Présent à Cannes tout au long de la semaine, L’Éclaireur vous fait vivre les coulisses de ce Festival exceptionnel. Conférences de presse, masterclass, projections… Voici les temps forts de cette deuxième journée.
8 heures. Il suffit de se promener sur la Croisette pour réaliser que Cannes est une ville qui ne dort jamais en temps de Festival. Cinq heures plus tôt, la musique des Rolling Stones résonnait dans les rues, les rooftops étaient pleins à craquer, et quelques courageux s’aventuraient sur la plage. Ces derniers ont désormais laissé leur place aux petites mains qui préparent déjà la prochaine soirée, et aux cinéphiles venus profiter de la première projection de la journée.
Le Procès Goldman et les joutes verbales de Cédric Kahn
La nôtre a démarré avec Le Procès Goldman, film d’ouverture de la Quinzaine des Cinéastes. Réalisé par Cédric Kahn (La Prière, Fête de famille), il raconte le (vrai) procès de Pierre Goldman (demi-frère de Jean-Jacques Goldman) qui s’est déroulé dans les années 1970. Le militant d’extrême gauche était poursuivi pour avoir commis quatre braquages à main armée, dont un ayant entraîné la mort de deux pharmaciennes. S’il admet volontiers être l’auteur des premiers délits, il clame cependant son innocence concernant la dernière accusation.
Incarné par Arieh Worthalter (Serre-moi fort), ce personnage est aussi fascinant qu’intrigant. Ce huis clos nous offre des performances impressionnantes et des dialogues percutants. On est tour à tour amusé, révolté et captivé par cette affaire complexe. Le film parvient à nous embarquer dans son histoire, et nous surprend jusqu’à la dernière seconde.
Jeanne du Barry et les bouffons du roi
12 heures. Direction la conférence de presse de Jeanne du Barry, avec l’équipe du film qui a ouvert cette 76e édition du Festival de Cannes. Sans surprise, l’événement est très attendu et les places partent vite. Il faut arriver au moins deux heures en avance pour espérer se glisser dans la salle. La première partie se fait avec Maïwenn, Pascal Gregory, Pierre Richard, Benjamin Laverhne, Diego Le Fur, India Hair et Suzanne de Baecque. Johnny Depp se fait attendre, et arrive 20 minutes plus tard, interrompant les questions-réponses.
Interrogée sur son choix d’un acteur américain pour incarner Louis XV, la réalisatrice a révélé qu’elle avait dans un premier temps proposé ce rôle à des comédiens français, mais qu’elle avait finalement décidé d’être « loyale à son désir » de jouer avec Johnny Depp. « Je voulais vibrer pour le partenaire qui allait m’accompagner durant le tournage. Je savais que j’allais jouer dans mon film et que j’allais l’embrasser. Je préférais un acteur sexy. » Elle a aussi souligné le fait qu’il connaissait déjà parfaitement l’histoire de France et que leur première rencontre avait été un coup de foudre.
Interpellée sur les polémiques qu’a suscité le film (et surtout son acteur principal), elle a répondu qu’elle ne lisait pas ce qui se disait dans la presse « pour [s]e protéger ». « Ce n’est pas mon premier Festival, je sais comment ça marche. Il se dit forcément des choses négatives sur mon œuvre, mais c’est le jeu de Cannes ».
Malgré la présence du casting, seuls Maïwenn et Johnny Depp ont été sollicités par les journalistes dans la salle. L’acteur américain a confié qu’il était « surpris d’avoir obtenu ce rôle » et qu’au début, il pensait que « c’était une erreur ». « Je me suis dit que c’était un acte de courage de la part de Maïwenn de proposer le rôle de Louis XV à quelqu’un qui vient du fin fond du Kentucky. » Les conséquences du procès de l’acteur, qui a marqué la scène médiatique l’année dernière, étaient l’objet de nombreuses questions.
Cependant, il a annoncé ne pas avoir l’impression d’être boycotté par Hollywood, car il « n’y pense pas et [s]’en fout », et que l’on pouvait « croire ce que [l’on veut], car la vérité est la vérité ». Concernant sa venue controversée au Festival, il a déclaré : « Qu’est-ce que je vais faire si des gens ne veulent pas que je vienne ? Et s’ils ne m’autorisaient pas à être ici, ou à McDo, pour quelque raison que ce soit ? Qui sont ces personnes ? Pourquoi ça les intéresse ? » Bref, Sa Majesté Depp a diverti sa cour et ignoré les faits qui lui étaient reprochés.
Festival de talents avec Michael Douglas, Monster et Le Règne animal
14h30. Michael Douglas s’est vu remettre une Palme d’or d’honneur à l’occasion de la cérémonie d’ouverture. À travers une carrière de plus de 50 ans, l’acteur américain s’est illustré dans une variété de rôles. De sex-symbol sulfureux à trader de Wall Street, en passant par le célèbre pianiste Liberace, cette 76e édition a voulu mettre en lumière son travail et sa capacité à se réinventer au fil des décennies. La superstar hollywoodienne est par ailleurs revenue sur cette soif inextinguible de cinéma et sa curiosité dévorante à l’occasion d’une masterclass exceptionnelle à laquelle L’Éclaireur a eu la chance d’assister.
19 heures. Ce soir, la montée des marches s’est poursuivie avec deux séances. Dans le Grand Théâtre Lumière, le film japonais Monster d’Hirokazu Kore-eda (Une affaire de famille) nous a touchés avec sa sensibilité, le jeu exceptionnel des jeunes acteurs et sa capacité à traiter des sujets essentiels avec beaucoup de subtilité. Il aborde notamment la maltraitance infantile, le harcèlement scolaire, mais aussi une dernière thématique tout aussi importante qu’on ne peut vous dévoiler par souci de spoiler.
Dans le Théâtre Debussy, Le Règne animal de Thomas Cailley (Les Combattants) a ouvert le bal de la catégorie Un Certain Regard. L’équipe du film, dont Paul Kircher (qui est notre révélation de la semaine), Adèle Exarchopoulos (Rien à foutre) et Romain Duris (Les Trois Mousquetaires) étaient présents pour l’occasion et ont été salués par une standing ovation de plusieurs minutes à la fin de la projection. Une reconnaissance plus que méritée pour cette œuvre étonnante et brillante. Après cette journée forte en émotions et en talent, on ne peut qu’être impatients de découvrir ce que demain nous réserve.