Retour à notre époque pour le nouveau chapitre de ce chef d’œuvre du petit écran. Critique garantie sans spoilers d’une saison pas comme les autres.
Après de nombreuses années à osciller entre différents diffuseurs français, l’entièreté de la saga Fargo a finalement posé ses valises sur Canal+. Juste à temps pour laisser le loisir aux spectateurs de découvrir une série injustement méconnue. Il ne faut pas se méprendre, l’anthologie de Noah Hawley (Legion) fait non seulement honneur au film éponyme des frères Coen, mais représente l’un des derniers vestiges de ce que l’on considère comme l’âge d’or de la télévision, se plaçant ainsi dans la lignée des meilleures saisons de Breaking Bad, House of Cards ou encore Game of Thrones.
Un rire glaçant
Fargo prend le parti de ne pas adapter le chef-d’œuvre du même nom des frères Coen, mais de confectionner des histoires inédites au fil des saisons, chacune appartenant au même univers et traitant de thématiques communes. Qu’elles se déroulent dans les années 1950 ou à notre époque, ces fables morales nous montrent ce qu’il se passe lorsque le meurtre s’invite dans la vie de gens ordinaires. Qu’importe, au final, s’il est organisé ou totalement désordonné, le crime demeure le fil rouge autour duquel se tisse la série et ses conséquences sont parfois hilarantes.
Les différentes saisons ont beau être complètement distinctes, elles ont en commun le mélange d’humour noir absurde et de drame qui avait fait le succès du Fargo, premier du nom. Chacune d’entre elles propose un casting de premier ordre et cette saison 5 ne déroge pas à la règle.
Dot Dot Dot…
Situé à l’automne 2019, ce nouvel opus raconte les mésaventures de Dot (Juno Temple, connue pour ses rôles dans Ted Lasso ou Vinyl, de Martin Scorsese) que l’on enlève chez elle en pleine après-midi. Mais « que se passe-t-il quand un kidnapping n’est pas vraiment un kidnapping ? », interrogeait le producteur de la saison avant sa diffusion. Ce concept n’est pas sans rappeler celui du film original. Retour aux sources pour la série ? Absolument pas.
La qualité est toujours au rendez-vous, et Fargo reste parmi les meilleures productions sérielles actuelles, mais c’est sans doute celle à s’éloigner le plus du cinéma des frères Coen depuis le début. Si Noah Hawley avait déjà emprunté à d’autres œuvres de la filmographie des cinéastes (comme The Big Lebowski dans la saison 3 ou Miller’s Crossing dans la précédente), il s’agit peut-être de la première fois qu’il s’en affranchit autant.
Certes, le Sheriff de Jon Hamm (Mad Men, Good Omens, Baby Driver) rappelle une version négative de son homologue nostalgique de No Country for Old Men (Tommy Lee Jones), et les scènes terrifiantes de l’assassin qui traque Dot sont évocatrices du début d’A Serious Man. Mais en dehors de ces éléments, l’ombre des frères Coen pèse beaucoup moins sur ce nouveau volet. Un point négatif ? Pas nécessairement.
Une lueur dans l’hiver
Deux constantes traversent le cinéma iconoclaste des frangins les plus stoïques du septième art : leur volonté de ne jamais verser dans le sentimentalisme, et leur envie de ne pas trop parler de leur époque actuelle. Si le premier est trahi par la série depuis plusieurs saisons, le second n’a jamais été abordé de façon aussi évidente.
Le shérif de Jon Hamm est animé par la même malveillance qui avait frappé le Capitole en janvier 2021, et l’on pourrait imaginer son fils incarné par Joe Keery (Steve de Stranger Things) enchaîner les boissons énergisantes en insultant des femmes sur un forum Incel.
Fargo prouve avec cette saison que la série est prête à voler de ses propres ailes et non plus à rester timidement dans l’ombre d’un duo emblématique du grand écran. Mais n’est-ce pas ce que font Ethan et Joel eux-mêmes ? Après plus de cinq ans à avoir collaboré, les deux cinéastes semblent décidés à expérimenter des choses que ne leur aurait pas autorisé leur travail commun. En témoignent l’expérimental MacBeth, du premier ou le Drive-Away Dolls de Joel, qui sortira dans nos salles obscures dans les mois à venir. Une chose est certaine : le paysage enneigé du Dakota du Nord n’est plus le même qu’à ses débuts.