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Les cabines de téléconsultation, véritable solution ou faux remède ?

06 janvier 2024
Par Kesso Diallo
Plusieurs cabines de téléconsultation ont été installées en France, au grand dam de nombreux médecins.
Plusieurs cabines de téléconsultation ont été installées en France, au grand dam de nombreux médecins. ©H4D

Alors que des cabines de téléconsultation sont déployées depuis plusieurs années, la question se pose de savoir si ces dispositifs sont vraiment utiles.

Un moyen de lutter contre les déserts médicaux. Entreprises, magasins… Depuis près de dix ans, des cabines de téléconsultation sont installées en France pour faire face à la pénurie de médecins. Équipées de capteurs médicaux, elles permettent par exemple se faire examiner à distance, sans mettre un pied hors du bureau. Ces cabines ne sont cependant pas appréciées de tous, à commencer par les médecins.

Faire ses courses et consulter un médecin dans un seul et même endroit

Imaginez pouvoir consulter un médecin et obtenir une ordonnance en allant faire vos courses. Cela est virtuellement possible depuis 2021 : Monoprix a par exemple installé des cabines de téléconsultation dans plusieurs de ses magasins, notamment à Paris. Présentes dans les espaces « La santé au quotidien » des magasins, elles permettent de voir un médecin sans rendez-vous. Une démarche qui s’inscrit « dans une logique d’amélioration de l’accès aux soins, en parfaite adéquation avec les ambitions de tous les acteurs de santé de proximité », indiquait alors Monoprix dans un communiqué.

Pour rendre cela possible, l’enseigne s’est associée à Tessan, entreprise spécialisée dans le développement de solutions de téléconsultation augmentée. « À l’intérieur [de la cabine], un écran assure la vidéotransmission des échanges avec le téléconsultant. En suivant ses instructions, le patient manipule des dispositifs connectés : tensiomètre, thermomètre, stéthoscope, otoscope, balance, dermatoscope, oxymètre et, en option, un spinomètre pour mesurer les capacités respiratoires si nécessaire. Autant d’outils permettant d’aboutir à un diagnostic puis à une ordonnance médicale si nécessaire », assure Tessan.

Outre les magasins, ces cabines de téléconsultation se sont aussi invitées dans les entreprises. Depuis deux ans, l’une d’elles est installée dans les locaux de Bouygues Telecom à Meudon-la-Forêt. Il s’agit de la première cabine de télémédecine connectée en 5G conçue par la société spécialisée H4D, qui affirme « recréer les conditions les plus proches d’une consultation en cabinet médical ». Permettant de réaliser des prises de mesures à l’aide d’instruments en étant guidé par le médecin, elle affirme qu’il est aussi possible de les effectuer en totale autonomie grâce à un tutoriel vidéo. 

Bientôt des consultations médicales dans les gares

Plus récemment, la SNCF qui a annoncé son projet d’installer de telles cabines dans près de 300 gares situées dans les zones d’intervention prioritaire et les zones d’action complémentaire d’ici à 2028, en partenariat avec Loxamed, entreprise créée en 2020, lors de la crise sanitaire. Alors que ces zones sont caractérisées par une offre de soins insuffisante et une difficulté d’accès aux soins, la société SNCF Gares & Connexions entend permettre aux patients d’être examinés à distance par un médecin exerçant sur le territoire français. 

« Chaque patient sera accompagné par un infirmier diplômé d’État », a indiqué l’entreprise dans un communiqué, précisant que la prise de rendez-vous s’effectuera sur place et que « ces services de soin ne visent pas que les usagers des transports, mais aussi les riverains des lieux d’implantation »« La prise en charge s’effectuera dans les mêmes conditions que pour tout patient qui consulte un médecin et le prix sera le même que celui d’une consultation classique de secteur 1 », a-t-elle également assuré.

Opposition des médecins

Déployées pour lutter contre les déserts médicaux, ces cabines de téléconsultation sont loin de plaire aux médecins. « La médecine ne doit pas être pratiquée comme un commerce », critiquait déjà l’Ordre des médecins en 2021, faisant référence au Code de la santé publique, dans un communiqué. « La prise en charge de patients exclusivement en téléconsultation porte atteinte aux exigences déontologiques de qualité, de sécurité et de continuité des soins », avait-il reproché après l’annonce de Monoprix.

Deux ans plus tard, les préoccupations de l’Ordre des médecins sont toujours présentes. « L’Ordre des médecins ne peut exprimer que sa très profonde inquiétude quant au développement d’une telle activité commerciale et économique de la Santé, élément de sa financiarisation déjà à l’œuvre », a répondu l’organisme à l’annonce de la SNCF. « Il faut également prendre en compte que cette proposition détournera des professionnels de santé qui seront ainsi moins disponibles pour exercer dans les territoires les plus vulnérables », a-t-il aussi souligné. 

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L’arrivée des cabines de téléconsultation a même poussé des médecins à se mettre en grève en signe de protestation, comme Sylvaine Le Liboux, généraliste et responsable syndicale qui a qualifié ces dispositifs de « sous-médecine » sur France Info. Si certains professionnels de santé les considèrent utiles, ils sont beaucoup plus nombreux à s’y opposer, estimant que ces dispositifs ne sont pas une réponse aux déserts médicaux.

De mauvais diagnostics

Des patients eux-mêmes peuvent se montrer critiques envers les cabines de téléconsultation. Une mère a par exemple exprimé son mécontentement après avoir été obligée de recourir à l’une d’elles pour ses deux fils qui présentaient les mêmes symptômes (mal de tête, toux…) au pôle médical de Montereau-Fault-Yonne, en Seine-et-Marne, comme l’a relaté France Info. Après avoir eu du mal à trouver l’otoscope et à le mettre dans la gorge de l’un de ses fils, elle a été surprise que leurs ordonnances soient différentes : l’un s’est vu prescrire du paracétamol, un antibiotique et un anti-inflammatoire et l’autre un scanner des sinus à faire en urgence. 

Plusieurs autres patients ont été mal diagnostiqués par des médecins dans ces cabines, à l’image d’une Parisienne sans médecin traitant attitré, qui a affirmé dans les colonnes de Marianne s’être fait avoir en consultant un professionnel de santé à distance après trois tests Covid-19 négatifs l’année dernière. Ce médecin lui a déclaré qu’elle était positive après cinq minutes de téléconsultation ; elle s’est donc isolée pendant plusieurs jours et a refait un test, encore une fois négatif. Un mauvais diagnostic confirmé par un médecin lors d’un rendez-vous physique, qui lui a prescrit des analyses de sang à faire. Ces dernières ont révélé une mononucléose infectieuse. Conçue pour lutter contre les déserts médicaux, les cabines de téléconsultation semblent encore loin d’être une vraie solution.

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Article rédigé par
Kesso Diallo
Kesso Diallo
Journaliste
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