxième partie devra répondre à ces enjeux tout en apportant une conclusion satisfaisante à une série qui aura marqué son époque.