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À l’origine : entre les États-Unis et la France, la double naissance d’Internet

09 mai 2023
Par Marion Piasecki
À l'origine : entre les États-Unis et la France, la double naissance d'Internet
©TAW4/Shutterstock

Dans sa série « À l’origine », L’Éclaireur revient sur les débuts des technologies et leurs évolutions. Ce mois-ci : Internet.

Aujourd’hui omniprésent dans la vie de milliards de personnes dans le monde, Internet n’a pourtant qu’une cinquantaine d’années. Si l’histoire a voulu que cette révolution technologique nous vienne des États-Unis, elle a aussi failli être française avec le projet Cyclades dans les années 1970.

De l’Arpanet à l’Internet

Loin des réseaux sociaux et des vidéos divertissantes de TikTok, Internet a d’abord été inventé pour un usage militaire. Les premières recherches sur un réseau global d’ordinateurs interconnectés sont ainsi lancées en 1962 par la Darpa, l’agence de défense américaine pour la recherche de projets avancés. Le but de ce réseau sera de faciliter et de rendre beaucoup plus rapide le partage de connaissances entre plusieurs centres de recherches.

La première version d’Arpanet, en 1969, relie quatre universités : Stanford, UCLA, l’Université de Californie à Santa Barbara et celle de l’Utah. Le réseau continue de grandir pendant toute la décennie 1970, avec 23 ordinateurs en 1971 et 111 en 1977. Il faut cependant attendre 1984 – un an après l’invention du nom Internet – pour atteindre le premier millier d’ordinateurs connectés au réseau et la barre des 100 000 est dépassée en 1989.

Une carte d’Arpanet en mars 1977, où l’on peut reconnaître certains points comme Stanford et Harvard.

Une nouvelle révolution s’opère dans la décennie 1990. En effet, l’Arpanet militaire et universitaire est délaissé au profit d’un Internet civil puis, en 1991, Tim Berners-Lee annonce publiquement l’avènement du fameux World Wide Web. Ce système permet, grâce à un navigateur, de consulter facilement des pages d’information sur des sites internet accessibles à partir de liens, comme nous le faisons encore aujourd’hui. Le succès est rapidement au rendez-vous : le premier million d’ordinateurs connectés à Internet est dépassé l’année suivante.

Le projet Cyclades, une histoire de France

Voilà pour l’histoire de l’invention d’Internet aux États-Unis. Cependant, beaucoup de personnes ignorent que la France aurait pu y jouer un rôle bien plus important avec le projet Cyclades, comme l’explique le documentaire Les Français qui n’ont pas inventé Internet, disponible sur France Télévisions.

Au début des années 1970, des chercheurs français – avec, en tête de file, Louis Pouzin – souhaitent créer un réseau d’ordinateurs à l’image d’Arpanet. Ce projet est lancé dans le cadre du plan Calcul, un grand plan gouvernemental à l’initiative de Charles de Gaulle qui vise à faire de la France une grande nation de l’informatique. L’équipe de Cyclades échange régulièrement avec les Américains d’Arpanet, en particulier Vinton Cerf et Bob Kahn, et s’influencent mutuellement pendant les années qui suivent.

Louis Pouzin et Jean-Louis Grangé présentent Cyclades lors d’un congrès sur l’informatique répartie à Saint-Jacques-de-Compostelle, en septembre 1976.©Inria

Malheureusement, tout change avec l’élection de Valéry Giscard d’Estaing en 1974. Ce dernier met fin au plan Calcul en 1975 et arrête définitivement de financer le réseau Cyclades en 1978. De l’autre côté de l’Atlantique, Vinton Cerf et Bob Kahn ayant connaissance de l’innovation cruciale accomplie par l’équipe des Cyclades en matière de transmission de données par paquets indépendants (aussi appelés datagrammes), ils choisissent d’intégrer cette invention à Arpanet pour développer Internet.

Pourquoi donc la France est-elle passée à côté d’une invention aussi historique ? Le problème de Cyclades, c’est qu’il était en concurrence avec le réseau public de transmission de données Transpac. En France, les prémisses d’Internet ont donc été abandonnés… au profit du Minitel. Une décision qui paraît incompréhensible aujourd’hui, tant l’hégémonie américaine en matière de technologies et de numérique s’en fait ressentir – avec les Gafam entre autres – encore un demi-siècle plus tard.

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Marion Piasecki
Marion Piasecki
Journaliste
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