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À l’origine : avant ChatGPT et Siri, quels étaient les premiers chatbots ?

04 avril 2023
Par Marion Piasecki
À l'origine : avant ChatGPT et Siri, quels étaient les premiers chatbots ?
©Golden Sikorka/Shutterstock

Dans sa série « À l’origine », L’Éclaireur revient sur les débuts des technologies et leur évolution. Ce mois-ci : les chatbots.

Entre ChatGPT, Bing et Bard, les chatbots n’ont jamais autant fait l’actualité. Cela fait pourtant près de 60 ans que les agents conversationnels existent et n’ont cessé d’étonner les chercheurs. Retour sur quelques modèles marquants.

C’est quoi un chatbot ?

Pour commencer, revenons sur la définition du chatbot, ou agent conversationnel. Il s’agit d’une intelligence artificielle avec laquelle l’utilisateur peut interagir en langage naturel, c’est-à-dire en lui parlant normalement, comme à une autre personne. Ces chatbots servent généralement à répondre à des questions pour fournir des informations, mais peuvent également être des compagnons virtuels.

Eliza, la psychologue

Les premiers modèles de chatbots étaient, bien sûr, assez rudimentaires. Il fallait donc leur donner un rôle précis pour délimiter les interactions et mieux faire illusion. Le premier agent conversationnel s’appelait Eliza. Créée par l’informaticien germano-américain Joseph Weizenbaum en 1964, elle avait le rôle d’une psychothérapeute rogérienne. Ce type de thérapie avait pour particularité que le thérapeute ne donne ni conseils ni interprétations, mais se contente de se baser sur les propos du patient pour lui poser de nouvelles questions. Par exemple, si vous lui disiez que quelqu’un vous a énervé, il vous aurait demandé la nature de votre relation avec cette personne ou la raison de votre colère.

Ce type d’interaction était relativement simple pour un chatbot, puisqu’il suffisait de détecter des mots-clés dans les propos de l’utilisateur et de générer une question. Joseph Weizenbaum s’attendait donc à ce que les utilisateurs trouvent le robot trop rudimentaire, mais le contraire s’est passé : ils ont eu de longues conversations avec Eliza et, en lui confiant des choses intimes, sont devenus émotionnellement dépendants d’elle. Weizenbaum, horrifié par les conséquences que pourraient avoir les intelligences artificielles sur les humains, a passé le restant de sa vie à critiquer les IA et la dépendance grandissante aux technologies. Ce chatbot est aussi à l’origine de « l’effet Eliza », quand un utilisateur attribue à des technologies des capacités ou sentiments dont elles sont incapables, comme l’empathie.

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Alice, l’amie virtuelle

Bien avant Replika et Kuki, Alice fut le premier chatbot à ne pas avoir d’objectif précis si ce n’est d’avoir une conversation avec l’utilisateur. Si sa façon de parler était encore trop robotique pour réussir le test de Turing, c’est-à-dire qu’elle était facile à différencier d’un humain, elle était tout de même impressionnante de par sa capacité à se « souvenir » des conversations précédentes et à les utiliser pour en reprendre de nouvelles. Développée en 1995, elle a connu plusieurs versions en 2000, 2001 et 2004. Alice a largement inspiré Spike Jonze pour son film Her, dans lequel un homme tombe amoureux d’un chatbot.

Joaquin Phoenix dans Her de Spike Jonze.©Wild Bunch Distribution

SmarterChild, le premier assistant virtuel

Cet « enfant plus intelligent » est l’ancêtre de Siri, d’Alexa et tous les chatbots d’assistance virtuelle qui existent sur de nombreux sites aujourd’hui. Créé en 2001, il s’intégrait aux logiciels de messageries populaires de l’époque, AOL Instant Messenger et MSN Messenger, et répondait aux questions des utilisateurs sur de nombreux sujets comme l’actualité, la météo, le cours de la bourse ou encore les résultats sportifs. Avec dix millions d’utilisateurs, SmarterChild était extrêmement populaire et a créé plusieurs variantes pour des marques dans un but marketing.

Preuve de son avant-gardisme – qui fut son plus grand défaut –, il était possible de contacter SmarterChild par SMS, ce qui en fait effectivement un ancêtre de Siri. Problème : en 2001, les SMS coûtaient encore trop cher.

Watson, le chatbot champion de jeu télévisé

Galvanisé par son IA DeepBlue, qui avait battu le champion d’échecs Garry Kasparov en 1997, IBM voulait s’attaquer à un défi encore plus grand en matière d’intelligence artificielle. L’entreprise l’a trouvé sous la forme de Jeopardy, un jeu télévisé américain très populaire où le présentateur donne des réponses (ou indices) et les candidats doivent deviner à quelle question elles correspondent. cela nécessitait non seulement une IA qui comprenait très bien le langage naturel, mais qui pouvait également le faire en un temps record, pour pouvoir buzzer avant les candidats humains.

Les premiers tests commencèrent en 2006, mais il a fallu attendre 2010 pour que Watson – nommé en référence à un dirigeant d’IBM – puisse battre régulièrement des candidats humains. Une fois perfectionné, Watson avait un avantage de taille sur les humains : son temps de réaction pour buzzer, qui était simplement impossible à égaler, à moins d’anticiper le moment où les buzzers s’activaient. En 2011, plusieurs matchs entre Watson et des champions de Jeopardy ont été enregistrés pour la télévision. Résultat : une victoire sans appel de l’intelligence artificielle, qui a par exemple remporté plus de 77 000 dollars lors du second match, loin devant le champion humain qui avait accumulé 24 000 dollars lors de la partie. Le grand prix pour cette compétition très spéciale étant d’un million de dollars, la somme avait été partagée entre deux associations.

Après ces affrontements très médiatisés, Watson a été utilisé comme assistant virtuel dans de nombreux domaines, comme la médecine, l’éducation, la justice et même la cuisine.

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Article rédigé par
Marion Piasecki
Marion Piasecki
Journaliste