À l’occasion de l’ouverture prochaine de la saison des festivals, focus sur les rassemblements musicaux français incontournables et leurs rouages.
La pluralité rend complexe la possibilité d’une analyse exhaustive : entre la diversité de genres (électro, rock, métal, EDM), de lieu (patrimonial, place publique, espace urbain ou rural), de budget, de fréquentation et de statut (privé, associatif, aides publiques), de nombreux paramètres entrent en compte pour comparer les festivals de musique français.
Les festivals de musiques actuelles tels que We Love Green, Solidays, Lollapalooza, les Francolfolies, les Vieilles Charrues, le Delta, Le Fnac Live Paris, et bien d’autres, représentent aujourd’hui en France la moitié des manifestations répertoriées (1 709 sur 3 135).
Une diversité de genres bénéfique pour les territoires
Si une part importante des festivals (littérature, cinéma, musique classique) se déroule en ville ou dans des espaces mixtes, les festivals de musique font exception : ils se tiennent le plus souvent dans des espaces ruraux et supposent l’aménagement des champs. Une aubaine pour les territoires où le tourisme n’est guère florissant.
Les festivals peuvent alors devenir un enjeu de politique publique : selon l’Inspection générale des finances, ils génèrent des revenus pour les collectivités, font vivre chaque année 150 000 festivaliers en moyenne, et participent au capital culturel du territoire dans lequel ils s’inscrivent, en dynamisant les villes. Raison pour laquelle certains bénéficient de généreuses subventions de la part des collectivités, à différentes échelles (nationale, régionale, communale). C’est le cas des Vieilles Charrues, qui a permis de revaloriser le centre Bretagne et de concurrencer les festivals de voile côtiers, ainsi que des Francofolies, ou du Printemps de Bourges, qui, pour 600 000 euros investis par la ville, rapporte 11 millions de revenus au territoire.
Une pluralité de modèles
La diversité des festivals tient également à la pluralité de leurs modèles économiques et de leurs statuts. En haut du classement des plus grosses manifestations, les festivals indépendants et associatifs survivent, mais sont rares : on compte parmi eux le festival Solidays, associatif et caritatif, Les Vieilles Charrues et le Hellfest – qui a pour particularité de ne pas être un festival de musiques actuelles, mais un événement dédié au métal et au hard rock, et qui accueillera cette année Kiss, Mötley Crüe, ou encore Slipknot.
Ce statut associatif leur permet de travailler avec des bénévoles, maillons indispensables de leur chaîne. Boris Vedel, directeur du Printemps de Bourges, note cette particularité du marché français, liée aux types de structures qui le composent : « Il y a une spécificité au marché français, c’est qu’on a tout de même un tissu d’artisans et d’associations qui ont un soutien de l’État. En Angleterre, vous pouvez faire un festival, petit ou gros, vous n’avez pas d’aide. C’est un choix de développement économique et culturel de la France, qui je pense est une chance. Et même dans nos structures, il y a beaucoup de petites boîtes en France, type PME, qui produisent du spectacle ; ce n’est pas forcément le cas ailleurs. »
De l’autre côté du fleuve, on trouve les festivals privés ou soutenus par des investisseurs : Garorock, possédé par Vinvendi, dont Vincent Bolloré est l’actionnaire majoritaire, Main Square, le Download, Lollapalooza, qui appartiennent à Live Nation, les Francofolies de La Rochelle et le Printemps de Bourges, qui s’intègrent dorénavant au groupe audiovisuel C2G, filière de Morgane Production, ou encore Rock en Seine, racheté en 2017 par Mathieu Pigasse. Les festivals privés ne sont pour autant pas forcément ceux au plus gros budget : le premier festival à l’organisation la plus coûteuse est par exemple le Hellfest, avec un budget de 55 millions d’euros, contre 14 millions en 2022 pour Rock en Seine, ou trois millions pour Garorock.
Un équilibre financier de plus en plus périlleux
Dans les reproches les plus fréquents faits aux festivals, il y a cette problématique de la répétition des têtes d’affiches. La raison principale de cette répétition des artistes français, est qu’il est difficile d’avoir des têtes d’affiches internationales en France, puisqu’elles demandent des cachets de plus en plus élevés, inaccessibles pour la plupart des festivals.
« Lorsque le marché du disque s’est écroulé, les artistes se sont tournés vers l’économie du live. Pour restaurer leurs revenus, ils ont commencé à augmenter les cachets et à organiser des tournées d’Arena, ce qui n’existait pas il y a dix ans. »
Boris Vedel
Selon Boris Vedel, cette mutation du marché, qui a commencé chez les anglo-saxon et s’est propagée en France, s’opère depuis une dizaine d’années : « Lorsque le marché du disque s’est écroulé, les artistes se sont tournés vers l’économie du live. Pour restaurer leurs revenus, ils ont commencé à augmenter les cachets et à organiser des tournées d’Arena, ce qui n’existait pas il y a dix ans. Il y avait tout au plus quelques Zenith. Aujourd’hui, un artiste qui peut accueillir 5 000 à 10 000 personnes va générer plus de recettes que s’il faisait un festival, donc il n’a le temps que de faire les deux ou trois festivals français les plus offrants, avant de partir pour sa tournée mondiale en Europe de l’Est, où il y a de nouveaux marchés émergents, avec des partenariats privés. Les artistes internationaux échappent donc aux festivals français, et l’on doit se “contenter” de têtes d’affiche françaises. »
On peut noter l’inégalité des festivals face à ce problème, certains d’entre-eux appartenant à des groupes puissants, aux structures complémentaires (salles de concert, diffusion, production) et présents dans différents pays. Marie Sabot, directrice de We Love Green, explique néanmoins que malgré son aspect répétitif, la programmation de stars françaises a du bon, puisqu’elle permet une mixité des publics : ils attirent notamment la jeunesse, qui se mêlera aux autres tranches d’âge, venues pour des concerts différents.
Nouvelle difficulté à ajouter à la carte depuis la crise du Covid, et qui complique encore l’équation : la crise inflationniste (entre 10 et 15 % d’inflation pour les artistes, salaires et le matériel), pour laquelle, cette fois, il n’y a pas eu d’aides de l’État pour compenser les pertes. De façon plus générale, Marie Sabot nous confie aussi : « Aujourd’hui, j’ai l’impression qu’il y a de plus en plus de marges qui sont faites par les prestataires extérieurs, qui ne sont pas légitimes dans le milieu de la culture. C’est devenu un milieu qui doit devenir conforme aux autres milieux de l’industrie, en termes de performance, de bénéfices. J’ai la sensation que c’est le modèle vers lequel va le marché. » Un équilibre précaire donc, à la fois pour les petits festivals et pour ceux à plus grand budget, qui, perdant des millions s’ils ne rentrent pas dans leurs frais, sont condamnés à disparaître.
Quelques festivals pépites originaux pour élargir ses horizons
Pour varier les plaisirs et faire honneur à cette multiplicité des festivals français, voici une liste, non exhaustive, de quelques pépites estivales, regroupées en trois catégories. Envie d’un festival les pieds dans l’eau ? Les options ne manquent pas. Pour une ambiance ensoleillée qui sent bon les vacances, trois festivals d’exception : La Crème Festival, du 16 au 18 juin à Villefranche-sur-Mer, le célèbre Calvi on the Rock, du 30 juin au 3 juillet 2023, ou Les Plages électroniques, du 4 au 6 août, orteils dans le sable sur une plage de Cannes. Si vous êtes plutôt pieds dans l’herbe ou cadre champêtre, rendez-vous au festival du parc de Beauregard, du 5 au 9 juillet 2023, en plein cœur de la Normandie.
Également enchanteur, le Festival Yeah, du 3 au 4 juin, dans les hauteurs de Lourmarin, avec sa vue imprenable sur le château. Enfin, pour les franciliens aux envies de vert, le Peacock Society, du 8 au 9 juillet 2023, dans le parc de Choisy en région parisienne. Et pour une ambiance électrique autour de sons électroniques (EDM, House Music, techno, Bass Music, trance), pourquoi ne pas découvrir le festival Boww, le 28 mai, qui prend place dans le plus grand parc aquatique de France, près d’Avignon ? Ou le festival Madame Loyal à l’ambiance circassienne, qui déménage de Paris à Bordeaux le 17 juin prochain. Et enfin, le Canopus, tout nouveau festival House, qui tiendra sa première édition du 16 au 18 juin 2023.