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Les bandes dessinées d’Ultia : “Lou, c’est vraiment la BD de mon enfance”

26 janvier 2024
Par Marion Piasecki
Les bandes dessinées d'Ultia : “Lou, c'est vraiment la BD de mon enfance”
©Romain Boutin

Streameuse sur Twitch, Ultia couvre cette semaine le Festival d’Angoulême sur sa chaîne. L’occasion pour elle de nous parler de ses BD préférées.

L’époque où Twitch n’était réservé qu’aux parties de jeux vidéo peut sembler lointaine, maintenant que nombre de streameurs et streameuses utilisent la plateforme pour discuter, cuisiner, jouer de la musique ou encore peindre, mais il est encore rare de voir des créateurs y parler de bande dessinée. Ultia en fait partie et nous partage ses recommandations.

Quelle est la BD que vous adoriez quand vous étiez enfant ?

Lou, c’est vraiment la BD de mon enfance. Je crois que c’est la première dont j’ai demandé tous les tomes, plutôt qu’être satisfaite de relire le même en boucle. Je l’ai découverte dans le magazine Tchô – une grosse compil’ de bandes dessinées – que mes parents m’achetaient tous les étés quand on partait en vacances. Forcément, je suis tombée amoureuse de Lou. Je trouvais ça génial, cette petite fille qui avait mon âge, qui pensait un peu comme moi et à laquelle je pouvais vraiment m’identifier. Elle m’a tellement inspirée, je faisais même mon journal intime comme elle !

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Celle qui vous a fait le plus rire ?

Récemment, c’est Mauvais Monstre, d’Enzo Berkati. Ça raconte l’histoire d’une jeune fille, Éloïse, qui vit dans un monde où tous les êtres humains, à l’adolescence, se voient confier un petit monstre qui est une manifestation physique de l’âme de son propriétaire. Un beau jour, le monstre d’Éloïse éclot, mais il n’est pas comme les autres : il a des pouvoirs magiques et c’est un monstre qui a de mauvaises intentions. Du coup, elle se trouve embarquée dans des aventures hyper loufoques.

L’auteur est très jeune et très doué. Le dessin et le découpage sont hyper cools, et le scénario est vraiment intelligent. J’ai lu le deuxième tome la semaine dernière, j’ai même rigolé à haute voix, toute seule sur mon canapé [rires] !

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Celle qui vous a fait pleurer ?

J’ai pleuré devant plusieurs bandes dessinées, c’est dur de choisir… Je dirais Lettres perdues de Jim Bishop. C’est l’histoire d’Iode qui, tous les matins, se lève pour aller chercher le courrier qui est rapporté par des petits poissons-clowns. Il attend une lettre qui n’arrive jamais. Il part donc à l’aventure pour chercher cette lettre, savoir comment et pourquoi elle est perdue et pourquoi elle n’arrive pas. Il est accompagné d’une jeune fille qui s’appelle Frangine et qui, elle, a un tout autre dessein.

C’est un magnifique récit qui parle entre autres de deuil et d’acceptation de soi. C’est très joliment raconté par des dessins qui sont vraiment beaux et touchants. Je ne peux pas en dire plus, parce que ça serait presque du spoil, mais ça parle du deuil de manière brillante.

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Celle qui vous a dérangée ?

Je dirais peut-être Moi, ce que j’aime, c’est les monstres. C’est sur une petite fille qui aimerait être un monstre parce qu’elle ne se plaît pas du tout dans sa vie de petite fille de la fin des années 1960, alors elle se fait plein de films. Un jour, sa voisine – sa belle voisine qu’elle adore, qu’elle admire – décède dans des circonstances mystérieuses. Elle se met donc en tête de comprendre comment (et pourquoi) sa voisine est décédée et elle est embarquée dans des histoires qui sont beaucoup, beaucoup trop dures pour une petite fille de son âge.

C’est une bande dessinée qui est hyper surprenante par son style de dessin. Elle est entièrement dessinée au stylo bille par son autrice qui a perdu la motricité de sa main pendant longtemps, qui a fait une rééducation, et c’est un peu sa revanche. En plus, c’est entrecoupé de magazines d’horreur de l’époque qui servent à chapitrer la bande dessinée… Ce sont des dessins dérangeants et glauques. Les personnages ont des traits très durs aussi, c’est un style qui est assez impressionnant, mais très beau.

L’histoire est terrible, ça parle d’antisémitisme, de déportation, de racisme, de prostitution, de violences sexuelles… J’ai pleuré à la fin, c’était sûr ! Je crois que c’est pour ça qu’elle me dérange. Elle est géniale et je la conseille à plein de gens, mais je leur dis à chaque fois qu’il faut s’accrocher.

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Celle qui vous obsède ?

Mes quatorze ans, de Lucie Mikaélian, Lisa Chetteau et Jeanne Boëzec, m’a pas mal obsédée. L’autrice, Lucie, retrouve un jour ses journaux intimes chez elle. Elle en a hyper honte depuis toujours, mais là, elle a 30 ans passés et le regard qu’elle porte sur eux est différent. Elle décide d’en faire un compte Instagram dans un premier temps, puis ça marche de ouf donc elle en fait un podcast, puis une BD.

J’ai d’abord découvert la BD, qui est vraiment géniale. Elle raconte sa vie d’adolescente, mais aussi son regard d’adulte, de trentenaire, sur cette ado. C’est surtout ce recul que j’ai adoré et qui m’a même fait réfléchir. Par exemple, quand on était ado et qu’on voulait à tout prix avoir l’approbation des hommes, pourquoi c’était hyper important pour nous alors qu’aujourd’hui on trouverait ça ridicule. On a ce regard sociologique très intéressant là-dessus.

Je l’ai lue, relue, rerelue, j’ai regardé tout le compte Instagram, j’ai écouté tout le podcast… Je me suis vue à travers elle parce que j’avais un échange épistolaire avec ma cousine de nos 12 ans à nos 16 ans, on s’écrivait des lettres tous les mois. On écrivait aussi des journaux qui s’appelaient Les Carnets des cousines où on documentait toutes nos vacances avec des dessins, des anecdotes… Le style graphique de la BD est resté comme ça, c’est loin d’être des cases classiques. Ça m’a vraiment fait penser à mes propres écrits et ça m’a obsédée pendant un moment.

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Votre manga préféré ?

Je regarde beaucoup d’anime, mais je lis très peu de mangas, parce que je crois que je n’ai pas été habituée, tout simplement. Je ne faisais que me tromper dans le sens de lecture, ce qui me stressait, et je n’arrivais pas à accrocher. J’ai un ami qui m’a acheté les premiers tomes des Liens du sang de Shûzo Oshimi, en me disant que j’allais adorer. Il m’a bien comprise, parce que c’est un seinen psychologique avec beaucoup de tension.

C’est l’histoire de Seiichi, un pré-adolescent qui n’arrive pas à couper le cordon avec sa mère parce qu’elle le couve trop – de manière anormale en réalité, on se demande pourquoi. Un jour, ils partent en randonnée avec toute la famille et il arrive quelque chose de très grave, d’irréparable… et la mère va essayer de faire croire à son fils que rien ne s’est passé.

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Votre bande dessinée documentaire préférée ?

Bobigny 1972, de Marie Vaillante et Carole Morel. C’est une bande dessinée sur le procès qui a rendu possible la légalisation de l’avortement, procès qui a été tenu par Gisèle Halimi, avocate féministe de renom. Marie-Claire Chevalier, une jeune fille de 17 ans, a été violée et est tombée enceinte à une période où on n’avait pas le droit d’avorter – c’était il y a 50 ans, c’était vraiment hier ! –, alors sa mère l’a aidée à avorter de manière illégale, dans des conditions horribles. Son violeur l’a dénoncée et elle s’est retrouvée au tribunal avec son intimité exposée face à tout le monde, et Gisèle Halimi a pris son cas à bras le corps.

Elle s’est servie de ce cas très particulier pour faire entendre la voix de milliers de Françaises qui n’ont pas de statut de bourgeoise et qui ne pouvaient pas avorter à l’époque. Il y avait certes le Manifeste des 343, où ces femmes, célèbres pour certaines, signaient pour dire « Moi aussi j’ai avorté, donc légalisez l’avortement », mais elles étaient bourgeoises et avaient les moyens de se payer un billet d’avion ou de train pour aller jusqu’en Angleterre où c’était légal. Ce procès, c’était vraiment le procès des plus pauvres.

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Votre dernier coup de cœur ?

J’ai adoré Voleuse de Lucie Bryon. C’est un morceau de vie qui se lit comme un petit bonbon ! Ella est une lycéenne qui tombe amoureuse d’une fille de sa classe, Madeleine. Elles se retrouvent toutes les deux à une soirée et Ella se rend compte que Madeleine a une fâcheuse tendance à voler des choses et à les réunir chez elle. Ella va donc l’accompagner dans une espèce de quête de rédemption pour rendre toutes les choses qu’elle a volées à leurs propriétaires.

Ça parle d’adolescence, d’acceptation de soi, mais aussi d’amour lesbien. C’est une bande dessinée pas prise de tête, qui se lit hyper bien, qui est agréable et touchante, et les personnages sont très attachants. C’est un petit shôjo francophone qui se déguste comme un bonbon et je trouve que d’un point de vue dessin, ça fonctionne très bien. C’est simple et efficace.

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Article rédigé par
Marion Piasecki
Marion Piasecki
Journaliste