Critique

Rocky Horror Show : que vaut la comédie musicale trash présentée à Paris ?

02 mars 2024
Par Benoît Gaboriaud
Le “Rocky Horror Show” vient de débarquer au Lido 2 Paris.
Le “Rocky Horror Show” vient de débarquer au Lido 2 Paris. ©DR

Œuvre iconoclaste, sommet du kitsch queer et synonyme de culte, le Rocky Horror Show fête son 50e anniversaire sur les Champs-Élysées, au Lido 2 Paris, durant huit semaines. Toutefois, cette nouvelle version vaut-elle le déplacement ?

Chapeaux et costumes pailletés, contours des yeux approximatifs, tenues extravagantes en tout genre : nul doute, nous sommes bien à la première du Rocky Horror Show, au Lido 2, à Paris. La raison : le musical rock’n’roll trash et queer fête ses 50 ans de folie contagieuse, en version originale. C’est donc avec un plaisir non dissimulé que nous retrouvons Brad et Janet, un couple bien sous tout rapport et prêt à s’unir devant Dieu, qui va subir un dévergondage jubilatoire aux mains du Dr. Frank-N-Furter, l’extraverti travesti originaire de la planète Transexual, située dans la galaxie Transylvania, comme le rappelle la chanson Sweet Transvestite.

Bande-annonce du Rocky Horror Show au Lido 2 Paris.

Dans la salle, dès les premières notes, c’est l’euphorie. Les punchlines, plus ou moins bien senties, fusent. Peu importe, Rocky Horror Show affiche un mauvais goût assumé, pour mieux et toujours bousculer la bienséance d’un déhanché sulfureux.

Le record de la plus longue sortie en salle

Cet engouement n’est pas nouveau. À Paris, le Studio Galande diffuse l’adaptation cinématographique, The Rocky Horror Picture Show (1975), toutes les semaines depuis 1978. Lors de chaque projection, le spectacle a lieu aussi bien sur grand écran que dans la salle, où régulièrement des troupes de comédiens sèment la zizanie pour le plus grand plaisir des fans, dans ce qui se révèle être une cérémonie irrévérencieuse.

Dans le reste du monde, c’est pareil ! Plusieurs cinémas projettent le film depuis plus de 40 ans, offrant ainsi aux producteurs le record de la plus longue sortie en salle de l’histoire du 7e art.

Le Rocky Horror Show au Lido 2 Paris. ©DR

Rappelons-le. Avant d’être un film culte, porté par la toute jeune Susan Sarandon en Janet Weiss, il y a bel et bien eu le Rocky Horror Show. Imaginé par Richard O’Brien, qui en a signé à la fois le livret, les paroles et la musique, le music-hall a été présenté pour la première fois le 13 juin 1973 à Londres, dans le West End.

Le show est né d’une frustration. Alors figurant dans Jesus Christ Superstar (1970), le blockbuster d’Andrew Lloyd Webber et Tim Rice, Richard O’Brien est remercié du jour au lendemain. En réponse, le jeune homme de 28 ans monte un antispectacle : un cocktail constitué de sexe débridé, de série B d’épouvante et de rock’n’roll décomplexé. Aussitôt, la recette détonne, mais n’est savourée le soir de la première que par une dizaine de spectateurs. Depuis, le spectacle a été acclamé par plus de 30 millions de personnes à travers le monde.

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Une célébration avant tout

Très ancré dans l’esprit contestataire rock des années 1970, le Rocky Horror Show continue pourtant de fasciner. Plus qu’une comédie musicale, le spectacle est avant tout une célébration, un rassemblement, une fête jouissive et libératrice.

Le Rocky Horror Show au Lido 2 Paris. ©The Other Richard

Cette production anniversaire, signée Christopher Luscombe et dévoilée au Lido 2, en est la preuve et joue la carte du kitsch à outrance. « Que Dieu bénisse le Lido » comme l’évoque un des personnages. Couleurs criardes, costumes et décors volontairement cheaps… Le metteur en scène anglais ne fait pas dans la dentelle, mais renoue avec l’esprit de la version originelle résolument foutraque. Cependant, ceux qui feront le déplacement pour voir un spectacle de bonne facture rentreront déçus, tout comme ceux qui souhaiteraient découvrir cette ode à la liberté pour la première fois. 

Un concentré de tubes parfaitement ravivés

Sur le plan artistique, le film de Jim Sharman – également metteur en scène de la première version théâtrale – est un cran au-dessus et fait davantage part de nuance et de glam, notamment du point de vue du chant. Ici, les interprètes sont constamment dans la performance vocale, forçant sur leur voix pour leur donner un aspect rock, mais fake !

Leur jeu un brin hystérique et clownesque finit par agacer et brouiller toute émotion. Dans son ensemble, le show manque de respiration et paraît étriqué sur cette petite scène du Lido.

Le Rocky Horror Show au Lido 2 Paris. ©DR

Mais tout n’est pas à jeter, bien au contraire ! Caché derrière une partie du décor en forme de bobine de film, l’orchestre ravive sans fausses notes une partition qui compte parmi les plus entêtantes du music-hall. C’est donc avec joie, à la manière d’un concert de rock, que l’on redécouvre cette collection de tubes indémodables.

Enfin, attendu comme le Messie, Stephen Webb, dans le rôle phare du Dr. Frank-N-Furter, convainc totalement, en se présentant tel un sosie troublant de Tim Curry qui incarna le rôle pour la première fois au théâtre et au cinéma. Grâce à son charisme flamboyant, il sauve tout. Ben Westhead, en Rocky, joue parfaitement l’Apollon naïf, et Darcy Finden, en Columbia, avec sa voix de crécelle maîtrisée, s’inscrit dans l’esthétisme plus subtil du film. Tous auraient finalement mérité plus d’espace !

Rocky Horror Show au Lido 2 Paris jusqu’au 21 avril 2024. Billetterie par ici.

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