En septembre dernier, un coup de tonnerre s’est abattu sur Instagram. Le Wall Street Journal l’a non seulement accusé d’être néfaste pour la santé mentale des jeunes filles, mais aussi d’être au courant de ces effets négatifs. Cependant, tous les réseaux sociaux ont des mauvais côtés. En quoi Instagram se démarque-t-il des autres ?
Un début de réponse se trouve dans une étude interne réalisée par Facebook Inc., propriétaire d’Instagram, sur 50 590 personnes venant de dix pays, dont la France. D’après des extraits publiés par le Wall Street Journal, « les adolescentes perçoivent Instagram comme le “pire” réseau social en termes de comparaison de l’apparence physique ». 48 % d’entre elles disent en effet qu’elles comparent « souvent ou toujours » leur physique à celui des autres utilisateurs. Un résultat sans surprise, car la plateforme a déjà été visée par plusieurs polémiques à ce sujet.
Insta, Insta, dis-moi qui est la plus belle
En 2019, Stephen Powis, directeur médical du NHS, équivalent de la sécurité sociale au Royaume-Uni, tirait déjà la sonnette d’alarme sur un type de contenu bien connu du réseau social : la promotion de produits amincissants « au mieux inefficaces et au pire dangereux » par les influenceurs et influenceuses. La même année, le journal The Guardian avait révélé l’existence de milliers de hashtags et de comptes pro-anorexie. L’algorithme a même suggéré à des personnes anorexiques de rechercher le terme « coupe-faim ». Cette obsession pour la minceur se retrouve dans la communauté fitspo, mot-valise composé de fitness et inspiration. Dans cet étalage infini de selfies dénudés tout en muscles et de conseils nutritionnels, le sport est avant tout associé à la recherche du corps parfait et à la discipline, plus qu’à la santé, au plaisir ou à l’esprit d’équipe.
Autre sujet polémique : l’existence de filtres pour embellir son visage. Plusieurs articles dans des revues spécialisées comme le JAMA Facial Plastic Surgery ont noté que les personnes utilisant ces filtres étaient plus susceptibles de recourir à la chirurgie esthétique. Cet effet a même un nom lié à un autre réseau social : la dysmorphie Snapchat. L’utilisateur, le plus souvent une utilisatrice, finit par trouver son vrai visage repoussant et souhaite le corriger pour ressembler à ses selfies retouchés. Des chirurgiens esthétiques y ont vu une opportunité et ont maintenant des comptes Instagram avec plusieurs milliers d’abonnés. Publiant des photos avant-après ou des vidéos d’opérations chirurgicales, ils soulèvent la question de la publicité pour les professionnels de santé.
Facebook Inc., pompier pyromane
Instagram ne pouvait donc qu’être au courant des effets négatifs sur la santé mentale de son audience. Ces dernières années, la plateforme a tenté plusieurs approches. Les contenus faisant la promotion de la chirurgie esthétique et des produits amincissants ne s’affichent plus pour les moins de 18 ans et certains filtres pour selfies qui faisaient trop référence à la chirurgie esthétique ont été bannis.
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Des initiatives bienvenues, mais qui n’arrivent pas à enrayer complètement le problème. Une explication est donnée dans une conversation en interne. « N’est-ce pas le but d’IG ? Regarder la vie (très photogénique) des 0,1 % ?, demande un employé. N’est-ce pas la raison de la venue des adolescents sur la plateforme ? » Un ancien cadre ajoute que « les gens utilisent Instagram parce que c’est une compétition. » Que serait Instagram si la beauté n’était pas sa valeur principale ? Si les utilisateurs étaient d’abord mis en avant pour leur humour ou leur créativité, au lieu de leur beauté ou de leur richesse ? Selon eux, ça ne serait plus Instagram.
Au pied du mur, mais refusant de faire couler une application aussi lucrative, Facebook Inc. se perd en explications sans réussir à convaincre. Son projet d’Instagram pour les moins de 13 ans est mis en pause, le temps de « travailler avec les parents, experts, et décideurs politiques ». Le directeur d’Instagram, Adam Mosseri, a également annoncé que la plateforme allait développer deux nouvelles fonctionnalités. La première proposerait simplement aux adolescents de « faire une pause » de l’application pour prendre du recul sur son utilisation. La seconde, Nudge (coup de pouce), remarquerait si un utilisateur regarde trop de posts similaires et l’encouragerait à découvrir des contenus différents. Aucune date n’a été annoncée, car ces fonctionnalités ne sont « pas encore en phase de test, mais le seront bientôt ».