À l’occasion d’un déplacement inédit des mangakas le 24 août à la Fnac des Ternes, une poignée de journalistes français ont pu rencontrer Masashi Kishimoto et Mikio Ikemoto lors d’une conférence de presse singulière.
Dans la petite salle de presse nichée au dernier étage de la Fnac des Ternes, dans le 17ᵉ arrondissement de Paris, l’excitation était à son comble ce samedi 24 août. Même pour la soixantaine de journalistes aguerris présents, cette date restera gravée dans les mémoires. Ils y auront vécu un moment précieux : la rencontre avec Masashi Kishimoto, auteur du mythique Naruto, et de Mikio Ikemoto, son ancien assistant et successeur, créateur de Boruto.
Leur déplacement exceptionnel a été organisé pour célébrer la sortie du premier tome de Boruto – Two Blue Vortex, publié aux éditions Kana, marquant le début de la deuxième partie des aventures du fils du septième Hokage. Avant la séance de dédicaces en fin de journée, les auteurs nous ont offert l’opportunité rare de dialoguer avec eux sur l’ensemble de la saga, devenue l’une des œuvres les plus emblématiques de l’industrie du manga. En milieu d’après-midi, l’atmosphère électrisée a atteint son apogée lorsque les deux auteurs ont fait leur entrée, accueillis par un tonnerre d’applaudissements du public.
“Le public m’a compris”
Parmi les questions posées, beaucoup portaient sur l’impact de Naruto en France, où, dix ans après la parution du dernier tome, le manga continue de se maintenir dans le top des ventes. « Je ne m’en rends pas vraiment compte, a reconnu Masashi Kishimoto, d’abord impressionné par l’enthousiasme des journalistes. J’ai simplement dessiné et raconté ce que j’avais à l’intérieur de moi, et le public m’a compris. » L’auteur a d’ailleurs admis n’avoir jamais pensé au public étranger ni aux marchés internationaux lorsqu’il publiait dans le Weekly Shōnen Jump.
Des héros attachants et des antagonistes torturés
Les échanges ont ensuite naturellement dérivé vers la source de ce succès mondial et l’attachement particulier que suscite le personnage de Naruto, cet orphelin maudit cherchant à trouver sa place dans un monde qui le rejette. Mikio Ikemoto a expliqué que « beaucoup de gens s’identifient à Naruto. C’est un personnage dont on comprend la souffrance. »
« Il est populaire parce que c’est un personnage imparfait », a alors ajouté Masashi Kishimoto. Or, rien n’est plus vrai : Naruto doute, échoue, et c’est cette vulnérabilité qui l’a rendu si accessible et attachant pour des millions de lecteurs.
Après avoir évoqué le héros, la discussion s’est orientée vers les antagonistes. Contrairement à de nombreux mangas, les adversaires de Naruto sont plus complexes. Par exemple, Itachi Uchiha a commis des actes terribles pour protéger son village, Pain a imposé la paix par la souffrance, et Tobi (Obito) a été façonné par le chagrin et la manipulation. Kishimoto a expliqué qu’il aurait pu créer un « pur méchant », mais qu’il préférait des adversaires plus nuancés pour se différencier d’autres œuvres comme One Piece.
La place centrale de la relation maître-élève
Le thème du tutorat, omniprésent dans leurs œuvres, a également été abordé, mettant en lumière la vision des deux auteurs. Mikio Ikemoto a souligné que la relation maître-élève est cruciale, car « elle permet à la nouvelle génération de réaliser ce que les précédentes n’ont pas pu accomplir. C’est un thème universel, dans le manga comme dans la vie ».
Avec beaucoup d’humour, Masashi Kishimoto a évoqué son rôle de mentor pour Ikemoto, qui était son assistant. « Je lui ai beaucoup appris, mais maintenant, l’élève a dépassé le maître », a-t-il concédé.
En ce qui concerne Boruto, Masashi Kishimoto a d’ailleurs reconnu qu’il n’intervenait plus directement dans l’élaboration de la suite de la saga. Bien qu’ils se soient concertés au début, c’est désormais Ikemoto, seul avec son éditeur, qui décide de la direction à prendre, même si Kishimoto reste impliqué en tant que superviseur. « Je suis honoré d’en être à chaque fois le premier lecteur. Mais je n’en suis maintenant que le spectateur et je savoure le spectacle ! », a-t-il confié.
Des influences de la fantaisie à Dragon Ball, en passant par la SF
Malgré des réponses plutôt succinctes à la plupart des questions, Masashi Kishimoto et Mikio Ikemoto se sont un peu plus attardé sur les œuvres qui les ont profondément influencés. Kishimoto a mentionné Star Wars ou Retour vers le futur, reconnaissant être fan de fantaisie, ainsi que des classiques japonais comme Cours, Melos !.
De son côté, Ikemoto a cité la trilogie Matrix comme l’une de ses œuvres préférées et une source d’inspiration majeure. « Dans le premier volet, Neo apparaît comme le sauveur, a-t-il expliqué. Dans le second, il apprend à maîtriser sa puissance. Ça ressemble un peu à Boruto, avec une première partie du manga sur l’enfance, puis une seconde sur la période de jeune adulte. » Enfin, et sans surprise, Dragon Ball reste une référence incontournable pour les deux auteurs.
Une rencontre exceptionnelle avec les lecteurs
De l’autre côté du mur, dans les couloirs de la Fnac, l’excitation était aussi palpable. Des fans de tous les âges se rassemblaient progressivement, déjà bien avant l’heure, pour avoir une chance d’apercevoir les célèbres mangakas avant de faire signer leur exemplaire du premier tome de Boruto – Two Blue Vortex.
Très enthousiaste, Adam, 16 ans, a assuré que ce moment allait être « magique ». Après avoir découvert Naruto grâce à son grand frère, il a suivi avec fidélité la saga sous la plume d’Ikemoto. « Ils font partie de mon quotidien ! », ajoute-t-il. Élise, 26 ans, se réjouit quant à elle de voir qu’elle n’est pas la seule « grande enfant » présente. « Dans ma fratrie, Naruto a marqué notre enfance, explique-t-elle. Même si on suit moins la nouvelle saga, rencontrer ces auteurs, c’est une occasion unique ! »
À la fin de la journée, journalistes et lecteurs étaient unanimes : la présence de Masashi Kishimoto et Mikio Ikemoto à Paris était un privilège rare et un moment unique. C’était en effet la première fois que les deux mangakas visitaient la France. Réputé pour sa discrétion et ses apparitions publiques peu fréquentes, Masashi Kishimoto n’avait pas quitté le Japon depuis plus de dix ans. En espérant que cet événement inspire certains de leurs congénères à venir à la rencontre de leurs fans français.