« Filles d’aujourd’hui, enfants de la forme, nous aimons rire et danser… » Si ces paroles résonnent en vous, c’est que vous avez probablement grandi dans les eighties. En attendant la diffusion de son adaptation en live-action le 11 novembre prochain sur TF1, on vous explique comment l’anime Signé Cat’s Eyes a marqué plusieurs générations.
À l’origine des Cat’s Eyes se trouve le mangaka Tsukasa Hôjô. C’est lui qui a imaginé l’histoire de Cylia, Tam et Alex Chamade (Rui, Hitomi et Ai Kisugi dans la version originale), trois sœurs voleuses et débrouillardes, qui annoncent par une carte de visite où et à quelle heure elles vont commettre leur vol d’œuvre d’art. Ce coup d’avance donné à l’enquêteur Quentin Chapuis (Toshio Utsumi), obsédé à l’idée de les arrêter, ne les empêche pas de parvenir à chaque fois à leurs fins, avec classe et brio.
En 1981, Tsukasa Hôjô vend un one shot de son histoire au Weekly Shōnen Jump. Rencontrant un vif succès, Cat’s Eyes devient un manga feuilletonnant, publié dans le magazine entre 1981 et 1985. Il nous parvient en France en dix volumes grâce aux éditions Tonkam, avant que Panini en édite une version deluxe à compter de 2008.
« L’œuvre de Tsukasa Hôjô a marqué le début des années 1980 par son histoire mystérieuse et ses personnages féminins charismatiques, souligne Fabien Chastel, sur le site Daily Geek Show. Mais à l’international et plus particulièrement en France, c’est son adaptation en anime qui fait connaître l’histoire au public. »
Un générique culte en France et au Japon
La série, composée de deux saisons et de 73 épisodes, arrive en France à partir de 1986 sur France 3, avant de débarquer dans le mythique Club Dorothée au début des années 1990. Plusieurs raisons expliquent son succès, à commencer par ce générique entêtant, interprété en français par Isabelle Guiard – mais la maison de disque a crédité à tort Danièle Hazan, comme elle l’explique dans une vidéo. La chanson japonaise originale, entonnée par la chanteuse Anri, devint également un énorme succès lors de sa sortie au Japon, jusqu’à se placer tout en haut du top 50 en 1983.
Multirediffusé en France depuis le début des années 2000 (sur France 3, TF1, mais aussi Game One, Mangas et Téva), l’anime rétro a ainsi bercé plusieurs générations d’enfants, qui ont grandi en prenant leur goûter devant Cat’s Eyes. La série animée est devenue une madeleine de Proust pour millennials nostalgiques. Ces dernières années, et avec des succès comme la série Stranger Things, les eighties ont aussi connu un retour de hype qui profite à cet anime très ancré dans cette époque, avec ses héroïnes en justaucorps.
Une intrigue originale aux fondements historiques
Au moment de créer Cat’s Eyes, Tsukasa Hôjô a été inspiré par les aventures d’Arsène Lupin, le gentleman cambrioleur créé par Maurice Leblanc – et l’anime y fait d’ailleurs référence en plaçant l’épouse de Lupin sur le chemin des sœurs dans l’épisode 4. Et en France, on adore les histoires de voleurs au grand cœur et autres justicières comme Fantômette, qui se contorsionnent sur les toits des villes.
Si Cat’s Eyes est une série drôle et pleine d’action, l’histoire évoque une page sombre de la Seconde Guerre mondiale. Alex, Tam et Cylia ne volent pas des œuvres d’art pour le sport : elles se sont donné pour mission de réunir la collection de leur père, Michael Heintz. Un peintre allemand qui a tenté de s’opposer au vol d’œuvres d’art par les nazis, et qui a disparu après 1945.
Le show rappelle là un fait historique : les nazis ont effectivement pillé les collections d’art des familles juives. Ainsi, les épisodes « citent des tableaux de véritables artistes persécutés comme Ernst Ludwig Kirchner et Oskar Kokoschka, accusés de produire “de l’art dégénéré” », note le Youtubeur Arkeo Toys.
Les sœurs Chamade appliquent alors un principe de restitution : elles récupèrent, certes de façon illégale, des œuvres bien mal acquises. Un sujet d’autant plus intéressant que le Japon, du mauvais côté de l’histoire (allié de l’Allemagne nazie), n’a mis en place aucune loi de restitution d’œuvres volées durant cette époque trouble.
Des personnages féminins badass et modernes
Pour le youtubeur de Chroniques Pop, le succès de Cat’s Eyes tient à « une animation soignée, une histoire rythmée et des héroïnes charismatiques » pour « une série qui donne envie de devenir cleptomane », conclut-il avec humour. L’atout numéro 1 du show, ce sont en effet les trois sœurs Chamade, qui correspondent chacune à des archétypes féminins. Il y a Cylia, l’aînée posée, stratégique et diablement efficace, Alex la benjamine intrépide aux cheveux courts, capable de conduire des hélicoptères ou de créer des robots, et Tam, la cadette romantique.
Souvent au cœur de l’action lors des vols, cette dernière est tiraillée dans sa mission. Elle en pince pour le détective Quentin Chapuis, mais elle doit aussi l’utiliser pour avoir toujours un coup d’avance avec ses sœurs. « C’est dur de tomber amoureuse d’un policier quand on est une voleuse », se lamente-t-elle. On est dans une relation classique, mais toujours fun, des opposés qui s’attirent.
Dans cette comédie d’action, Quentin est le chat et les sœurs les souris qui lui échappent constamment. Il faut dire qu’il n’est pas le couteau le plus affûté du tiroir. Quand il ne se fait pas réprimander par son chef toxique, le détective passe le plus clair de son temps au café tenu par Cylia et Tam, et baptisé… Cat’s Eyes. « Quel drôle de nom pour un café ! », se contente-t-il de remarquer.
Un anime féministe avant l’heure
Ces trois personnages féminins athlétiques et en charge de l’action se jouent des hommes autour d’elles. Ces derniers les sous-estiment et pensent pendant longtemps que Cat’s Eyes est un homme. Pendant ce temps-là, elles conduisent des motos et démontrent une grande intelligence tactique, changeant régulièrement leur plan à la dernière minute quand la situation le demande.
Leurs adversaires les plus dangereuses sont par ailleurs des femmes : la fiancée de Lupin, puis Odile Asaya (Mitsuko Asatani), une collègue de Quentin perspicace, qui ne tarde pas à soupçonner les sœurs Chamade. C’est pour toutes ces raisons que l’anime est qualifié de « féministe avant l’heure ». « L’image de ces femmes fortes quand j’étais gosse, ça m’a énormément marquée », commente @madelinegaredjani1342.
Dans le sillage de Ripley dans Alien (1979) et Sarah Connor dans Terminator (1984), les Cat’s Eyes préfigurent la montée en puissance de personnages féminins badass des années 1990 sur le petit écran (Buffy, Sailor Moon, Sydney Bristow dans Alias…). En 2006, le dessin animé Totally Spies rend hommage à cet anime qui a influencé les dessins animés modernes. Dans l’épisode 20 de la saison 4, les filles font face à un voleur surnommé « Cat’s », et la série d’animation Ghost in the Shell: Stand Alone Complex (2002) y est aussi allée de son clin d’œil.
Une adaptation en live-action digne de ce nom ?
Malgré toutes ses qualités, Cat’s Eyes peut sembler une œuvre très male gaze d’un point de vue contemporain. Le détective Quentin Chapuis est un prototype du personnage de Nicky Larson (City Hunter), manga créé par le même Tsukasa Hôjô en 1985 et adapté en anime à succès entre 1987 et 1991. Il ne peut pas parler à un personnage féminin sans le sexualiser ou le diminuer et « tombe » accidentellement sur les seins ou les fesses de Tam dans certains épisodes.
De plus, les deux sœurs aînées – qui travaillent dans un café où trône un poster géant d’une femme nue de dos – sont sexualisées dans diverses scènes. Un œil aguerri peut observer la façon dont la caméra découpe régulièrement les personnages féminins par un gros plan qui part des pieds pour arriver à la tête.
Mais, en 40 ans, la société et notre regard ont changé. Si les Cat’s Eyes ont connu deux adaptations oubliables en films live-action en 1988 et 1997, elles restent moins connues du grand public que Nicky Larson. Les deux histoires se déroulent d’ailleurs dans le même univers et les trois héroïnes apparaissent dans certains épisodes de Nicky Larson.
Les Cat’s Eyes méritaient donc une nouvelle adaptation à la hauteur de leurs légendes. La version française, qui a été développée durant sept ans, transpose son action à Paris. L’anime se déroulait au Japon, même si la version française avait changé tous les prénoms des personnages pour les occidentaliser, ce qui donne un curieux mélange, impensable de nos jours. Après sa diffusion sur TF1, la série sera mise en ligne sur Prime Video, à destination d’un public international. Espérons que ces Cat’s Eyes modernisées raviront les cœurs des fans et trouveront un succès comparable au Lupin de Netflix.