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Wim Wenders : pour le meilleur et pour le pire

15 mai 2023
Par Alexia De Mari
Wim Wenders par Sebastiao Salgado.
Wim Wenders par Sebastiao Salgado. ©Sebastião Salgado/Amazonas images

Grand habitué du Festival de Cannes, Wim Wenders sera à nouveau sur la Croisette cette année, présentant non pas un, mais deux nouveaux films : le documentaire Anselm en séance spéciale et Perfect Days film de fiction en compétition. L’occasion de revenir sur une partie de la filmographie de ce prolifique cinéaste.

1 Paris, Texas, Palme d’or à Cannes en 1984

Paris, Texas est sans doute l’œuvre la plus emblématique du cinéaste allemand et également la plus accessible. Traitant du thème de la famille – comme c’est régulièrement le cas dans sa filmographie – le film débute comme un road movie lent et contemplatif. Avec une impression de déconcertante simplicité, le réalisateur pose sa caméra et réalise l’exploit de transformer chaque scène en un tableau parfaitement maîtrisé. La photographie de Robby Müller transcende chaque séquence par l’utilisation de couleurs vibrantes avec une grande habileté.

Bande-annonce de Paris, Texas.

Travis (Harry Dean Stanson) part à la recherche de la mère de son fils Hunter : Jane (Nastassja Kinski). L’émotion gagne peu à peu le spectateur et culmine au moment où Travis retrouve son ex-compagne. Ces séquences comptent toujours aujourd’hui parmi les plus belles scènes de toute l’histoire du cinéma.

2 Alice dans les villes, 1977

Réalisé au début de sa carrière, Alice dans les villes est le quatrième long-métrage de Wim Wenders – qu’il considère être son premier en tant qu’auteur, car il ne s’agit pas d’une adaptation. Philip, journaliste allemand en manque d’inspiration, est bloqué dans un aéroport où il rencontre une femme (Lisa) qui lui confie sa fille Alice. Il est convenu que Philip accompagnera la fillette à Amsterdam et que Lisa les y rejoindra plus tard, mais la mère d’Alice ne se rendra pas au rendez-vous. La caméra 16 mm saisit des images à la manière d’un photographe.

Alice dans la ville. ©Wim Wenders Stiftung 2014

La mélancolie qui se dégage tient autant aux images en noir et blanc qu’à la musique de Can. On assiste avec tendresse à l’évolution de la relation qui devient presque filiale entre Philip et Alice, magistralement interprétés par Rüdiger Vogler et la jeune Yella Rottländer. À travers cette œuvre, Wim Wenders filme l’errance, la recherche d’inspiration et la douce contemplation.

3 Les Ailes du désir, 1987

Prix de la mise en scène au Festival de Cannes en 1987, Les Ailes du désir est considéré comme l’un des plus grands chefs-d’œuvre de Wim Wenders. Nous observons des anges gardiens veiller sur l’humanité. L’un d’eux, Damiel, tombe amoureux d’une trapéziste… Mêlant habilement couleur et noir et blanc, images d’archive et images de fiction, Wim Wenders et son directeur de la photographie, Henri Alekan, montrent que Berlin porte encore les stigmates de la guerre. Deux ans avant la chute du mur, Wenders dresse un portrait de l’Allemagne de son époque avec humanisme et un certain optimisme malgré la situation politique. Le réalisateur livre, avec humilité et une certaine étrangeté, une ode à l’humanité.

Bande-annonce des Ailes du désir.

4 Buena vista social Club, 1999

Nous plongeons au cœur de la musique cubaine à travers le film documentaire Buena vista social Club. Ce long-métrage est tourné en caméra à l’épaule, et Wenders nous fait découvrir l’histoire de ce collectif de musiciens dont le film porte le nom. Parcourant La Havane au rythme des musiques latines, le réalisateur délaisse la situation politique tendue de Cuba pour se focaliser sur les musiciens. On se laisse transporter avec joie par les concerts et happer par les témoignages des différents protagonistes.

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5 L’Ami américain, 1977

Peut-être faut-il être un amateur du rythme lent du cinéma de Wim Wenders pour apprécier L’Ami américain. Le scénario est adapté de deux livres de l’autrice Patricia Highsmith : Ripley s’amuse et Ripley et les ombres. Ce film noir et mystérieux retrace le parcours de Jonathan Zimmermann, propriétaire d’un atelier d’encadrement de tableaux, qui, atteint d’une leucémie, se sait condamné. Jonathan accepte de tuer un inconnu contre une importante somme d’argent.

Dans cette œuvre, elle aussi présentée au Festival de Cannes en 1977, on retrouve un des thèmes chers à Wenders : l’errance. Entre cinéma américain et européen – les scènes sont tournées en Allemagne, en France et à New York —, ce film introspectif symbolise le renouveau du cinéma allemand des années 1970.

Bande-annonce de L’ami américain.

6 Le Sel de la terre, 2014

Le Sel de la terre est un documentaire sur la vie et le travail du photographe brésilien Sebastião Salgado que Wim Wenders co-réalise avec le fils du photographe, Juliano Ribeiro Salgado. Le film obtiendra le prix Un certain regard du Festival de Cannes en 2014. Réalisé en français (tous trois sont francophones), il nous emmène à la découverte du parcours de ce photographe légendaire.

Wim Wenders et Sebastião Salgado dans le documentaire Le Sel de la Terre. ©Donata Wenders / NFP*

Une fois de plus, Wim Wenders mélange prises de vues en couleur et en noir et blanc, reprenant l’esthétique des photographies de Salgado. La beauté des photographies se mêle aux plans léchés des réalisateurs. Ce film permet de découvrir le travail de Salgado, mais surtout ses engagements humanistes et écologistes. La proximité entre Wenders et Salgado pose cependant la question de l’objectivité dans le traitement du sujet : au spectateur de se faire son propre avis !

7 Tokyo-Ga, 1985

Bien que Tokyo-Ga (1985) soit un documentaire qui s’intéresse principalement au réalisateur japonais Yasujiro Ozu, ce film instruit autant sur Ozu que sur le processus de création des œuvres de Wenders. Dans ce film, moins médiatisé que les précédents, la voix off du réalisateur nous entraîne dans ses pensées.

Bande-annonce de Tokyo-ga

Le film s’égare au gré des rencontres de Wim Wenders : analyse des passants, rencontre avec Chris Marker, visite d’atelier de Sampuru (répliques réalistes de nourriture exposées dans les vitrines des restaurants). Nous suivons, en caméra subjective, le réalisateur allemand qui se promène dans les rues de Tokyo. Réalisé à la manière d’un journal filmé, cette œuvre est plus un témoignage de l’admiration que porte Wenders sur Ozu que sur Ozu lui-même.

8 Les beaux jours d’Aranjuez, 2016

Le plan d’ouverture des Beaux jours d’Aranjuez est empli d’une douce nostalgie, portée par la musique de Lou Reed, Perfect day, et les images d’un Paris ensoleillé et désert. La caméra laisse ensuite découvrir le jardin bucolique d’une maison bourgeoise. Dans une pièce dont les fenêtres et la porte sont grandes ouvertes, un écrivain tape à la machine le dialogue entre un homme et une femme.

Bande-annonce des Beaux jours d’Aranjuez.

Ces derniers apparaissent devant lui, sous la pergola du jardin. Malheureusement, malgré la qualité des acteurs (le couple est interprété par Reda Kateb et Sophie Semin), et le choix assumé de la simplicité formelle de la mise en scène, le film peine à convaincre sur la durée. Le dialogue quasi-ininterrompu entre le couple rend ce long-métrage parfois trop bavard, au risque de perdre l’attention du spectateur…

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Article rédigé par
Alexia De Mari
Alexia De Mari
Journaliste