Critique

The Continental : que vaut la série dérivée de John Wick ?

22 septembre 2023
Par Samuel Leveque
Colin Woodell dans “The Continental”.
Colin Woodell dans “The Continental”. ©Lionsgate Studios, Prime Video

Voilà déjà dix ans que la franchise John Wick a remis au goût du jour le thriller d’action ultraviolent en mettant en scène la vengeance d’un assassin repenti incarné par Keanu Reeves. Après une longue phase de production, la minisérie de Prime Video sort enfin de l’ombre et s’intéresse aux origines de la saga, dans les années 1970.

On résume souvent un peu trop vite la licence John Wick à « Keanu Reeves qui massacre des bandits à la chaîne pour venger le meurtre de son chien ». Il y a du vrai, mais la tétralogie a également su développer un univers très riche et assez fin, dépeignant le fonctionnement d’une sorte de société parallèle remplie de tueurs à gages avec leurs codes, leurs règles et leur morale particulière.

Une bonne partie de la mythologie particulière de la série gravite autour de la société Continental, une chaîne d’hôtels servant de terrain « neutre » aux différentes factions d’assassins. Et c’est à la fondation de ce « sanctuaire » que s’intéressent les trois épisodes (en réalité trois longs téléfilms à très gros budget) de The Continental: From the World of John Wick.

Une longue production qui a (un peu) changé son sujet en cours d’écriture

Le projet de réaliser une préquelle à la saga remonte à loin. Dès 2017, Derek Kolstad et Chad Stahelski, respectivement scénariste et réalisateur de la franchise, projettent de créer une série retraçant les origines de nombreux personnages sur un format au long cours.

De longues discussions avec le studio Lionsgate ont finalement légèrement modifié le projet : la plupart des révélations concernant les assassins que l’on suit dans les longs-métrages seront gardées au chaud pour des histoires ultérieures, la série étant transformée en format plus court de trois épisodes. Ces derniers ont pour mission d’épaissir un point en particulier, à savoir les origines du Continental.

©Lionsgate Studios, Prime Video

Le script finalement retenu et validé par le studio est donc celui d’un numéro d’équilibriste : parvenir à raconter l’histoire d’un lieu, tout en brossant le portrait de nouveaux personnages, mais sans trop déflorer des secrets que la série entend garder en réserve pour les prochains films, dont le très attendu Ballerina, prévu pour 2024.

Autre condition requise : garder la grammaire classe et ultraviolente des films, tout en glissant de (nombreuses) allusions qui parleront aux fans les plus attentifs. Pour parvenir à ce résultat, près de trois ans de production ont été nécessaires.

Une plongée dans le New York décadent des années 1970

Ce qui frappe immédiatement dans The Continental, c’est justement ce respect très littéral du style John Wick, ici transposé dans un nouveau contexte : celui de la grave crise traversée par New York à la fin des années 1970. Une version de la ville marquée par des inégalités extrêmes, des coupures de courant à répétition et un taux de criminalité en pleine explosion.

Ce contexte permet à la série de se promener entre les couloirs débordant de luxe et de dorures des hôtels particuliers et des quartiers généraux de la mafia, mais aussi entre les bâtiments décrépis, incendiés et abandonnés des quartiers les plus défavorisés de la ville. Un mélange de luxe et de violence avec lequel les amateurs de John Wick sont déjà bien familiers.

©Lionsgate Studios, Prime Video

C’est, en creux, ce que cherche à raconter The Continental, en mettant en scène la naissance des sociétés secrètes d’assassins qui vont s’entre-déchirer dans cette montée rapide, brutale et sauvage de gangs mafieux capitalisant sur l’incurie des services publics et la corruption généralisée de cette époque.

La série nous est narrée par les yeux d’un jeune Winston Scott (incarné par Colin Woodell, excellent dans le rôle), dont on suit l’ascension spectaculaire dans le monde clandestin du crime organisé. Le show s’intéresse particulièrement à la manière dont il va réussir à faire du Continental de New York le lieu incontournable dépeint dans les films, et comment il va devenir l’homme puissant et respecté incarné à l’écran par Ian McShane quatre décennies plus tard.

Une esthétique tout aussi brutale, aux influences différentes

Riche en action, en courses-poursuites et en combats quasiment aussi spectaculaires que dans les films, The Continental est une production qui se permet également d’aller piocher dans de nouvelles esthétiques. Si les John Wick ont notamment été remarqués pour leurs emprunts aux jeux vidéo de type FPS ou aux chorégraphies du cinéma hard boiled de Hong Kong, on retrouve ici des influences provenant directement de l’esthétique seventies de la blaxploitation et aux films d’arts martiaux de la Shaw Brothers.

©Lionsgate Studios, Prime Video

La série fait d’ailleurs des efforts conséquents pour trouver sa propre identité et son propre style. Certes, c’est incontestablement « du John Wick », mais il se dégage de The Continental l’impression très agréable de se retrouver immergé dans une proposition unique et haletante, qui constitue une porte d’entrée tout à fait satisfaisante dans cet univers. Un soin tout particulier a été apporté aux décors, aux costumes et à la bande-son, qui donnent à ces trois épisodes un cachet singulier, à la fois vintage et terriblement moderne.

On ne peut que saluer, enfin, la direction d’acteurs exemplaire d’un casting trois étoiles n’hésitant pas à mettre le paquet sur les personnages bizarres et déviants qui ont fait le sel de la licence : Mel Gibson (en directeur du Continental), Jessica Allain ou encore Peter Greene livrent certaines des meilleures performances vues dans des séries télé d’action en 2023.

©Lionsgate Studios, Prime Video

On finit par oublier qu’on est dans une « simple » préquelle aux aventures de John Wick et on ne se formalise nullement de l’absence des stars de la saga. Pour la première fois, le monde imaginé par Kolstad et Stahelski prouve qu’il peut exister en dehors de ses vedettes habituelles (Keanu Reeves, Ian McShane, Lance Reddick…). Aucun doute : la licence pourrait devenir de plus en plus prolifique dans les années à venir.

The Continental est disponible dès le 22 septembre sur Prime Video.

À lire aussi

Article rédigé par