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À l’origine : des smileys aux emojis, l’art d’exprimer ses émotions sur Internet

04 juillet 2023
Par Marion Piasecki
À l'origine : des smileys aux emojis, l'art d'exprimer ses émotions sur Internet
©Mix Tape/Shutterstock

Dans sa série « À l’origine », L’Éclaireur revient sur les débuts des technologies et leurs évolutions. Ce mois-ci : les emojis.

Transmettre le ton d’un message par écrit a toujours été un problème : comment s’assurer qu’il n’y a aucune ambiguïté avec son interlocuteur, qu’il a par exemple saisi l’ironie ou la tristesse que l’on voulait faire passer ? Aujourd’hui, la réponse est évidente : avec des emojis, si utiles qu’ils s’invitent parfois même dans des contextes professionnels. Cependant, ceux que l’on connaît aujourd’hui ont été précédés par plusieurs tentatives plus ou moins fructueuses.

Les smileys typographiques, faire avec ce que l’on a

Ce problème dans la communication par écrit ne date pas d’Internet. Avant de vouloir y associer des visages, plusieurs personnes, notamment des écrivains et journalistes, avaient évoqué l’idée d’inventer toutes sortes de ponctuations pour préciser le ton de la phrase, par exemple le point d’ironie ⸮ au XIXe siècle et le point exclarrogatif ‽ dans les années 1960, sans succès. Les ancêtres directs des smileys typographiques ont été publiés dans le magazine satirique américain Puck le 30 mars 1881, avec quatre visages de face réalisés avec des parenthèses, des points et des tirets. Cependant, ils étaient conçus comme des illustrations à part entière et non pour être intégrés dans des messages.

« Joie. Mélancolie. Indifférence. Surprise. » Ces quatre visages publiés dans Puck sont les ancêtres directs des premiers smileys.

L’invention des smileys typographiques remonte à 1982, à l’époque où l’on utilisait pas encore Internet, mais Arpanet et Usenet. Professeur en informatique à l’université de Carnegie-Mellon, aux États-Unis, Scott Fahlman suggère à ses collègues et étudiants d’utiliser :-) pour des messages humoristiques et :-( pour, au contraire, les messages plus sérieux. Des symboles simples qui répondaient à un problème commun à tellement de monde qu’ils se sont répandus comme une trainée de poudre.

Alors qu’en Occident se multiplient les :-D, :-0 et autres :-x, des smileys très différents se développent au Japon et en Corée du Sud. Les kaomoji japonais montrent des petits visages de face, souvent entre parenthèses, et ont pour particularité d’utiliser beaucoup de symboles différents, dont de l’alphabet cyrillique : par exemple ^o^ pour la joie, T_T pour la tristesse et `Д´ ou è_é pour la colère. Ils se répandent également sur les forums occidentaux dans les années 2000 grâce aux fans de manga. Quand au style sud-coréen, il utilise des caractères de leur alphabet, le hangul, pour créer des visages comme ㅇㅁㅇ et -ㅅ-. L’utilisation exclusive de leur alphabet fait que ce style s’est beaucoup moins exporté.

Des sites comme Get Kaomoji proposent des centaines de kaomoji, catégorisés par émotion, à copier-coller dans ses messages.

Malgré le fait que des polices de type dingbats – c’est-à-dire uniquement composées de pictogrammes – comme Wingdings comprennent parfois des émoticônes, elles sont très rarement utilisées et les internautes préfèrent taper des smileys typographiques dans leur police d’écriture habituelle.

Les émoticônes et emojis, de plus en plus spécifiques

Pourquoi les émoticônes et emojis sont jaunes ? Cela vient très probablement du graphiste Harvey Ball aux États-Unis et du journaliste Franklin Loufrani en France, qui ont tous deux créé un smiley jaune, le premier en 1963 et le second en 1971. Ce dernier a par la suite fondé la célèbre The Smiley Company à l’origine de millions de produits dérivés : vêtements, objets de décoration, ballons et bien plus encore. Cette omniprésence en a fait un symbole de pop culture facilement reconnaissable dans de nombreux pays.

Pour ses 50 ans, le smiley de Franklin Loufrani a même eu droit à des pièces et timbres commémoratifs.

Les émoticônes jaunes pullulent sur les forums et les messageries des années 2000 comme MSN. C’est à ce moment-là que l’on voit aussi apparaître les premières émoticônes 3D et animées, esthétique qui disparaîtra progressivement vers la fin de cette décennie. Évolution notable par rapport aux smileys typographiques : les émoticônes incluent aussi des objets.

Les émoticônes de MSN ressemblaient déjà à nos emojis mais étaient bien moins nombreux.

Si le terme emoji est utilisé au Japon dès les années 1990 – les premiers ayant été créées dans le pays en 1997 –, le terme se popularise en Occident avec l’arrivée de l’iPhone, en 2011. Apple utilisait le terme emoji parce qu’à leur première apparition, en 2008, elles étaient uniquement destinées au public japonais. Selon le site Emojipedia, il y a aujourd’hui plus de 3 600 emojis répertoriés dans le standard Unicode.

Les emojis se sont en effet multipliés ces dernières années et reflètent notamment des changements de mentalités, avec plusieurs variantes de couleur de peau, des familles homoparentales ou encore des personnes en fauteuil roulant. Dans le monde entier, des personnes rivalisent d’inventivité pour intégrer leur emoji dans le standard Unicode, que ce soit pour représenter leur communauté ou encore un plat typique de leur pays. Et si vous voulez partager votre amour des emojis, une journée mondiale leur est même consacrée le 17 juillet 🥳.

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Article rédigé par
Marion Piasecki
Marion Piasecki
Journaliste
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