Critique

Que vaut L’Iris blanc, le nouvel album d’Astérix ?

28 octobre 2023
Par Robin Negre
“Astérix - L'Iris blanc”, en librairies depuis le 26 octobre 2023.
“Astérix - L'Iris blanc”, en librairies depuis le 26 octobre 2023. ©Les Éditions Albert René/Hachette

Le tout premier Astérix écrit par Fabcaro renoue avec certains éléments fondateurs de la série et utilise avec humour des enjeux contemporains.

Après plusieurs semaines d’attente, le nouvel album d’Astérix est enfin là. Dire que cet album était particulièrement attendu est un euphémisme, tant L’Iris blanc a la capacité de créer une nouvelle impulsion dans le monde du célèbre Gaulois. Si l’aspect visuel ne change pas – Didier Conrad est de retour et commence réellement à s’approprier l’univers –, Jean-Yves Ferry laisse sa place, après Astérix et le Griffon, à l’auteur et scénariste Fabcaro, apprécié pour sa prose, son utilisation de l’absurde et son regard acéré sur le monde actuel.

Un soupçon de développement personnel

Dans L’Iris blanc, un nouveau genre de penseur – Vicévertus – est envoyé par César pour déstabiliser le village des Gaulois. Sa technique ? La valorisation, l’acceptation de soi et la pensée positive. Son arrivée au milieu d’irréductibles bagarreurs bougons va rapidement changer la dynamique du groupe (comme chez les Romains) et créer de surprenantes tensions. 

Planche d’Astérix – L’Iris blanc. ©Les Éditions Albert René/Hachette

Fabcaro utilise à bon escient toute l’évolution contemporaine de la société chez ces Gaulois réfractaires au changement. Il introduit un nouveau méchant, Vicévertus, et la dynamique de l’album n’est pas sans rappeler celle d’Astérix – Le Devin (1972) ou Astérix – La Zizanie (1970). Le village passe toujours proche de sa destruction quand un élément extérieur vient changer la routine, les habitudes et les rapports de force. Astérix et Obélix sont beaucoup moins en danger à l’étranger que lorsqu’ils restent chez eux ! Mais même si l’album est, de fait, « un album de village », il parvient à lancer Astérix et Obélix sur les routes, quand Bonemine, la femme du chef, se laisse convaincre par Vicévertus d’aller à Lutèce.

La force de L’iris blanc se trouve dans ce voyage imprévu, au cours duquel un Abraracourcix déprimé suit Astérix et Obélix dans l’espoir de retrouver Bonemine. Avec un humour très premier degré et quasiment enfantin, Fabcaro dépeint une relation entre Obélix et Abraracourcix hilarante, dans laquelle le premier essaie de motiver le second. C’est l’âme de l’album : faire de ces Gaulois invincibles de grands enfants boudeurs ou joueurs, totalement hermétiques à l’évolution d’un monde bien trop adulte.

Planche d’Astérix – L’Iris blanc. ©Les Éditions Albert René/Hachette

Par cet aspect, Fabcaro capte l’essence même de la série et opère un retour aux sources réjouissant. Obélix brille à chacune de ses apparitions, les villageois ont la place d’exister et les jeux de mots anachroniques – marque de fabrique d’Astérix –  sont légion. Le style Fabcaro arrive à se confondre avec celui d’Astérix, exercice d’équilibriste s’il en est.

Quelques baffes

À ce stade, on peut déjà affirmer que L’Iris blanc est un très bon album, le meilleur depuis la reprise et bien au-dessus, même, de nombreuses aventures écrites par Goscinny. Là où le bât blesse, finalement, et de façon assez paradoxale, c’est dans le duel entre Vicévertus et Astérix.

Les deux personnages sont au centre de la couverture et leur affrontement psychologique semblait couler de source, pour se révéler in fine assez décevant. Ils se croisent peu, passent vite au second plan et, si L’Iris blanc permet à d’autres personnages de briller (à commencer par Obélix et Abraracourcix), ce n’est pas une aventure dans laquelle le petit Gaulois tient le premier rôle. Étonnant.

Planche d’Astérix – L’Iris blanc. ©Les Éditions Albert René/Hachette

Autre élément important, l’album se conclut (très) abruptement, et le dénouement arrive alors que le fil conducteur de l’histoire pouvait laisser présager encore quelques développements narratifs ou rebondissements. Mais ce point est à relativiser. Astérix – L’Iris blanc est construit comme un traditionnel 48 pages et doit faire avec le format. Le lecteur d’aujourd’hui est habitué à des lectures plus longues, plus étalées, et même la BD franco-belge s’est beaucoup émancipée du classique 48 pages. Astérix retrouve la formule et la chute rapide peut déstabiliser, avant de se rappeler que déjà, à la grande époque de Goscinny et Uderzo, les dénouements étaient quasi instantanés : deux baffes aux Romains, et un banquet sous les étoiles !

Et un peu d’aventure

Là où le pari est réussi, c’est que malgré la fin précipitée, Astérix – L’iris blanc reste dans l’esprit et la mémoire après la lecture. C’était un des principaux reproches faits aux précédents albums : malgré des qualités indéniables et une bonne maîtrise narrative, le souvenir n’était pas impérissable. L’Iris blanc fonctionne mieux sur ce point. En découpant habilement son histoire en deux parties très différentes, Fabcaro instaure la sensation d’une longue aventure.

La première partie, qui s’amuse avec le développement personnel, est l’occasion de bons jeux de mots et d’une critique parfois bien sentie sur certaines « dérives » contemporaines. La seconde offre à Obélix et Abraracourcix l’occasion de prendre la lumière et donne envie de voir un road trip entre les deux pour garder la même dynamique plus longtemps. Du point de vue graphique, Didier Conrad trouve réellement son trait, après des débuts plus hésitants et offre aux personnages beaucoup de vie et de couleurs. Parce que le dessin et le scénario fonctionnent, Astérix – L’Iris blanc se place haut !

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Reprendre Astérix n’est pas une mince affaire. Les enjeux sont élevés et les attentes démesurées. Si Astérix – L’Iris blanc n’a pas le génie inégalable du tandem Uderzo-Goscinny de la grande époque (mais personne ne l’aura, il ne faut plus attendre ça), pour une première incursion dans le monde des Gaulois, Fabcaro s’en sort avec les honneurs et arrive à offrir une lecture agréable, amusante, en étant conscient de son époque et de l’héritage qu’il a entre les mains. C’est une réussite, par Toutatis !

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