Envoûtant, un peu psyché, parfois progressif, mais toujours fidèle aux riffs électriques, 11:11 est le premier album de Bandit Bandit. Retentissant, aux accents féministes, cet opus est un cocktail détonnant. Baptême du feu réussi pour le duo lyonnais, c’est LE hold-up de la rentrée.
Assurément, les amoureux et amoureuses du rock tapageur adoreront ce disque glam-féministe. Le micro est tenu par Maëva Nicolas, chanteuse puissante montée sur ressort, prête à dégainer à tout instant. Par les textes et sa posture, elle incarne et rappelle l’importance du modèle féminin-fort dans l’art, puissante et déterminée, sans limites. Cet album est comme l’aboutissement, en musique, d’un cri, d’un besoin d’expression éclatant. Après tout, le rock a toujours été un espace d’expression et de rébellion, et Maëva Nicolas et Hugo Herleman l’ont bien compris. À coup de gros riff, à folle cadence, ils sont allié·e·s alors que Bandit Bandit, c’est aussi la promesse de concerts suants, sans concession.
Côté titres, le duo nous hypnotise depuis des mois avec les singles à la fois explosifs – pour Toxique Exit – et progressifs – pour La Marée monte. On cède au coup de cœur pour le morceau Des fois, qui, tout en poésie, nous embarque vers la mélancolie. Finalement, on se la pose, cette foutue question, comme le groupe : « Y a-t-il une vie après l’amour ? »
Ce disque est un concentré de refs’ à tout un tas de groupes de rock, de pop et autre, qu’on aime, qu’on danse. Le duo a d’ailleurs célébré l’évènement de sa sortie dans un karaoké parisien : une soirée magique où tous les classiques du rock et autres plaisirs coupables ont été massacrés. Une idée brillante pour un album qui l’est tout autant. Avant le karaoké, on a discuté.
C’est votre premier disque, qu’est-ce que cela vous fait ?
Maëva Nicolas : Ça fait plein de choses. Je pense que c’est plein d’émotions qui se jettent les unes contre les autres. Il y a une sorte de brouhaha d’émotions dans ma tête. Soulagement, stress, joie, excitation…
Hugo Herleman : C’est comme s’il y avait quelque chose qui se réactivait, parce que c’était tellement long, l’attente, parce que dans la musique tu enregistres un album et puis tu attends longtemps. Le fait que la tournée reprenne, qu’on sorte les singles, l’album, c’est comme si ça réactivait quelque chose. Je viens seulement de réécouter le disque depuis des mois…
M. N. : Moi aussi, je l’ai enfin réécouté tout à l’heure dans le train !
Il y a peu de groupes de rock, actuellement, qui osent le français, et vous aviez vous-mêmes commencé à chanter en anglais. Pourquoi avez-vous opéré ce changement ?
H. H. : J’ai toujours voulu faire du français, mais je ne me sentais pas capable. Sans Maëva, je n’aurais pas pu le faire. Elle avait l’habitude d’interpréter des chansons françaises. Mais moi, je n’étais pas trop dans ce milieu-là. Je suis tombé amoureux de la chanson française grâce à Maëva. Ensuite, je pense qu’on mettait sur un piédestal tout ce qu’on connaît de la chanson française. Comme si on n’était pas à la hauteur. Je pense qu’on était rassuré par des groupes comme Grand Blanc, La Femme. Mais pour cet album-là, je me suis aussi inspiré de rappeurs dans l’écriture des textes. Parce qu’en fait, s’ils chantent, ils rappent avec leur propre langue, leurs propres mots. Et je trouvais ça beaucoup plus frontal et beaucoup plus honnête. Le côté lyrique, la poésie, on aime ça.
M. N. : J’aime le fait de me dire qu’on peut chanter comme on parle. C’est sincère. Et ce ne serait pas du tout le même projet si c’était en anglais. J’ai vraiment grandi avec Jacques Brel et d’autres artistes de ce genre-là, donc, forcément, les mots prennent une résonance différente.
Vous avez fait beaucoup de concerts avec l’EP précédent, presque comme si c’était un album. Vous avez été en Allemagne, en Corée, en Belgique… Le rock français s’exporte-t-il, finalement ?
M. N. : Oui, il s’exporte et on a la chance d’avoir un partenaire en booking et en tour qui est vraiment exceptionnel par rapport à ça. On a eu la chance de signer avec des agents, que ce soit en Suisse, en Belgique et maintenant en Allemagne, ou en Corée. On avait cette volonté de s’exporter rapidement. On sent le public curieux. Leur manière de concevoir la musique est complètement différente pour le live. Ils font confiance à la programmation des clubs dans lesquels ils vont souvent. En France, tu ne lâches jamais 20 balles pour une place de concert d’un groupe que tu ne connais pas.
H. H. : Je me rappelle que la tournée française allait se terminer en novembre 2022. Maëva a bénéficié de l’accompagnement Change, un dispositif européen pour les femmes dans la musique. On savait qu’on allait avoir une petite pause avant l’album et on a tanné notre management pour continuer dans les pays limitrophes. Ils nous répondaient : “Mais il n’y aura personne !” Et pourtant, on a été en Hollande, en Croatie, en Pologne, en Corée, en Belgique… et il y avait toujours du monde !
Pour ce qui est du français et de la barrière de la langue, au début, on avait un peu peur, mais finalement ils trouvent ça complètement exotique et ils disent qu’il y a un truc nouveau, original, très sexy. Ce que j’aime beaucoup, c’est que quand on a créé le projet avec Maëva, on avait fait une liste de mots qu’on aimerait intégrer sur la musique qu’on veut faire. Ce que ça dégage. Et dans cette liste, il y avait “néon”, “sombre”, “fumeux”, “sexy”, “glamour”. Ils se comprennent dans beaucoup de langues, mais aussi dans l’attitude, le son et la scène.
Vous évoquez beaucoup la rencontre, l’amour, le vrai ou le toxique, la fin puis le renouveau. Pourquoi avoir choisi d’aborder ces thématiques ?
M. N. : Depuis le tout début du projet, c’est un thème central. On s’est toujours questionnés sur notre relation, mais aussi sur les histoires de tout le monde. Ce disque, c’est aussi des sujets plus politiques sur le féminisme et le fruit de discussions qu’on a avec des amis. Au-delà de la musique, c’est un peu les échanges avec les amis qui reviennent à chaque soirée : “Comment ça va, toi ?”, “Tu vois qui en ce moment ?”, “Comment ça se passe ?”
H. H. : C’est aussi l’évolution de notre relation avec Maëva, certains textes comme Curseur sont criants de vérité pour nous deux. Pareil pour Des fois, c’est autobiographique. C’est des questionnements personnels, mais qui sont inhérents à toutes les relations humaines, qu’elles soient charnelles ou pas. Dans Toxique Exit, on ne parlait pas spécialement de nous, mais de ce qu’on avait entendu autour de nous. De relations humaines, d’amour, en couple ou non, avec aussi un prisme féministe.
C’est quoi le féministe de Bandit Bandit ?
M. N. : C’est un féministe intersectionnel, qui inclut tout le monde, y compris les hommes hétéros qui nous soutiennent et veulent agir, lever le poing avec nous, des alliés. Le féminisme de Bandit Bandit est bienveillant. On ne veut pas non plus avoir le rôle d’une mère qui explique tout, on aimerait que le féminisme soit logique. Ça passe par la musique et la posture sur scène.
Quelles ont été vos inspirations sur cet album ? Quels sont les groupes qui vous ont poussés vers la musique et plus spécifiquement sur cet album ?
M. N. : On est très curieux et avide de découvertes. On a pris beaucoup de temps pour écrire cet album sans vraiment conscientiser nos influences. Par exemple, on nous dit que le titre La Montagne rappelle David Bowie, alors qu’on pensait à St Vincent. Elle-même influencée par Prince et David Bowie sur son album. Il y a aussi MGMT avec Little Dark Age avec ses synth, Jane Birkin et Étienne Daho que j’ai tellement écouté…
H. H. : Sur le titre Des fois, je me rappelle très bien que c’est parti de Stromae, un dimanche soir à la télé. Une ambiance et quelque chose qui percute. Sinon, l’inspiration, c’est le côté élégant des chansons françaises. D’ailleurs, ça m’a fait un peu peur au début de l’album de me dire qu’on partait dans plein de directions. Mais le fil rouge de cet album, ça reste le rock. Des sons de guitare qui ne bougent pas malgré les influences différentes.
Quelles sont les collaborations dont vous êtes fiers et celles dont vous rêvez ?
H. H. : J’aimerai que ça se passe avec Daho, c’est un super compositeur, mature, élégant, poétique.
M. N. : Christophe aurait été un rêve. Sinon, Damon Albarn.
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Vous avez une grande tournée à venir, où est-ce qu’on pourra vous voir performer ?
M. N. : On sera dans toute la France, vous pourrez nous voir partout. Le 28 novembre, on jouera à la Maroquinerie, à Paris.
Dans quel lieu rêveriez-vous de vous produire ?
M. N : L’Olympia, pour le côté mythique et le lettrage Bandit Bandit en grand.
H. H. : Rock en Seine. C’était mon premier festival à 18 ans. On devait le faire, mais c’était l’année du Covid…
Vous chantez quoi au karaoké ?
En duo : Gabrielle de Johnny Hallyday, mais aussi nos morceaux.
11:11, de Bandit Bandit, disponible depuis le 29 septembre 2023.