Plus on utilise un produit, plus on a de chances de l’user et de le rendre moins intéressant. Un phénomène qui s’applique aussi au monde du divertissement, qu’il s’agisse de films ou de séries. Combien de shows ont perdu leurs fans à cause de la « saison de trop » ? Combien de sagas cultes du cinéma ont perdu leur âme à cause de suites, de reboots ou de spin-offs qui ont détourné les spectateurs ?
Dans un monde où les suites, remakes et reboots sont devenus monnaie courante, un seul univers semblait encore hors d’atteinte, comme protégé par un bouclier magique : Harry Potter. Cela fait aujourd’hui 12 ans que la saga cinématographique initiée en 2001 a tiré sa révérence. Pourtant, chaque rediffusion d’un des films de la saga continue d’attirer son lot de spectateurs, chaque produit dérivé est l’occasion de renouer avec cet univers qui a bercé une, voire deux générations. Et que dire des événements, comme l’actuelle exposition qui se tient à Paris jusqu’au mois d’octobre, qui sont à coup sûr des réussites tant la communauté de fans est ici l’une des plus nombreuses et investies dans l’univers de la pop culture ?
Au cours des huit films réalisés en l’espace de dix ans, les membres de cette communauté sont nombreux à avoir vu Harry, Ron et Hermione évoluer, quitter l’enfance et traverser toute la phase de l’adolescence, comme s’ils s’agissaient d’amis ou de camarades de classe que l’on retrouvait chaque année. Une autre raison pouvant expliquer cet amour toujours aussi fort est le fait qu’il s’agissait à l’époque de la principale (et unique pendant un moment) saga fantastique à être développée au cinéma.
Les studios ont d’ailleurs surfé sur la mode lancée par Harry Potter et lancé des concurrents tels que Twilight, Divergente, The Mortal Instruments ou encore Le Labyrinthe. Autant d’univers qui ont plus ou bien moins marché, mais qui n’égaleront jamais la puissance de frappe du jeune sorcier, que ce soit sur le plan commercial ou affectif.
Pendant longtemps, il semblait donc acquis que la mythique saga n’aurait jamais droit à son reboot. C’est ce que l’on croyait, jusqu’à ce que HBO officialise en avril dernier la nouvelle que beaucoup de fans redoutaient : Harry Potter fera bien son retour, mais cette fois sur le petit écran. Avec un nouveau casting, l’objectif sera d’adapter les sept romans d’origine écrits par J.K. Rowling, publiés entre 1997 et 2007, au rythme d’une saison par roman. Un projet qui était dans l’air depuis un certain temps déjà, et qui a forcément été accueilli avec un faible enthousiasme.
Pour une, voire deux générations, Daniel Radcliffe est Harry Potter, au même titre qu’Emma Watson et Rupert Grint seront toujours Hermione Granger et Ron Weasley. Imposer d’autres acteurs dans ces rôles, à une époque où le moindre choix de casting peut déclencher une guerre sur les réseaux sociaux ressemble à une mission suicide. Seul l’avenir nous dira si le Harry Potter 2.0 saura surpasser son aîné.
Un retour à la facilité dans un monde pourtant ouvert aux possibles ?
Une décision de reboot énormément débattue parmi les fans, notamment après le récent échec de la saga Les Animaux fantastiques. Lancé en 2016, ce spin-off se déroulant bien des années avant la naissance d’Harry nous plongeait aux côtés de Norbert Dragonneau, magizoologiste parcourant le monde pour répertorier toutes les créatures du monde magique. Dans son périple, il croise notamment la route d’un jeune Albus Dumbledore et de Gellert Grindelwald, puissant mage noir qui ne vit que pour éradiquer les moldus. Après un beau lancement (814 millions de dollars au box-office mondial), les aventures de Norbert Dragonneau n’ont pas su reproduire l’exploit de son glorieux aîné. Très critiqué, le second opus sorti en 2018 n’a récolté « que » 654 millions de dollars. Pour ne rien arranger, le troisième film sorti en fin d’année 2022 après plusieurs reports dus à la crise sanitaire a réussi à faire pire, avec un score de 405 millions de dollars…
Une triste performance qui enterre à 99 % les chances de voir d’autres films, alors que deux nouvelles suites devaient encore voir le jour. Le monde des sorciers ne peut-il perdurer à l’écran sans Harry Potter ? Est-ce avec ce raisonnement que HBO et Warner Bros. ont préféré jouer la sécurité et relancer un reboot plutôt que d’opter pour une nouvelle trame ? Ce ne sont pourtant pas les pistes qui manquent, d’un préquel sur Voldemort à la fondation de Poudlard par les quatre grands sorciers… Une autre école ou autre époque est parfois suffisante, comme le prouve le succès colossal d’Hogwarts Legacy, le jeu vidéo développé par Avalanche Software sorti en février dernier. Nous plongeant à la fin des années 1800 en plein Poudlard, cet action-RPG a surpassé toutes les attentes et a déjà dépassé le cap des 15 millions d’exemplaires écoulés depuis sa sortie.
Un budget XXL ne suffit pas toujours à les gouverner tous
Autre univers culte, pouvant compter sur sa horde de fans : Le Seigneur des Anneaux. Après la trilogie emblématique de Peter Jackson, le réalisateur néo-zélandais avait replongé il y a dix ans dans la Terre du Milieu pour conter les folles aventures de Bilbo le Hobbit. Sans égaler la qualité et le succès critique de la première trilogie, cette nouvelle salve de films avait au moins eu la sympathie des fans, l’occasion pour beaucoup de boucler la boucle en faisant le lien avec l’intrigue de Frodon, Gandalf, Aragorn et Legolas.
Mais il est bien difficile pour une licence culte de reposer en paix. L’avènement des plateformes de streaming ne l’a que trop bien prouvé. En réponse à Netflix et Disney+, qui pouvaient s’enorgueillir de posséder de grosses licences, Amazon a sorti le grand jeu avec une série labellisée Le Seigneur des Anneaux. Cinq saisons, chacune avec un budget de 200 millions de dollars, soit un total d’un milliard, statut de série la plus chère de l’histoire : Les Anneaux de pouvoir a assurément été l’un des événements de l’année 2022.
Des chiffres mirobolants qui n’ont toutefois pas assuré la victoire à Amazon dans cette folle « guerre du streaming ». Malgré un démarrage positif en plein buzz, la première saison s’est rapidement essoufflée en termes d’audience. De récents rapports ont même démontré que beaucoup de spectateurs avaient « lâché » en cours de route. Pire encore, un analyste d’Amazon aurait même expliqué dans un mémo destiné aux investisseurs qu’il était inquiet au sujet de la rentabilité financière de la série. Si très peu d’informations sont pour l’instant connues, il a déjà été annoncé que la saison 2 sera plus fidèle à l’œuvre de Tolkien, comme si la priorité était maintenant de rassurer les fans.
Un remake ou un reboot peut-il surpasser l’œuvre originelle ?
Autre déclinaison, avec un certain succès : House of the Dragon. Trois ans après le final controversé de Game of Thrones, les fans de l’univers imaginé par George R.R. Martin sont retournés à Westeros en 2022, avec un préquel sur la famille Targaryen. Lancée en août, House of the Dragon avait rassemblé 9,86 millions de téléspectateurs lors du premier soir de diffusion. Soit le record pour HBO depuis le final de… Game of Thrones, et le meilleur démarrage de l’histoire pour une série de la chaîne. Score quasi-similaire pour le final diffusé en octobre (9,3 millions). Bien que mieux reçu que Les Anneaux de pouvoir, ce premier spin-off de Game of Thrones, car d’autres sont bel et bien prévus, s’en sort toutefois avec un bilan controversé.
Sans dépasser son modèle et avec quelques polémiques à la clé, il semble d’ores et déjà acté qu’House of the Dragon ne sera jamais le phénomène qu’a été Game of Thrones. Parce que le phénomène de surprise est déjà passé ? Car il sera désormais plus difficile de faire plus choquant que l’épisode des Noces Pourpres (saison 3, épisode 9) ?
Ce qui est certain, c’est que, dans un monde où les plateformes et les chaînes n’hésitent pas à miser plusieurs millions de dollars sur des shows, une production telle qu’House of the Dragon n’est plus qu’un buzz temporaire. À l’opposé de la série mère qui a écrasé toute concurrence pendant près de 10 ans. Tout comme Harry Potter et Le Seigneur des Anneaux finalement, qui font aujourd’hui partie de ces classiques jugés indétrônables aux yeux des fans.