Critique

Dune, deuxième partie : que vaut la suite réalisée par Denis Villeneuve ?

26 février 2024
Par Lisa Muratore
Timothée Chalamet dans “Dune, deuxième partie”.
Timothée Chalamet dans “Dune, deuxième partie”. ©Warner Bros.

Attendu dans les salles obscures françaises ce mercredi 28 février, Dune, deuxième partie confirme le style Villeneuve dans une suite monumentale, dense et complexe. Critique (garantie sans spoilers).

L’attente est enfin terminée. Après trois ans d’absence, la deuxième partie tant attendue de Dune arrive dans les salles obscures. À partir du 28 février 2024, le public français va pouvoir découvrir la suite des aventures de Paul Atréides, dont le destin est désormais lié à celui des Fremen. Le héros incarné par Timothée Chalamet fait désormais partie de ce peuple des sables. À leur contact, celui que l’on surnomme le Lisan Al Gaïb d’Arrakis va devoir apprendre leurs coutumes, leur langue ou encore leur méthode de combat afin d’espérer défaire les Harkonnen et l’Empire.

Ce dernier se révèle davantage dans Dune, deuxième partie grâce à la présence de Christopher Walken et de Florence Pugh, les nouveaux visages recrutés par Denis Villeneuve. En introduisant de nouvelles forces en présence, le réalisateur canadien offre un long-métrage plus complexe, sans pour autant perdre la linéarité de l’histoire. Trahison et vengeance sont toujours de mise dans Dune 2, mais se conjuguent à d’autres enjeux.

Timothée Chalamet dans Dune, deuxième partie. ©Warner Bros.

Gravir les dunes

On retrouve ainsi les éléments qui faisaient la force du précédent volet, mais, suite oblige, il fallait trouver un souffle et une ampleur supplémentaires. Villeneuve est parvenu à gravir la dune hostile. Son film convoque toujours une science-fiction millimétrée et codifiée, des images dignes des plus grands blockbusters, tout en nous plongeant, cette fois-ci, dans une histoire d’amour shakespearienne, ou encore dans du cinéma d’auteur quasi méta lorsque le film aborde les notions de destinée, d’élu ou de prophétie.

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L’exposition du premier film est terminée. Denis Villeneuve nous embarque à présent dans une véritable fresque cinématographique à plus de 100 à l’heure. Si le montage apparaît parfois abrupt, cela prouve surtout que le réalisateur maîtrise son rythme avec la même ligne de conduite : combler les disciples de Frank Herbert au même titre que les néophytes de Dune. Dans cette optique, il offre une tension constante, oscillant entre des scènes d’action dans le désert, des séquences intimes qui permettent une meilleure appréhension des personnages et des passages proches du thriller qui font véritablement avancer l’action.

Car l’une des grandes forces de Dune réside avant tout dans son mystère. Le doute qui plane autour du destin de Paul, le prosélytisme ambiant personnifié par Stilgar (Javier Bardem), ou encore le plan secret des Bene Gesserit sont autant d’éléments qui participent à créer une atmosphère paranoïaque, obsessionnelle, viscérale, annonciatrice du ravage humain. Comme si le piège de la prophétie se refermait doucement sur nos héros.

Austin Butler incarne Feyd-Rautha Harkonnen dans Dune, deuxième partie. ©Warner Bros.

La violence est imminente. On la sent tapie sous le sable d’Arrakis, prête à exploser. Mais elle viendra sûrement dans un troisième épisode, le dernier selon Villeneuve. Avant cela, la brutalité a un visage, celui des Harkonnen, et plus particulièrement de Feyd-Rautha Harkonnen, incarné par l’excellent Austin Butler.

Ce nouvel antagoniste est terrifiant et s’inscrit dans la lignée des plus grands psychopathes du septième art. La violence de cette bête démoniaque n’a pas de limite, Denis Villeneuve ayant, qui plus est, construit une mise en scène unique, en noir et blanc, autour du nouvel ennemi de Paul.

Le messie Villeneuve

C’est dire jusqu’où le réalisateur pense ses plans et la colorimétrie de son film en fonction de ses personnages et de leur histoire. Ainsi, si le premier film possédait une patine grise – symbole de la maison Villeneuve depuis Enemy (2013) et Premier Contact (2016) – en se focalisant sur les Atréides, le second long-métrage adopte des couleurs plus chaudes propres au peuple des Fremen. Cette mise en scène organique rappelle le travail du cinéaste sur Incendies (2010) et Sicario (2015), mais, surtout, montre la continuité dont le réalisateur témoigne après dix films.

Cependant, si cette continuité est si caractéristique du style Villeneuve, c’est pourtant la première fois que le cinéaste s’essaie à l’exercice d’une suite. Un challenge souvent compliqué pour les artistes, mais que le metteur en scène a su relever haut la main grâce à son travail sur l’image, le son, les costumes, ainsi que l’écriture des personnages.

Zendaya dans Dune, deuxième partie.©Warner Bros.

Comprendre la psychologie de chacun, c’est aussi ça le travail de metteur en scène de Denis Villeneuve. Dans le film de 2021, il s’attachait à installer Paul sur le trône de la saga et à souligner à coups de gros plans son importance à travers la galaxie. Avec Dune, deuxième partie, la caméra capture avant tout les doutes d’un messie qui pourrait se révéler bidon, l’obsession des Fremen, obnubilés par l’idée de vengeance, mais aussi le dilemme de Chani.

Incarnée par Zendaya – dont le spectre du talent n’a décidément aucune limite –, l’héroïne se dévoile davantage, entre par sa douceur envers Paul et sa force. Elle apparaît ainsi centrale dans le grand dessein de Dune et représente une certaine humanité tiraillée entre les sentiments et la raison.

Cette lucidité semble avoir abandonné tous les autres personnages, aveuglés par la violence ou le pouvoir, deux éléments annonciateurs d’un génocide. Mais le moment n’est pas encore venu de montrer le massacre. Denis Villeneuve préfère envoyer tout le monde au purgatoire et, à l’image de Paul sur le dos d’un vers des sables, il veut les mettre à l’épreuve.

Bande-annonce de Dune, deuxième partie.

Sauf que le seul à avoir véritablement passé le test de la suite aujourd’hui, c’est Denis Villeneuve lui-même. Le cinéaste sait s’approprier des univers de science-fiction ancrés dans la pop culture, un exercice dans lequel il avait déjà excellé avec Blade Runner 2049 (2017). Cependant, avec Dune, deuxième partie, le réalisateur impose un style, une direction artistique, ainsi qu’une écriture des personnages unique. Il offre une œuvre dense, complexe et profonde, portée par un casting convaincant.

Grâce à tous ces éléments, sans oublier la musique d’un Hans Zimmer au sommet de son art, le réalisateur propose une suite ample et monumentale. Il façonne ainsi ce que le blockbuster moderne devrait être aujourd’hui. Il ouvre la voie, tel un véritable messie du cinéma.

Dune : Deuxième Partie de Denis Villeneuve, avec Timothée Chalamet, Zendaya, Josh Brolin, Javier Bardem et Stellan Skarsgård, 2h46, le 28 février au cinéma.

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Article rédigé par
Lisa Muratore
Lisa Muratore
Journaliste