Signée par James Gunn, la série Creature Commandos est une nouvelle preuve de la bonne santé de l’animation occidentale pour adultes.
Ce 5 décembre, la plateforme Max entamera la diffusion du dessin animé Creature Commandos, qui met en scène des antihéros monstrueux dans l’univers de DC Comics. Inspiré d’une série de bande dessinée assez confidentielle chez nous, il adopte un ton irrévérencieux, adulte et outrancier, ce qui n’étonne guère étant donné le nom de son scénariste et réalisateur : James Gunn (Les Gardiens de la galaxie, Suicide Squad…). Mais ce cartoon débarque surtout dans un contexte particulier ; celui de l’explosion du nombre de productions animées occidentales destinées à un public adulte.
Un genre mainstream ?
Comme le remarque Thierry, un amateur de cartoons pour les grands interrogé peu avant la sortie de Creature Commandos, le phénomène n’est pas nouveau. Cependant, 2024 a marqué une rupture en la matière. « J’ai commencé à regarder de l’animation “pour grandes personnes” quand j’étais ado, dans les années 1990, explique-t-il. À l’époque, il y a eu beaucoup de séries qui ne s’adressaient pas du tout aux enfants, comme King of the Hill, Beavis & Butthead, Daria ou encore South Park. Ce type de productions a continué à exister. Ces dernières années, on a vu le succès grandissant de shows tels que Rick & Morty, BoJack Horseman et Archer. Mais, depuis deux ans, ces séries se multiplient, et avec de gros noms au générique ! »
L’agenda extrêmement chargé des sorties de 2024 le confirme. En quelques mois se sont bousculés la saison 2 d’Arcane du studio Fortiche, Tomb Raider : la légende de Lara Croft de Tasha Huo ou encore Twilight of the Gods de Zack Snyder. Aurélie, informaticienne dans le domaine du jeu vidéo, fait le même constat.
« Il y a quelques années, l’animation pour adulte rimait soit avec projet un peu expérimental façon Midnight Gospel ou Love Death & Robots, soit avec production un peu trash, détaille-t-elle. Aujourd’hui, il y a de tout : de la comédie, de l’action, des projets plus expérimentaux… Je me suis mise à en regarder à nouveau, alors que j’avais 100 % basculé sur les animes japonais depuis quelques années ! »
De fait, l’animation pour adulte est à la mode, particulièrement depuis le succès extraordinaire de la première saison d’Arcane, fin 2021. Une série saluée pour l’excellence de sa réalisation, ses personnages subtils et son univers extrêmement travaillé. Mais, jusqu’ici, ces œuvres avaient la particularité d’être conçues par des réalisatrices et des réalisateurs surtout connus des spécialistes du genre. En 2024, les plateformes de diffusion confient désormais ce genre de projets à des stars du cinéma.
Une forte demande et un écosystème favorable
Pour Hati, qui travaille dans le domaine du sous-titrage de séries, il s’agirait presque de s’en amuser. « Il y a quelques années, l’industrie et la critique cinéma parlait encore des séries, et plus particulièrement des séries animées, comme d’un sous-genre un peu honteux. “Réalisateur de dessin animé”, ça ne faisait rêver personne ! Et les plateformes annulaient des productions comme Tuca & Bertie au moindre couac. Maintenant, les grands réalisateurs d’Hollywood se bousculent pour avoir leur cartoon. »
Il faut dire que les conditions sont réunies pour voir fonctionner ce type de feuilletons. La demande est très forte chez les jeunes adultes et accentuée par le fait que nombre de ces productions ont des dispositifs transmédia très poussés, avec, par exemple, un univers connecté, des jeux vidéo ou des licences très bien identifiées. C’est ce qui a permis la création de séries animées ambitieuses parues depuis deux ans comme X-Men 97, Castlevania : nocturne ou encore Batman: The Caped Crusader.
Un écosystème rendu encore plus favorable par l’essor des coproductions internationales, particulièrement avec de talentueux studios japonais, ces dernières permettant de livrer des shows rassemblant à la fois les fans d’animation occidentale et japonaise. Dans le sillage de superproductions comme la série polono-japonaise Cyberpunk Edgerunner, on a vu arriver Scott Pilgrim prend son envol ou plus récemment Terminator Zero, coproduction entre Skydance et le studio japonais Production I.G.
La qualité est au rendez-vous
Le fait que cette production de dessins animés s’intensifie depuis deux ans pourrait faire craindre une baisse de la qualité, voire une difficulté à réitérer les exploits scénaristiques d’un BoJack Horseman. Il est vrai que dans cette frénésie de nouveautés, on a compté quelques séries en dessous des attentes.
Aurélie a été déçue par plusieurs shows, comme Blue Eye Samurai, « qui se perdait un peu dans son intrigue », Captain Fall, « qui n’était pas drôle », et la série Sausage Party, qui était « un peu has-been ». « J’ai connu des déceptions, mais, dans l’ensemble, la qualité de la production est assez élevée ! »
D’une certaine manière, l’animation occidentale pour adulte a emboîté le pas à celle pour les enfants, qui continue à cartonner avec de nouvelles saisons d’Adventure Time, Velma ou encore Moon Girl.
S’il fallait apporter un bémol, ce serait sans doute le fait qu’à de rares exceptions près, cette nouvelle vague de séries occidentales peine à se détacher d’énormes licences extrêmement porteuses pour proposer des univers plus originaux. Ou, au moins, à s’attacher à des aspects moins connus de ces univers. En ce sens, le Creature Commandos de James Gunn est une bonne nouvelle. Au fond, qui, à part quelques mordus de l’univers DC, avait déjà entendu parler de ce groupe de personnages ?
