Arrêté à Alger, l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal avait été placé en détention par les autorités algériennes. Il était accusé d’atteinte à l’intégrité nationale, une situation qui relançait le débat sur la liberté d’expression dans un contexte de tensions politiques et diplomatiques.
[MAJ le 12 novembre 2025]
Près d’un an jour pour jour après son arrestation, l’écrivain Boualem Sansal a été gracié par le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, à la suite d’une médiation assurée par son homologue allemand Frank-Walter Steinmeier, en collaboration avec la diplomatie française.
Dans un communiqué, relayé par Le Monde, Alger a annoncé : « L’Etat allemand se chargera du transfert et des soins de la personne concernée ». La présidence du pays a, en effet, accepté la demande allemande en raison des « motifs humanitaires » liés à l’état de santé de l’écrivain. Ce dernier, gravement malade, devrait être rapidement transféré en Allemagne afin de recevoir les soins médicaux nécessaires.
À la suite de l’annonce, un avion allemand aurait décollé depuis Berlin, selon France Info, afin de se rendre en Algérie, ce mercredi 12 novembre tandis que plusieurs personnalités publiques ont réagi. Le premier Ministre, Sébastien Lecornu, a partagé son « soulagement » avant d’ajouter : « Nous souhaitons qu’il puisse rejoindre ses proches au plus vite » devant les députés, à l’occasion d’une séance de questions au gouvernement. De son côté, Kamel Daoud s’est réjoui de la libération de Boualem Sansal. Toutefois, le prix Goncourt 2024 espère que l’Algérie retrouvera rapidement « le chemin de la liberté » dans les colonnes du Figaro.
Cette grâce présidentielle met ainsi fin à près d’un an d’emprisonnement ainsi « qu’à l’arbitraire » de cette décision. Elle signe aussi la fin d’une guerre diplomatique entre la France et l’Algérie.
[Article d’origine]
Le romancier et essayiste franco-algérien Boualem Sansal, figure emblématique de la critique intellectuelle contre l’autoritarisme et l’intégrisme, a été arrêté par les forces de l’ordre à Alger, le 16 novembre dernier. Il devait normalement être entendu par la justice algérienne lundi 25 novembre, mais cette audience n’a pas eu lieu a déclaré son avocat François Zimeray, sur BFMTV. Depuis une semaine, l’absence d’informations précises sur sa situation alimente une inquiétude croissante, parmi ses proches et la communauté internationale.
Une figure littéraire et politique
Né en Algérie il y a 75 ans, Boualem Sansal s’est fait connaître pour ses romans incisifs qui dénoncent les dérives du pouvoir et de l’intégrisme religieux. Dès son premier ouvrage, Le Serment des barbares, il décrit avec une plume acérée les maux de son pays d’origine, de la montée de l’intégrisme à l’autoritarisme du régime. Avec 2084 : la fin du monde, il imagine un futur dystopique où l’islamisme domine, un récit qui lui vaut une reconnaissance internationale mais aussi une censure stricte en Algérie.
En parallèle de sa carrière littéraire, Sansal a été un haut fonctionnaire avant d’être limogé pour ses critiques envers le régime. Il a obtenu la nationalité française en 2024, un fait qui n’a pas échappé aux autorités algériennes. « L’Algérie est une dictature d’islamisme, un intégrisme terrible », avait-il confié sur Arte en janvier dernier.
Les faits reprochés et le contexte diplomatique
L’arrestation de l’écrivain aurait été déclenchée par une interview accordée au média français Frontières, réputé proche de l’extrême droite, où Sansal aurait exprimé des opinions jugées sensibles par Alger. Il y aurait notamment remis en question les frontières de l’Algérie, une thématique particulièrement délicate dans le contexte des tensions sur le Sahara occidental. L’Algérie considère toute remise en question de son intégrité territoriale comme une « ligne rouge ».
Son avocat, François Zimeray, a souligné que ces accusations pourraient entraîner de graves conséquences, évoquant un « risque de perpétuité pour ce type d’infraction ». Sur BFMTV, il a dénoncé une atteinte à la liberté d’expression, déclarant : « On n’incarcère pas quelqu’un pour des propos. »
Une inquiétude croissante et des soutiens variés
Depuis son arrestation, Boualem Sansal n’a pas été présenté devant un procureur et les informations sur ses conditions de détention restent floues, assure son avocat. Son éditeur Gallimard a exprimé une vive préoccupation, qualifiant son incarcération d’inacceptable. L’Académie française et l’Académie des sciences d’outre-mer se sont jointes aux appels internationaux pour réclamer sa libération immédiate.
Du côté politique, le président Emmanuel Macron s’est déclaré « très inquiet » de la situation, tandis que des figures politiques, du Parti socialiste à l’extrême droite, ont apporté leur soutien. Des écrivains, dont Kamel Daoud, lauréat du dernier prix Goncourt, ont également appelé à sa libération.
Un symbole au cœur de tensions franco-algériennes
Cette arrestation survient dans un contexte déjà tendu entre la France et l’Algérie, marqué par des désaccords autour du Sahara occidental. En juillet, la France avait soutenu un plan d’autonomie proposé par le Maroc, un geste perçu comme un affront par Alger. « Ce n’est pas seulement une dimension franco-algérienne, cela doit interpeller des intellectuels du monde entier », a plaidé François Zimeray, insistant sur la portée universelle de cette affaire.