Décryptage

À l’approche de l’été, retour sur la petite histoire du livre de poche

26 juin 2023
Par Milo Penicaut
Ysabelle Lacamp avait 68 ans.
Ysabelle Lacamp avait 68 ans. ©Shutterstock

Cet hiver, Le Livre de Poche fêtait ses 70 ans. L’occasion pour nous de revenir sur l’histoire méconnue de ce format iconique, moins cher et plus pratique, qui s’est imposé au fil des siècles comme un incontournable de nos quotidiens.

Si le format poche représente aujourd’hui un quart de la production de livres, cela est loin d’avoir toujours été le cas. Ses origines remontent au début du XVIIe siècle avec La Bibliothèque Bleue : des livrets populaires de moindre qualité, et donc moins chers, qui se diffusent dans toute la France grâce aux colporteur·euse·s, explique l’historienne Marie-Dominique Leclerc au micro de France Culture. L’idée est simple : conquérir les nouveaux marchés ouverts par la montée de l’alphabétisation. L’histoire du livre reflète ainsi les évolutions de la société.

La révolution du format

Avec l’instruction universelle et l’arrivée progressive de la culture de masse au XIXe siècle émerge La Bibliothèque Charpentier dès 1838, « véritablement à l’initiative de ce que sera le livre de poche un siècle plus tard », poursuit l’historien Jean-Yves Mollier. Le format de poche se développe dans toute l’Europe entre les années 1930 et 1950. En France, la librairie Hachette crée Le Livre de Poche en 1953, marque qui deviendra « le terme générique pour le format, un peu comme pour les mots frigidaire et caddie », selon Béatrice Duval, directrice générale de la filiale.

Le Livre de Poche a vu ses ventes décoller à partir des années 1960.

En 1953, Le Livre de Poche vend 2 à 3 millions d’exemplaires ; 23 millions dix ans plus tard : une véritable révolution que l’on peut lier à l’arrivée de la consommation de masse d’après-guerre. Depuis, l’entreprise a édité près de 25 000 titres et tiré plus de 1,2 milliards de livres. Mais tout le monde ne voit pas d’un bon œil cette formidable démocratisation de la lecture, et le débat fait rage au milieu des années 1960, à grands coups de mépris de classe de la part des élites. « Chacun prend son plaisir où il veut. On n’est pas tous obligés de terminer en lisant Proust et en s’extasiant dans nos dîners mondains », rappelle Béatrice Duval, qui regrette qu’aujourd’hui encore, des gens puissent se sentir intimidés de rentrer dans une librairie. 

Le livre de poche, poids lourd d’un marché de masse 

Il y a une ambiguïté dans le format de poche. S’il est appelé à durer, car c’est bien lui qui constitue nos fonds, nos archives – qui garantit finalement « la vie patrimoniale du texte », selon Béatrice Duval –, il marque aussi le caractère industriel du marché du livre.

Un marché de masse, avec ses stratégies commerciales offensives, toujours plus tourné vers la nouveauté – le format poche représente 25 % des exemplaires vendus et 14,4 % du chiffre d’affaires, selon le Syndicat national de l’édition (SNE). Aujourd’hui, un grand format passe en poche au bout de 12 à 15 mois – on comptait plutôt 18 à 24 mois par le passé. Les occasions de rééditer tel livre ou tel auteur·ice sont nombreuses : anniversaire, adaptation cinématographique, nouveauté…

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« Le livre en grand format vit trois mois, six mois, un an maximum. Après, il est remplacé par l’édition de poche, qui prend moins de place, est moins chère, et est appelée à durer sur des années, nous explique Béatrice Duval. En fait, le livre de poche est né de la diffusion, qui s’est rendu compte qu’il y avait là un marché pour rendre le livre accessible à tout le monde. Après, tout s’est organisé autour de cette diffusion la plus massive possible. »

Mais qui dit diffusion massive, dit risques de surproduction, et donc de pilon – du nom de la machine utilisée pour détruire les livres invendus, ce qui représente 13,2 % des flux selon la dernière étude du SNE. Bien que Le Livre de Poche fasse de son mieux pour minimiser son empreinte écologique, nous assure Béatrice Duval, la question de l’avenir du secteur face aux enjeux écologiques continue néanmoins de se poser, et on peut se demander à quoi ressemblera le livre, et le poche, du futur.

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Article rédigé par
Milo Penicaut
Milo Penicaut
Journaliste