Entretien

Blandine Lehout : “Mes rêves d’aujourd’hui sont mes rêves d’enfant”

18 décembre 2023
Par Lisa Muratore
Blandine Lehout présente  son spectacle “La Vie de ta mère” au Point Virgule, avant une tournée française.
Blandine Lehout présente son spectacle “La Vie de ta mère” au Point Virgule, avant une tournée française. ©Léa Rouaud

C’est la révélation humour 2023. Cette année, Blandine Lehout a conquis la scène du Point Virgule, à Paris, avant de se lancer dans une tournée hexagonale en 2024. À cette occasion, L’Éclaireur a rencontré la pétillante humoriste pour parler de son spectacle, La Vie de ta mère, mais aussi de ses projets et de ses bonnes résolutions pour 2024.

2023 touche presque à sa fin, que retenez-vous de cette année ? 

2023 a été une année incroyable. J’ai toujours rêvé de faire de la scène. Je voulais absolument me produire au Point Virgule. Au début, je faisais des exceptionnelles, puis on m’a proposé une programmation. J’ai vraiment accompli mon rêve, d’autant plus que j’ai les créneaux “stars” du Point Virgule aujourd’hui, le vendredi et le samedi. Mon spectacle n’avait même pas un an quand on m’a proposé ça, et je joue dans la salle dont j’ai toujours rêvé.

Blandine Lehout. ©Léa Rouaud

En 2023, j’ai aussi rencontré ma productrice, qui est pour moi l’une des personnes les plus humaines de ce milieu. J’ai rencontré mon attachée de presse, j’ai réussi à avoir une deuxième place en crèche pour mon fils, j’ai eu trois “T” dans un article de Télérama… J’ai l’impression d’avoir accompli un vrai rêve. Désormais, ce n’est que du bonus !

On sent que cette année a été un véritable pivot artistiquement. 

Oui, j’ai coché plein de cases artistiques ! Je vois l’année 2023 comme le début d’une grossesse. Les trois premiers mois, on ne voit pas que tu es enceinte, mais c’est là où tout se fait. À partir de trois mois, on sait si ton bébé est viable. Le début de l’année 2023 a été un véritable socle, pour qu’ensuite je puisse entamer la grossesse qui se voit. 

« Le prisme change quand tu deviens mère. Avoir des enfants, ça m’a motivée et ça m’a donné envie de faire mieux. »

Blandine Lehout

Par ailleurs, le fait de jouer deux fois par semaine sur scène m’a permis de trouver plus rapidement mon rythme. J’ai aussi défini ce que j’avais envie de défendre, j’ai fait des choix dans mes textes. Scéniquement, je me trouve de plus en plus, car c’est un long chemin. J’ai l’impression que j’avance dans la bonne direction. Artistiquement, 2023 restera une année importante dans ma vie. Si ça s’arrêtait demain, j’aurais toujours cette image de 2023 comme l’année durant laquelle je me suis épanouie. 

Comment vous êtes-vous décidée à écrire un spectacle ? Qu’est-ce qui a été décisif ? 

J’ai toujours voulu faire du stand-up. J’ai essayé pour la première fois en 2014, à l’occasion d’une scène ouverte, mais j’ai eu très peur. Quand j’y repense aujourd’hui, je pense que je n’étais pas prête, ce n’était pas mon chemin à l’époque. C’est la raison pour laquelle je me suis tournée vers le théâtre. J’étais comédienne, je jouais dans des pièces, mais je gardais le stand-up dans un coin de ma tête. Lorsque j’étais comédienne, j’avais envie d’arrêter tout le temps, car quand tu n’es pas connue, c’est très difficile d’être actrice. 

Je me suis dit que j’arrêterais lorsque j’aurais écrit mon spectacle. Je ne voulais pas arrêter sans avoir essayé. C’était mon objectif de vie. Début 2020, j’ai retenté ma chance dans le stand-up, mais le Covid et l’année blanche des théâtres ont tout retardé. J’y suis finalement revenue en avril 2021, après avoir eu ma fille. Je voulais le faire dans de bonnes conditions, mais je suis tombée enceinte de mon fils. C’était une grossesse inattendue. 

Blandine Lehout.©Léa Rouaud

Comme je gardais ma fille à la maison, je savais que quand j’aurais mon deuxième enfant, je n’aurais pas le temps de jouer mon spectacle. Je me suis donc lancé le défi d’écrire mon spectacle pendant ma seconde grossesse.

Comment vous êtes-vous préparée à votre première scène ? 

J’écrivais entre les siestes de ma fille ! Le soir, lorsque je la couchais, si je ne jouais pas, j’écrivais mon spectacle. Mon mari et moi avons fait beaucoup de sacrifices pendant cette période. Il gardait notre fille tous les soirs quand je jouais. Je testais dans les comedy clubs, je traversais Paris avec mon ventre qui tirait, et nous ne nous sommes pas beaucoup vus pendant cette période d’écriture. 

« Personnellement, je n’ai jamais autant aimé mon mec que depuis le moment où je le défonce sur scène. »

Blandine Lehout

Après quoi, j’ai pris une date au Point Virgule et j’ai mis en vente les places neuf mois avant la première. Elles se sont toutes vendues en une journée. Sauf que les gens ont acheté les places d’un spectacle qui n’existait pas encore, je n’avais plus le choix [rires]. J’ai donc écrit mon spectacle, mais sans rien à avoir à perdre. D’ailleurs, je pense que tu es bon quand tu n’as rien à perdre. 

Neuf mois, n’est-ce pas trop court pour écrire un spectacle ? 

Pour ma part, ça a été très court, car je suis très lente à écrire. En plus, je suis exigeante avec moi-même. Je voulais que mon texte soit parfait, dans le sens où si je venais à être fatiguée un soir, je n’ai pas à donner une énergie folle pour réussir à être drôle. C’est pour cette raison que le soir de la première j’étais très fière, car j’avais réussi à le faire. 

Je voulais aussi faire les choses correctement, car je voulais pouvoir dire à mes enfants, plus tard, qu’il faut aller au bout de ses rêves. “Regarde ta mère, elle a fait ça avant ! Bon, aujourd’hui, elle est jardinière, mais il faut aller au bout de ses objectifs !” [rires] Plus sérieusement, le prisme change quand tu deviens mère. Avoir des enfants, ça m’a motivée et ça m’a donné envie de faire mieux. 

Pourquoi le Point Virgule a-t-il une telle importance pour vous ? 

La culture a toujours eu une place importante dans mon enfance. C’est assez étonnant d’ailleurs, parce que mes parents ne viennent pas de ce milieu. C’était important pour eux qu’on ait accès à la culture, que l’on aille au théâtre tous les dimanches. 

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J’ai aussi été bercée par Eddie Murphy et Louis de Funès. Quand j’étais jeune, je ne connaissais que ces films comiques. J’ai développé un goût pour le genre et, par extension, au théâtre j’étais fan d’Élie Kakou. Je l’ai donc toujours associé au Point Virgule. Cette volonté de jouer au Point Virgule est en lien avec mon enfance. Je crois d’ailleurs que mes rêves d’aujourd’hui sont mes rêves d’enfant. Ma fille s’appelle Élie en référence à lui, mais mon mari ne le sait pas [rires].

Comment les thèmes que vous abordez, comme votre enfance, le couple ou la maternité, se sont-ils imposés à vous ? 

Tous ces thèmes ont été évidents. Je me suis demandé de quoi j’avais envie de parler. Ça me semblait évident de parler de ce que j’étais. Parler de mon obésité quand j’étais jeune et de mon obsession pour la nourriture, c’était important, car je reste une enfant obèse dans ma tête. Même si aujourd’hui je suis mince, je garde ces complexes d’enfant. J’avais aussi envie de parler de la Blandine de 31 ans, une jeune mère qui découvrait que la maternité, ce n’était pas si facile que ça. C’était évident d’en parler sans filtre. C’est ma façon d’être et de parler.

Je me suis demandé : “Qui suis-je ?” et, en partant de là, ça allait de soi de parler de mon mari, de mes enfants, de mes angoisses pour eux, de qui j’étais, de ma mère. Je pense aussi que je suis partie dans cette direction parce que j’aurais été incapable d’écrire sur autre chose ou d’incarner, comme certains humoristes, des personnages. J’admire les artistes qui parviennent à le faire. 

À quoi sert le stand-up selon vous ?

Je pense que ça peut guérir l’artiste autant que les spectateurs. Par exemple, quand je raconte tout ce que je n’ai pas supporté chez mon mari quand j’étais enceinte, beaucoup de femmes viennent me voir après parce qu’elles ont vécu la même chose. Personnellement, je n’ai jamais autant aimé mon mec que depuis le moment où je le défonce sur scène !

Blandine Lehout.©Léa Rouaud

Après, l’humour aide aussi à dénoncer. C’est très important, parce que réussir à faire rire en dénonçant des choses graves, c’est un talent que je n’ai pas. Mon petit talent à moi, c’est peut-être de réussir à me guérir et à guérir les gens avec les mots, sur scène. 

Pourquoi est-ce important en 2023 d’égratigner cette image de la femme et de la mère parfaite ? 

Je suis une grande féministe qui s’ignore, parce que je ne me suis pas du tout posé la question d’écorcher mon image, de dire tout haut ce que les gens pensent tout bas. Je dis juste ma vérité : être une mère imparfaite, c’est juste être une mère. Je n’allais donc pas décrire quelque chose d’autre que la réalité, en l’exagérant par souci d’humour. 

Vous jouez beaucoup avec le public. À quel point aimez-vous cette partie ? Comment réussissez-vous à l’intégrer dans votre spectacle ? 

Certains soirs, l’improvisation ne fonctionne pas. Je n’ai aucun complexe par rapport à ça. Quand je commence à faire un peu d’impro, je n’essaie jamais d’être drôle. J’ose parce que je n’ai aucun tabou, je suis sans filtre et les gens m’intéressent profondément. Par exemple, je connais les salaires de tous mes amis, non pas parce que je les envie, mais parce que ça m’intéresse de savoir plein de choses de ce genre.

Pendant l’improvisation, s’il y a une connexion, on continue, mais parfois, je vois que certaines personnes n’ont pas envie de parler. Je déteste mettre mal à l’aise et je préfère être la copine avec qui tu peux rire. L’improvisation, c’est vraiment un plus. C’est une des raisons pour laquelle je veux que mon spectacle soit qualitatif.

Comment le spectacle a-t-il évolué durant toute cette année ? 

J’ai enlevé et ajouté des choses tout au long de l’année. Par exemple, le sketch sur ma mère, à la base, n’existait pas. Je l’ai ajouté il y a quelques mois, car je trouve ça très important de boucler la boucle, de parler de ma mère et de l’éducation que j’ai reçue.

Le spectacle évolue sans cesse. Le stand-up, c’est une discipline au millimètre : pour que la vanne marche, il faut respirer avant ce mot-là, dire la virgule là, et sortir de cette façon en regardant comme ça et pas comme ça…

Vous vous autorisez aussi à chanter dans votre spectacle, et vous chantez très bien ! 

Je chante juste et je joue la chanteuse. Ce n’est pas du tout ma vraie voix. Si je chante à mes enfants, je ne chante pas du tout comme ça ! [rires] Les gens me disent que je chante bien, mais je ne sais jamais quoi répondre [rires]. Peut-être que je devrais devenir chanteuse, finalement…

En parlant de projet, souhaitez-vous revenir à vos racines de comédienne à l’avenir ? 

Oui ! Je rêve de jouer dans une série ou dans un film, mais surtout, je voudrais jouer dans une pièce de théâtre avec beaucoup de spectateurs et gagner un Molière ! Ce serait le rêve de gagner le Molière de la meilleure comédie. J’adorerais jouer dans une pièce comique hilarante à en crever ! Par exemple, Les Faux British, c’est typiquement le genre de pièces dans lesquelles j’aurais adoré jouer… ou La Biche repetita ! C’est tellement drôle. S’ils m’appelaient pour me proposer de jouer, je le ferais gratuitement, j’adore cette pièce ! [rires]

Comment appréhendez-vous votre tournée en 2024 ?  

Je suis un peu partagée. J’ai très hâte et en même j’ai une petite angoisse. J’ai très hâte de partir à la rencontre de ma communauté. Je connais très bien certaines personnes, mais c’est la première fois que l’on va se voir en vrai ! Je connais le nom de leurs enfants, ils m’ont fait des cadeaux de naissance, je leur ai donné mon adresse… On se connaît vraiment.

Je suis également angoissée parce que la tournée implique que je quitte mes enfants toutes les semaines. C’est difficile, car ma vie de famille passe avant mon épanouissement personnel. Il me manque la base quand je ne suis pas avec eux. 

Quelle est votre bonne résolution pour 2024 ?

J’aimerais continuer avec ce spectacle. On continue là-dessus. Je vais aussi penser un peu plus à moi, à mon bien-être. J’ai envie d’être heureuse et de prendre soin de moi. En 2023, j’ai eu la tête dans le guidon. Désormais, je veux juste être sûre que je vais bien tout le temps, parce que si je vais bien, tout va bien. Si je vais bien, toutes les opportunités que je vais saisir, je vais les saisir correctement.

Le fait de se sentir bien et épanouie va m’aider à ce que ma carrière avance dans la bonne direction. Il n’y a rien de pire que de prendre une mauvaise décision quand ça ne va pas. Je vais prendre soin de moi et donc de ma carrière en 2024 !

La Vie de ta mère, de Blandine Lehout, au Point Virgule jusqu’au 23 mars 2024 et en tournée dans toute la France à partir du 10 avril 2024.

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Article rédigé par
Lisa Muratore
Lisa Muratore
Journaliste