Entretien

Viktor Vincent pour Fantastik : “Le théâtre, c’est l’art de la rupture”

28 novembre 2024
Par Lisa Muratore
Viktor Vincent présentera  son spectacle “Fantastik” à l'Olympia les 22 et 23 décembre 2024.
Viktor Vincent présentera son spectacle “Fantastik” à l'Olympia les 22 et 23 décembre 2024. ©Thomas Braut

Viktor Vincent investira l’Olympia les 22 et 23 décembre 2024 afin de présenter son spectacle Fantastik. À la fois auteur, réalisateur et mentaliste, il mélange tous ces talents dans un seul-en-scène immersif et troublant. Rencontre.

Comment est née l’idée de ce spectacle ? 

J’ai écrit un roman, et je voulais l’enregistrer en audio moi-même, car j’aime lire à haute voix. Je n’ai pas pu le faire tout de suite, je me suis donc amusé à le faire en prenant un livre au hasard dans ma bibliothèque. Il s’agissait du livre Les Histoires fantastiques, de Guy de Maupassant.

En enregistrant ces nouvelles, j’ai réalisé que le genre du fantastique était fascinant. J’ai également constaté qu’il y avait peu d’œuvres fantastiques, que l’on est souvent dans le merveilleux ou le rationnel. Le fantastique, c’est d’ailleurs le doute entre le surnaturel et le rationnel. C’est comme ça que m’est venue l’idée d’un spectacle qui s’appellerait Fantastik, en jouant avec le “k” de mon prénom. 

Puis, je me suis rendu compte qu’il s’était passé beaucoup de choses dans la vie de Maupassant ; qu’il avait eu la syphilis, que cela l’avait atteint de manière mentale : il avait des hallucinations, il parlait à son frère décédé. Par ailleurs, l’une de ses nouvelles s’appelait Apparitions, comme mon livre. Je me suis dit qu’il y avait des ponts, que des choses qui étaient restées enfouies ressortaient désormais.

On comprend dès le début de votre spectacle que vous vous êtes renseigné sur les artisans du fantastique.  

Oui, j’ai exploré énormément de personnalités comme Maupassant ou Méliés. Ce qui m’intéressait, c’était de prendre des personnalités qui avaient vécu dans la réalité quelque chose de fantastique. Maupassant, c’était le cas à cause de sa maladie. Méliès, lorsqu’il est enfant, devient illusionniste sous la coupe de Robert Houdin et il voit des choses incroyables. L’illusion permet d’entrer dans le fantastique aussi. Méliès a aussi inventé le cinéma et les effets spéciaux. Cela a été une véritable révolution technique et les truquages apparaissaient, à l’époque, comme de la magie !

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Je me suis aussi beaucoup intéressé à Houdini, qui a expérimenté ce que l’on appelle les faux souvenirs. Ce qui m’intéressait, c’était de voir comment le fantastique pouvait entrer dans le monde réel.

Peut-on dire que vous êtes un illusionniste ? Est-ce comparable au titre de mentaliste ? 

Je suis l’illusionniste qui crée le hiatus avec la réalité et la rupture avec le réel. D’ailleurs, le théâtre, c’est aussi l’art de la rupture. Le mentaliste est un illusionniste, pas un médium. Le mentalisme est un mélange de choses rationnelles pour créer des choses qui semblent irrationnelles. Je ne suis ni un expert en comportement, ni un psychiatre, ni un médium, ni un gourou… Je suis juste un homme de spectacle et j’utilise le mentalisme pour raconter des histoires et proposer un spectacle à part entière, pour recréer du divertissement. Mon métier, c’est de divertir. 

Le mentalisme est-il un art ou une science ? 

Le mentalisme est un art, ce n’est surtout pas une science. C’est avant tout l’art de la tromperie, de la supercherie, de l’illusion, du mensonge et j’adore ça ! J’aime l’idée de la supercherie. Par exemple, quand je tourne un film, je préfère créer l’illusion plutôt que d’aller tourner en pleine condition. Je préfère recréer. J’aime l’artifice.

Quel est le plus gros challenge sur Fantastik

Pour moi, le vrai challenge c’est d’être à la hauteur de ce que l’on veut atteindre. Quand je pars dans un projet, j’ai envie de me dépasser, mais je veux que cela soit réaliste. Je réfléchis aussi à l’artifice pour que mes attentes soient réalisables. Ce qui est important dans tous ces projets, c’est qu’il ne faut pas tricher avec soi-même et proposer quelque chose que l’on aime. Je fais des spectacles dont j’aimerais être le spectateur. C’est d’ailleurs pour cela que l’on a envie d’écrire un livre, de faire un film ou de monter un spectacle ; pour produire ce que l’on a envie de voir et que l’on ne trouve pas ailleurs. 

« Avec Fantastik, je veux avant tout proposer une expérience, quelque chose à vivre, une immersion que l’on n’a pas au cinéma ni à la télévision, que l’on retrouve rarement au théâtre. »

Viktor Vincent

Je suis mon premier spectateur. Parfois, je suis déçu et je me dis que je ne suis pas à la hauteur de ce que j’aimerais faire. Dans ces moments-là, il faut changer la donne et ça demande une précision. Parfois, les choses se mettent en place doucement. Par exemple, le spectacle évolue constamment, de semaine en semaine. 

Dans quelle mesure le spectacle a-t-il évolué ? 

Il faut savoir que je ne fais pas de rodage, je n’aime pas l’idée de proposer quelque chose de “brouillon”. J’ai voulu commencer directement, mais, au fur et à mesure de l’accueil ou de ce que l’on ressent sur scène, on module le spectacle. Il y a aussi des choses qui se construisent avec le public. Ce qui m’intéresse, c’est de présenter quelque chose dès le début qui puisse avoir un intérêt, mais, forcément, les choses évoluent. Le spectacle, aujourd’hui, par rapport à la première, a énormément évolué. Je suis certain que je vais encore travailler sur d’autres choses, de nouveaux éléments que je vais incorporer. 

Qu’essayez-vous d’instiguer chez le spectateur grâce à ces expériences ? 

Je veux avant tout proposer une expérience, quelque chose à vivre, une immersion que l’on n’a pas au cinéma ni à la télévision, que l’on retrouve rarement au théâtre. Ici, c’est très immersif, je vais dans la salle et les spectateurs montent sur scène. J’essaie de leur proposer le maximum de choses : je veux les mystifier, je veux les faire voyager, je veux leur offrir de beaux décors dans l’esprit. J’essaie de créer des moments visuels, presque cinématographiques, ainsi que des moments d’évasion. 

Viktor Vincent. ©Thomas Braut

On sent que votre expérience en tant que réalisateur a aussi influencé votre spectacle et sa mise en scène. 

Oui, c’est vrai ! Quand je mets en place des histoires, il y a comme une sorte de découpage cinématographique. Au début, je raconte des histoires avec une musique très narrative, composée par une personne spécialisée dans la musique de films spécialement pour le spectacle. Il y a des bruitages, il y a le récit, une certaine tonalité avec le conte et le mystère dont va surgir le fantastique.

Cela fait maintenant plusieurs semaines que vous présentez votre spectacle, quel retour du public avez-vous ?

Je suis content, car les gens disent qu’ils aiment les histoires, ainsi que tout ce qui est raconté autour. Par exemple, je parle d’une médium dans le spectacle. J’ai souvent croisé des gens qui, grâce aux spectacles, ont commencé à s’intéresser à tout cela. Cela me fait très plaisir parce que ça ouvre le spectacle sur autre chose.

« Ce que je raconte dans Fantastik, ce sont des choses que j’ai en moi depuis longtemps. D’ailleurs, j’ai l’impression que je raconte toujours un peu la même histoire de projet en projet. »

Viktor Vincent

Ce que j’aime aussi, c’est entendre les gens rire parce que ce n’est pas un spectacle d’humour, mais c’est souvent une bonne surprise. Souvent les gens me disent : “Je ne pensais pas rire autant !” Ce n’est clairement pas un spectacle d’humour, mais il suffit d’ouvrir quelques petites fenêtres pour qu’on se détende et que l’ambiance soit familiale. 

Est-ce que tout le monde peut devenir mentaliste ? 

Oui, bien sûr ! Ce n’est pas un don. Ce que je fais, je l’ai appris. J’ai eu un mentor qui m’a tout appris. On peut devenir qui l’on veut. Je n’ai jamais eu la sensation de travailler. Si je l’ai fait, je peux vous assurer que tout le monde peut faire ça ! C’est une passion que j’ai depuis l’âge de 17 ans, et cela fait 26 ans que je fais cela.

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Aujourd’hui, j’ai vraiment la sensation de faire mieux mon métier qu’il y a cinq ans, qu’il y a dix ans. J’apprends constamment, c’est ce qui est génial. Il y a toujours une remise en question complète. Ça permet d’être alerte et humble. Il faut toujours faire ses preuves ; finalement c’est ça le spectacle vivant ! 

Combien de temps avez-vous mis pour écrire ce spectacle ? 

À vrai dire, je n’en sais rien, car ce que je raconte ici, ce sont des choses que j’ai en moi depuis longtemps. D’ailleurs, j’ai l’impression que je raconte toujours un peu la même histoire de projet en projet. Par exemple, il y a des éléments qui seront dans le prochain spectacle, qui sont déjà dans celui-là. On a tous des idées qui sont déjà là, et qui attendent le bon moment pour sortir.

En quoi Fantastik est-il un spectacle unique pour vous ? 

Par rapport à l’ancien, il y a une grande place laissée au récit. J’ai l’impression aussi qu’en termes d’expérience, Fantastik va plus loin. C’est plus fort parce que c’est peut-être un spectacle qui est plus précis et plus exigeant. J’ai une partition qui est complètement différente. Ici, je peux vraiment jouer avec les mots et raconter des histoires, créer des ambiances qui sont beaucoup plus propres, plus posées, beaucoup plus cinématographiques.

Viktor Vincent présentera son spectacle Fantastik à L’Olympia, à Paris, les 22 et 23 décembre 2024.©Viktor Vincent

Peut-on dire que vous jouez un personnage sur scène ? 

Je joue celui qui raconte, mais si je raconte ces histoires-là, c’est parce que j’ai choisi de les raconter. Par exemple, quand je raconte l’histoire de Georges Méliès, ça me touche énormément. Je trouve sa trajectoire fascinante, d’autant plus qu’il n’a retrouvé ses lettres de noblesse qu’après sa mort. Les destins incroyables de ces gens me touchent vraiment, me procurent des émotions très fortes. D’ailleurs, je suis même allé jusqu’à changer le spectacle, car parfois les spectateurs (et moi aussi) vivaient des émotions beaucoup trop fortes. J’aime partir sur les traces du passé, j’ai l’impression que rien ne meurt vraiment. C’est l’un des leitmotivs du spectacle, même si j’essaie aussi d’y apporter des choses plus légères.

Comment vous sentez-vous avant de monter sur scène ? 

Je suis excité, j’ai vraiment envie de monter sur scène à chaque spectacle ! Je suis impatient, le trac ne dure pas longtemps. Il est maîtrisé, il ne me paralyse pas et il me donne même envie de jouer. Ce n’est que du plaisir pendant 1h30 ! 

Fantastik, de Viktor Vincent, à l’Olympia, à Paris, les 22 et 23 décembre 2024, et en tournée dans toute la France jusqu’au 14 mars 2026.

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Article rédigé par
Lisa Muratore
Lisa Muratore
Journaliste