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L’intelligence artificielle est-elle un bon outil d’aide à la création ?

14 octobre 2023
Par Kesso Diallo
Alors que l'IA est mal vue dans le milieu culturel, une maison d'édition invite à “écrire le futur avec ChatGPT”.
Alors que l'IA est mal vue dans le milieu culturel, une maison d'édition invite à “écrire le futur avec ChatGPT”. ©Thongden Studio/Shutterstock

À une époque où l’intelligence artificielle est utilisée pour créer de nouveaux contenus culturels, provoquant l’ire et l’inquiétude de ce secteur, la question se pose.

Utile dans de nombreux domaines, mais crainte par nombre d’entre nous, l’intelligence artificielle (IA) fait débat depuis plusieurs années. Depuis le lancement de ChatGPT et d’autres outils similaires, cette technologie est aussi utilisée pour générer du texte, des images et d’autres types de contenus. Elle est ainsi vue par certains comme un outil d’aide à la création. Tel est le cas d’Édilivre, maison d’édition qui a récemment lancé le premier concours littéraire avec le robot conversationnel d’OpenAI. Le thème : « Écrire le futur avec ChatGPT : réveiller la culture à travers l’IA. »

L’écriture à l’ère de l’intelligence artificielle

Avec ce concours, qui s’est déroulé du 12 septembre au 6 octobre, Édilivre se démarque des autres maisons d’édition, mais aussi d’autres acteurs du secteur culturel, qui voient d’un très mauvais œil ChatGPT et l’IA. « Dans le milieu de l’édition, l’intelligence artificielle est très mal vue, elle est complètement désavouée, que ce soit par les éditeurs ou par les auteurs. Avec la dimension que ça a pris, surtout cette année où il y a beaucoup de prises de parole sur le sujet, on voulait se positionner d’une autre manière, en disant que nous ne sommes pas pour l’utilisation de ChatGPT ni pour l’intelligence artificielle, mais que l’on ne veut pas non plus réfuter la technologie », explique Victoria Marchand, assistante en relations publiques chez Édilivre. `

Le concours de la maison d’édition se tient en effet dans un contexte où les outils d’IA suscitent la colère et l’inquiétude du milieu culturel. Fin septembre, des autrices et auteurs américains ont par exemple porté plainte contre OpenAI, accusant la startup d’avoir violé leurs droits d’auteur en utilisant leurs œuvres pour créer son chatbot. D’autres, comme Rory Cellan-Jones ou Jane Friedman, s’inquiètent aussi de l’apparition de titres en leur nom sur Amazon alors qu’ils ont été écrits par une intelligence artificielle.

Depuis le début de l’année, de nombreuses œuvres ont été publiées sur le site du géant de l’e-commerce. D’après Le Figaro, il en existe près de 1 000 en français, en anglais ou en espagnol avec ChatGPT en tant qu’auteur. « C’est quelque chose dont nous devons vraiment nous inquiéter, ces livres vont inonder le marché et de nombreux auteurs vont se retrouver au chômage », alertait Mary Rasenberger, directrice de l’Authors Guild (organisation représentant les autrices et auteurs américains), à Reuters en février.

« En demandant aux auteurs de l’utiliser, on veut prouver que ChatGPT n’est pas capable de rédiger des textes convaincants. »

Victoria Marchand
Assistante en relations publiques chez Edilivre

Face à ces plaintes et inquiétudes, Victoria Marchand souligne que les systèmes comme ChatGPT ne sont que des outils et que c’est à travers notre utilisation qu’ils deviennent bons ou mauvais. « L’outil en lui-même se sert de ce qui existe déjà pour générer des choses, donc, effectivement, certains considèrent cela comme du plagiat, mais même si ChatGPT fait des combinaisons de mots entre eux ou tire des phrases et des tournures qui existent déjà, ça ne ressemble pas à la plume d’un auteur », assure-t-elle.

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L’IA, un outil aux capacités limitées

Selon l’assistante en relations publiques, il est aujourd’hui possible de reconnaître un texte généré par une IA, qui est froid et n’est pas à la hauteur de ceux écrits par des humains. Dans le cadre de son concours, la maison d’édition encourage à utiliser ChatGPT pour rédiger des nouvelles, mais elle reconnaît elle-même que le chatbot est loin d’égaler ou de surpasser les capacités des auteurs, notamment en termes de créativité.

« En demandant aux auteurs de l’utiliser, on veut prouver que ChatGPT n’est pas capable de rédiger des textes convaincants. On veut que les auteurs affinent, améliorent le texte généré par l’IA, qu’ils y apportent une touche personnelle, ainsi que leur sensibilité et leur expertise en tant qu’auteur », indique Victoria Marchand. L’objectif est ainsi de tester les limites de l’IA et de voir le potentiel de cet outil.

Invités à « plonger dans un monde futuriste où la culture a été perdue », avec « le héros de l’histoire [qui] aura pour quête » de la refaire émerger, les participants doivent utiliser le robot conversationnel « comme une source documentaire, un allié pour générer des idées, de premières ébauches », explique l’assistante en relations publiques. « Les textes uniquement générés par ChatGPT sans retouche de la part de l’auteur seront éliminés », précise d’ailleurs la maison d’édition dans le règlement de son concours. 

« Si nous n’avons pas assez de textes convaincants, la publication de ce recueil ne se fera pas. »

Victoria Marchand
Assistante en relations publiques chez Edilivre


C’est ce qu’a fait Chantal Payrard, autrice de plusieurs romans, qui participe au concours. Elle a « imaginé un monde détruit par des tempêtes » dans lequel « un groupe d’étudiants tente de rejoindre un dôme, construit dans le désert, en Namibie », comme elle l’a expliqué à France 3. Se retrouvant sans argent lors de leur voyage vers l’Afrique, ils sont obligés de travailler. L’autrice a ainsi questionné ChatGPT sur l’économie du Cameroun, qui a alors généré un article sur l’agriculture et le tourisme, raison pour laquelle ses héros travaillent dans un grand hôtel. Seul problème : elle a été contrainte de tout réécrire. « C’était trop technique et froid. Je suis plus du côté de l’imaginaire. Pour moi, c’est seulement un outil », a-t-elle précisé. 

Si le concours s’est achevé la semaine dernière, les résultats ne seront annoncés que début novembre. Avant de passer entre les mains d’un comité de lecture, les textes ont été examinés par des éditrices pour voir ce qui s’en dégage. Sur l’ensemble des nouvelles soumises, 15 seront sélectionnées par le comité en fonction de leur conformité avec la thématique et de leur créativité, pour ensuite être éditées dans un recueil publié en fin d’année.

« Si nous n’avons pas assez de textes convaincants, la publication de ce recueil ne se fera pas », a cependant précisé Victoria Marchand. Tout va ainsi dépendre de la manière dont les participants ont utilisé ChatGPT, s’ils ont effectué des modifications au contenu généré par le chatbot ou s’ils se sont contentés de le soumettre tel quel. « Je pense qu’on verra largement la différence entre les textes qui ont été retouchés et ceux qui ne l’ont pas été. » 

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Article rédigé par
Kesso Diallo
Kesso Diallo
Journaliste