Critique

Reality, l’étonnante première réalisation de Tina Satter

16 août 2023
Par Alexia De Mari
Sydney Sweeney dans “Reality”.
Sydney Sweeney dans “Reality”. ©Mickey & Mina LLC

Après avoir été présenté dans de prestigieux festivals – comme la Berlinale ou le festival de Biarritz – le premier long-métrage de Tina Satter arrive en salle ce 16 août. Critique.

Le 3 juin 2017, deux agents du FBI interrogent la jeune Reality Winner (Sydney Sweeney). La conversation commence dans une apparente banalité, sur la pelouse du domicile de Reality, un jour de grand soleil. Pourquoi le FBI s’intéresse-t-il à elle ? Qui est vraiment Reality ?

Après l’immense succès de l’adaptation de l’interrogatoire de Reality Winner sur les planches de Broadway, Tina Satter décide de porter cette histoire à l’écran pour son premier long-métrage. La pièce de théâtre et le film ont pour singularité de retranscrire fidèlement l’interrogatoire du FBI qui a conduit à l’arrestation de la jeune lanceuse d’alerte. La réalisatrice s’est basée sur le document administratif des renseignements américains pour raconter le parcours de Reality.

Sydney Sweeney incarne Reality Winner. ©Mickey & Mina LLC

Entre fiction et réalité

Si cette affaire précise est moins connue en France, elle a fait l’actualité de l’autre côté de l’Atlantique. La jeune Reality Winner – un nom qui paraît prédestiné à une adaptation cinématographique –, vétérane de l’US Airforce, est accusée d’avoir divulgué des documents confidentiels de la NSA au sujet des soupçons d’ingérence russe au moment de l’élection de Donald Trump, en 2016. Le film se concentre sur l’interrogatoire de Reality à son domicile. Un choix de mise en scène loin de l’aspect film d’espionnage adoptés par Le Cinquième Pouvoir (2013) de Bill Condon ou Snowden (2016) d’Oliver Stone.

Nous découvrons la personnalité de Reality et son mode de vie au fil de la conversation. L’étrangeté de la première partie du film réside dans son improbable banalité. La discussion se concentre sur les animaux de Reality – brillamment interprétée par Sydney Sweeney, star de la série HBO Euphoria. On peine à savoir celle-ci a conscience de la gravité de la situation dans laquelle elle se trouve. La fidélité des dialogues renseigne le spectateur sur les méthodes du FBI, avec le parti pris d’une mise en scène épurée, centrée sur le personnage de Reality.

Reality.©Mickey & Mina LLC

Sydney Sweeney a étudié le procès-verbal et s’est entretenue avec Reality afin d’être fidèle aux intonations et aux réactions du personnage. Josh Hamilton – qui interprète le rôle de l’agent Garrick – a quant à lui analysé des vidéos d’interrogatoires et a mémorisé les moindres hésitations de l’agent qu’il interprète. Marchánt Davis, l’agent spécial Taylor, a travaillé avec un agent du FBI à la retraite pour comprendre les méthodes de travail de ces derniers. Grâce à la performance de ces trois acteurs, on est loin du simple exercice de style. Les personnages sont aussi étranges que convaincants.

Une mise en scène épurée

De cette discussion étrangement banale au départ se dégage une impression surréaliste qui laisse présager que les choses ne se termineront pas favorablement pour la jeune américaine. Le passage de l’extérieur à l’intérieur de la maison de Reality, dans une pièce vide dans laquelle elle avoue ne pas se sentir à l’aise, fait basculer Reality dans la dimension plus classique d’un film basé sur un interrogatoire. La caméra de Satter se focalise constamment sur la suspecte et s’approche d’elle à mesure que le film avance.

Grâce à la performance de Sydney Sweeney – de la précision de ses gestes aux expressions de son visage filmé en gros plan –, nous observons le rapport de force s’installer entre Reality et les agents du FBI, et nous sentons la jeune femme, qui tente de cacher sa peur, découvrir peu à peu qu’elle ne peut échapper à son arrestation.

Bande-annonce de Reality avec Sydney Sweeney.

La réalisatrice a choisi d’insérer, tout au long de son œuvre, des documents illustratifs. Si ce procédé ne convainc pas toujours, les images d’archives des journaux télévisés américains diffusées à la fin du film montrent le rôle joué par les médias dans l’opinion publique. Si cela paraît parfois trop didactique, il n’en demeure pas moins que le procédé se révèle rigoureusement efficace.

Cette première lanceuse d’alerte s’est vue condamner à une peine de prison particulièrement lourde de cinq ans. Entre démonstration du rapport de force, quête de la vérité et questionnement sur le traitement des informations, ce premier film de Tina Satter ne laisse pas indifférent.

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Reality, de Tina Satter, avec Sydney Sweeney, 1h22, en salle le 16 août.

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Article rédigé par
Alexia De Mari
Alexia De Mari
Journaliste