Niaises, clichées, prévisibles… Les rom com sont souvent moquées. Pourtant, le genre est une véritable mine d’or pour analyser et mieux comprendre les histoires d’amour.
Je plaide coupable : j’adore les comédies romantiques. Plus qu’un guilty pleasure, elles deviennent mes meilleures amies lors des coups de blues passagers ou des dimanches pluvieux. On a beau me répéter que la fin est prévisible dès les premières minutes, Jack London (et toute bonne rom com qui se respectent) m’a appris que « ce n’est pas la destination qui compte, mais le voyage ». Et le voyage proposé par les comédies romantiques vaut le détour. Au fil des années, ces dernières ont façonné (malgré moi) ma vision de l’amour et m’ont livré certaines leçons.
Platonic et l’amitié entre hommes et femmes
Dans les rom com, les meilleurs amis finissent (presque) toujours ensemble. Après des années d’amitié, il suffit d’une relation amoureuse ou d’un mariage pour que le meilleur ami réalise qu’il est fou amoureux de sa pote. S’ensuit une crise existentielle, au cours de laquelle les personnages se demandent s’ils sont vraiment faits l’un pour l’autre, avant de réaliser qu’il s’agit d’une évidence et qu’ils ont toujours été secrètement amoureux de celui ou celle qu’ils considéraient comme un membre de leur famille.
Toutes ces histoires m’ont beaucoup interrogée sur mes propres relations avec mes amis du sexe opposé. Ce genre d’amitié est-il vraiment impossible, comme le suggèrent tous ces shows? Je ne vois pourtant aucune potentielle âme sœur parmi mon groupe de potes, et l’idée ne m’a même jamais traversé l’esprit. Ce préjugé a aussi eu un impact sur ma façon de voir les amies de mon partenaire. Cette petite graine, plantée dans mon cerveau par ces films, me laissait entendre que je devais me méfier d’elles. Inconsciemment, je les voyais comme de potentielles rivales – ce qui est très malsain. Mais si même Hermione finit avec Ron, alors tout peut arriver.
Il fallait donc une série comme Platonic pour balayer tous ces clichés et apporter un peu plus de réalisme à ces relations. Cette production AppleTV+ nous prouve que l’amitié homme-femme existe, et que deux personnes du sexe opposé peuvent passer des moments privilégiés ensemble sans avoir la moindre arrière-pensée. On y suit les aventures de Sylvia et Will, deux amis de longue date qui ont fait les 400 coups ensemble.
En tant que spectateur, on s’identifie forcément à Charlie, le mari de Sylvia qui s’interroge sur cette relation et ne peut s’empêcher de ressentir de la jalousie. Alors, à tous les Charlie de ce monde : regardez cette série et lâchez la grappe aux potes de votre partenaire. Ce ne sont pas des rivaux, mais simplement des personnes qui comptent beaucoup dans leur vie et leur apportent quelque chose de différent. Tâchez de vous en souvenir lors de votre prochaine crise de jalousie : on inspire, on expire, et on regarde Platonic pour déconstruire toutes ces fausses idées.
À moi la nuit, toi le jour et la magie des petites attentions
À moi la nuit, toi le jour n’est clairement pas la série du siècle. Cependant, elle nous rappelle à quel point les petites attentions comptent dans une relation. On y suit l’histoire de Tiffany et Leon, deux inconnus qui partagent le même appartement de façon alternée, car ils n’ont pas les moyens de se le payer seuls. Le principe est simple : elle a accès au logement entre 20 heures et 8 heures, quand Leon fait ses gardes de nuit à l’hôpital, et il peut s’y rendre entre 8 heures et 20 heures, lorsqu’elle travaille.
Cette répartition millimétrée leur permet de profiter de leur lieu de vie, sans jamais se croiser. Leur seul moyen de communication se résume à des Post-its qu’ils se laissent pour se transmettre les informations importantes. Du moins, au début. Petit à petit, les listes de courses se transforment en véritable conversation et les murs se remplissent de petits pense-bêtes colorés.
Leon et Tiffany ne se sont jamais vus, mais ils tombent amoureux l’un de l’autre grâce à l’écriture et à ces attentions quotidiennes. À moi la nuit, toi le jour nous permet de réaliser que l’amour peut naître de gestes insignifiants – qui permettent aussi de le faire perdurer. Car chacun a son propre « love language ».
Tirée d’un livre de psychologie, cette théorie nous explique qu’il y a cinq manières d’exprimer l’amour avec sa ou son partenaire : les paroles valorisantes, le temps « de qualité » passé à deux, le contact physique, les services rendus et les attentions (comme des cadeaux ou des petits mots). Si vous faites partie de la dernière catégorie, la leçon donnée par cette série vous concerne d’autant plus. Elle nous apprend que rien n’est acquis et qu’il faut toujours continuer à surprendre l’autre, même avec un simple Post-it coloré et débordant de niaiserie.
Simple comme Sylvain et la différence dans un couple
Présenté à la dernière édition du Festival de Cannes, Simple comme Sylvain fait partie de ces films qui me sont restés longtemps en tête après la fin du générique. Derrière son humour et sa légèreté, la production écrite et réalisée par Monia Chokri nous interroge sur la différence au sein d’un couple.
Sophia est professeure de philosophie à Montréal, installée dans une relation avec Xavier depuis dix ans. Sylvain, lui, est charpentier dans les Laurentides et doit rénover leur maison de campagne. Milieu social, références culturelles, humour… Ils n’ont rien en commun. Pourtant, lorsqu’ils se rencontrent, c’est le vrai coup de foudre.
Sophia est prête à tout abandonner pour cet inconnu qu’elle vient de rencontrer et avec lequel elle entame une relation passionnée. Lorsqu’ils sont tous les deux, ils vivent dans une petite bulle qui efface tous leurs problèmes. Ils sont inexplicablement attirés l’un vers l’autre et ne peuvent s’empêcher de se sauter dessus. Ils passent (beaucoup) de temps au lit, rient, et apprennent à se connaître en se racontant leurs passés respectifs. Cependant, cette petite bulle éclate au contact des autres. Quand Sophia ou Sylvain entre dans le cercle amical ou familial de l’autre, ils voient à quel point leurs différences sont flagrantes.
Ce film m’a beaucoup interrogée sur la définition même de l’amour. Peut-on être profondément amoureux d’une personne avec laquelle nous n’avons rien en commun ? La relation de Sylvain et Sophia relève-t-elle de l’amour ou de la passion ? Et quelle différence y a-t-il entre ces deux sentiments ?
J’ai eu la chance de poser toutes ces questions à celle qui est à l’origine du film : Monia Chokri. Elle m’a révélé que « 6 % des gens sortent de leur classe sociale pour vivre une relation amoureuse avec une personne d’une autre classe. C’est vraiment minime. Le couple, c’est un système social et politique. Ça n’a franchement rien à voir avec l’amour ».
Pour elle, il est nécessaire d’avoir « une base commune » pour qu’il perdure. « Après, il faut se demander ce que l’on recherche dans une relation : est-ce que l’amour nécessite une sexualité ? Est-elle plus importante que la relation intellectuelle ? » Et, avant toute chose, elle souligne le fait que nous devons « nous aimer assez nous-même pour ne pas entrer dans des schémas toxiques qu’on identifie comme de l’amour (…) et avec lesquels nous avons été biberonnés toute notre vie ». C’est dit.
Gossip Girl et la passion toxique
Monia Chokri a raison : ces schémas toxiques sont partout, surtout dans les séries de mon adolescence. Parmi elles, Gossip Girl gagne la compétition haut la main. Qui n’a jamais rêvé de vivre la relation de Chuck et Blair ? D’amants maudits à partenaires passionnés, les protagonistes seraient prêts à tuer l’un pour l’autre. Pourtant, leur couple est plus que toxique. C’est un red flag ambulant.
Commençons par Chuck. Le jeune homme a tenté de violer deux adolescentes (Serena puis Jenny) et il a accepté de vendre sa copine à son oncle contre un hôtel, la réduisant ainsi à une simple marchandise. En plus de la réifier, il lui fait subir de nombreuses violences psychologiques et physiques (notamment quand elle lui annonce ses fiançailles avec un autre).
Dans l’épisode 20 de la saison 4, Blair confie à Serena que Louis la rend heureuse, avant d’annoncer : « Tu sais depuis quand j’ai pas ressenti de joie ? J’ai vécu dans l’obscurité de Chuck. J’en avais oublié ce que c’était. » On est loin du conte de fées fantasmé par les fans de GG.
Les comédies romantiques ont tendance à glamouriser les bad boy et à attribuer le syndrome du sauveur à leurs personnages féminins. Pourtant, ce genre de couple n’a rien de sain. Il nous plonge la plupart du temps dans une relation dysfonctionnelle, voire toxique. Sous couvert de jouer à « Je t’aime, moi non plus », Blair et Chuck évoluent dans une relation abusive et destructrice. Chacun veut avoir le pouvoir et ressentir l’emprise qu’il peut avoir sur l’autre.
Ils se torturent psychologiquement en testant leurs jalousies respectives, ne cèdent jamais aux demandes de l’autre et cherchent en permanence à dominer la relation. Il n’y a évidemment aucune communication au sein du couple et les disputes et coups bas se règlent avec des fleurs ou des cadeaux hors de prix. Malgré leurs déclarations enflammées, ils entretiennent une relation toxique et tentent de la justifier au nom de la passion.
La La Land et l’art de la rupture
Dans la plupart des films, les ruptures se font dans les cris et la douleur. On a tous cette image du couple qui se hurle dessus, claque les portes et pleure à chaude larme. Pourtant, les séparations peuvent aussi être bienveillantes et saines. Le chef-d’œuvre (oui) de Damien Chazelle, La La Land, en est la preuve.
Le long-métrage nous raconte l’histoire de Mia et Sebastian. On est les témoins de leur amour naissant, de leurs premiers échanges taquins, leurs premiers fous rires, leurs danses improvisées sous le ciel étoilé, leur premier baiser, mais aussi les premières confrontations aux aléas de la vie. Les deux personnages sont ambitieux et rêvent d’une carrière artistique. Lui dans la musique, elle dans le cinéma. Malgré leur amour passionné (mais sain, cette fois), leur carrière empiète petit à petit sur leur vie personnelle.
Sebastian enchaîne les tournées et Mia passe sa vie à l’attendre. Jusqu’au jour où une proposition professionnelle la pousse à quitter la ville et mettre fin à leur relation. La La Land nous montre que deux personnes qui s’aiment très fort peuvent prendre des chemins différents, et que la rupture est parfois la meilleure des solutions.
Il faut savoir arrêter une relation avant qu’elle ne nous ronge ou nous empêche d’atteindre nos rêves. La fin du film, sublime, nous rappelle que le premier amour a une place particulière dans notre vie et nous marque pour toujours. Finalement, l’histoire de Mia et Sebastian m’a appris que les happy end pouvaient aussi se faire en solo, et que les plus belles relations peuvent se terminer dans le calme et la tendresse.