Fleur Geffrier : “Il y avait une sorte de magie sur le tournage des Gouttes de Dieu”

La série est adaptée du manga culte Les Gouttes de Dieu. L’aviez-vous déjà lu avant cette expérience avec Apple TV+ ?

Non, je ne le connaissais pas du tout. Quand j’étais ado, je regardais beaucoup d’animes, mais je ne lisais pas vraiment de mangas – contrairement à mes frères qui dévoraient des œuvres comme L’Attaque des Titans. Quand j’ai su qu’il existait un manga sur le vin, j’ai halluciné et je l’ai trouvé génial.

C’est très drôle, car il y a tous les codes du genre. Par exemple, les personnages crient : “Oh mon Dieu, il décante si bien le vin, je n’ai jamais vu ça !” avec des gros cœurs dans les yeux. C’est aussi très didactique. Les novices apprennent plein de choses sur l’œnologie, et les passionnés retrouvent des références pointues.

Vous connaissiez donc l’univers du manga. Quels animes ont marqué votre adolescence ?

Sans surprise, je regardais le Club Dorothée quand j’étais petite. Je suivais des séries telles que Sailor Moon, Nicky Larson, Cat’s Eyes… En grandissant, je me suis tournée vers des longs-métrages comme Ghost in the Shell, j’ai vu tous les films d’Hayao Miyazaki et ceux du Studio Ghibli. Je me suis aussi intéressée aux classiques comme One Piece, Naruto, Death Note… Plein d’animes vraiment chanmés !

Dans la série, votre personnage est la fille d’un grand œnologue. À sa mort, elle doit se lancer dans un concours d’œnologie pour toucher son héritage. Vous êtes-vous retrouvée en Camille ?

Quand j’ai lu le scénario, je me suis dit qu’elle me ressemblait énormément. Je me retrouvais tellement en elle. Je n’avais pas encore passé le casting et je me disais : “Calme-toi, tu ne vas jamais avoir ce rôle !”, mais je me projetais beaucoup dans ce personnage. La série réunissait tous mes rêves et mes passions : le voyage au Japon, le manga et le vin. Je voyais aussi un petit parallèle avec mon père, qui est cuisinier.

Je ressemble beaucoup à Camille et c’était facile de l’incarner. On a un caractère similaire, et je n’ai pas vraiment créé un nouveau personnage pour elle. Je suis restée proche de ce que je suis et ça a plu au réalisateur. Quand il m’a rencontrée, il a dit : “C’est Camille”. J’étais au bon endroit au bon moment, finalement.

C’est la première fois que vous vous rendiez au Japon ?

Oui, j’ai adoré ! C’était mon rêve et je n’ai pas été déçue. C’est exactement comme je l’imaginais. Quand je suis arrivée à Tokyo, j’avais l’impression de vivre dans tous les mangas et les animes que j’avais dévorés. J’ai aussi réalisé qu’il y avait de nombreux liens entre la France et le Japon, notamment la cuisine, la tradition, l’histoire et le respect du terroir. Je n’ai qu’une hâte, c’est d’y retourner !

La petite Camille associe les goûts et les odeurs à des images mentales très fortes. Quand son père lui fait goûter de la poire, elle s’imagine dans une forêt, à sentir et goûter toutes sortes de plantes. Avez-vous ce même rapport, très sensoriel, avec la nourriture ?

Depuis le confinement, je m’amuse à faire des plats plus élaborés. J’adore aller dans des restaurants très particuliers et tester de nouvelles choses – même si le prix élevé m’empêche de le faire régulièrement. Je pense que la magie des voyages réside aussi dans le fait de découvrir de nouveaux goûts et des odeurs qu’on ne connaît pas.

C’est intéressant de voir ce que ça provoque chez nous. C’est comme quand on goûte un très bon vin pour la première fois : on ne sait pas pourquoi, mais on est touché et on s’en souvient toute notre vie.

Le père de Camille associe justement les vins à des moments très précis de sa vie. Avez-vous ce même rapport avec la mémoire ?

Je l’ai surtout avec les odeurs. Elles me provoquent des réminiscences de souvenirs très fortes. En revanche, je cuisine intentionnellement certains plats, car ils me rappellent mon père, mon enfance, ma grand-mère… J’ai envie de retrouver ce goût de quand j’étais petite.

Après, je dois avouer que j’aime manger de tout, de la junk food à la grande restauration, mais il n’y a qu’une règle : ça doit être bien fait, et avec le respect du produit. La cuisine est un art. On mange d’abord avec les yeux, puis avec la bouche. Ça me ferait trop de peine de perdre un de mes sens.

Quelle perte serait la pire ? Celle du goût ou de l’odorat ?

L’odorat, car c’est lié au goût. Si je perds l’un, je perds l’autre. Le Covid a été très difficile, j’avais perdu ces deux sens durant deux semaines. Je sentais le sucré, le salé, le côté amer ou acide, mais tout avait le même goût et c’était trop triste. Mettre le nez dans les fraises et ne pas sentir leur odeur, c’est vraiment nul.

Alors, on garde tous nos sens ! Et justement, la série tourne autour du vin. Comment avez-vous préparé le rôle ? L’œnologie demande des rituels et des gestes bien précis.

On a été formé par le sommelier Sébastien Pradal dans son restaurant, La Petite Régalade. Il nous a fait sentir des vins à 9 heures du matin, il nous a appris à bien ouvrir une bouteille, comment tenir un verre (toujours par le pied et pas par le ballon pour ne pas réchauffer le liquide), comment goûter le produit…

Je ne vais pas vous mentir, ces deux heures ne m’ont pas permis d’apprendre à distinguer la composition de chaque cépage. En revanche, je me sens beaucoup plus à l’aise pour goûter un vin dans un restaurant ! Je ne me sentais absolument pas légitime avant cette formation.

La vraie difficulté, c’est que la série est très sensorielle mais les spectateurs sont privés de goût et d’odorat face à leur écran. Comment parvenez-vous à leur partager tout ce qu’ils ne peuvent pas ressentir ?

On devrait imaginer un futur où on pourrait diffuser des odeurs dans les salles de cinéma… Mais seulement les meilleures, car ça pourrait être dangereux ! Cette révolution n’ayant toujours pas eu lieu, j’ai dû beaucoup décrire ce que je sentais pour faire vivre toutes ces sensations aux spectateurs. La clé, c’est aussi de prendre son temps, d’utiliser un timbre de voix différent, d’être doux… Et surtout de s’interroger sur ce que cette odeur nous fait ressentir. Je me demandais si je l’aimais, si elle me rappelait un souvenir…

Cette série est internationale, avec notamment la présence de la superstar japonaise Tomohisa Yamashita. Comment avez-vous vécu cette expérience ? Ces différences de langues sur le plateau et en coulisses ont-elles provoqué une certaine distance entre vous ?

Ça s’est très bien passé. Quasiment tout le monde était anglophone, donc c’était très fluide sur le tournage. La maquilleuse était la seule à ne pas être très à l’aise avec cette langue, donc je lui traduisais nos échanges et ça donnait lieu à des situations très cocasses et très drôles. On riait beaucoup sur le plateau. On s’entraidait, on baragouinait, et ça fonctionnait. J’ai adoré cette expérience internationale. Je l’ai trouvée très enrichissante.

Les Français étaient clairement les plus bordéliques, mais ce mélange de culture était génial. Pour être honnête, c’est l’un de mes plus beaux tournages. Ça a été la réalisation de plein de rêves : un premier rôle, jouer en anglais et en japonais, aller au Japon, parler de vin, rencontrer un super réalisateur, travailler avec une équipe géniale… Je me suis sentie complètement libre et portée par les autres. Il y avait une sorte de magie sur le plateau.

Quand j’ai rencontré Tomo, on a dû s’apprivoiser. C’est une personne calme et pudique. Je voulais créer un lien, mais sans l’oppresser. On s’est rapproché petit à petit, et aujourd’hui, on est amis. J’ai adoré travailler avec lui. Il est très généreux, très sympa, et il était très heureux de tourner avec nous. On est ravis de l’avoir rencontré, et c’est un énorme bosseur.

C’est l’impression qu’il donnait durant son passage à Series Mania !

Il a fait l’aller-retour en trois jours depuis Tokyo pour cet événement ! Il a enchainé 16 heures de vol, il a subi le décalage horaire, mais sa prestation était ultra-carrée. Il ne se plaint jamais. C’est une machine de guerre, et il gère. Il arrive à tenir des horaires de fou tout en préservant sa santé mentale… C’est une sacrée vie.

Maintenant que vous avez joué dans une adaptation de manga, quelle œuvre ou personnage aimeriez-vous incarner ?

J’adorerais faire Nami dans One Piece, un personnage de Perfect Blue ou de Nana. En revanche, la société a beaucoup évolué depuis la sortie de tous ces mangas et il faudrait faire un vrai travail d’adaptation. J’adorerais travailler sur un live-action de Miyazaki, mais ça ne se fera jamais ! Ce sont des œuvres intouchables. En fait, je pense que je me verrai plus dans une adaptation de jeu vidéo.

Vous jouez aux jeux vidéo ?

Oui, je suis une gameuse et je joue beaucoup avec ma meilleure pote, Camille Razat (Emily in Paris). En ce moment, je suis sur Horizon, Assassin’s Creed et World of Warcraft, j’ai presque terminé Hogwarts Legacy et j’ai vraiment hâte que le nouveau Zelda sorte ! Mais si je devais incarner un personnage de ces univers, je pense que je choisirais Aloy, car elle est très stylée.

Après, j’aimerais beaucoup interpréter des personnages historiques comme Jeanne D’Arc ou des figures féminines très fortes. Je rêverais aussi qu’on adapte le roman fantastique La Citadelle des Ombres, car il y a de tout : de la magie, des dragons, des zombies… Sinon, un personnage d’Harry Potter, ou un nouveau Tolkien. Je pense que je ferais un bon elfe !

Il faut dire que les adaptations d’heroic fantasy cartonnent et se multiplient. Comment voyez-vous ce phénomène ? Ne faites-vous pas une overdose de ce type de production ?

Si, un peu. Quand j’ai vu la bande-annonce de Donjons & Dragons, ça m’a un peu refroidie et je me suis dit : “Toujours plus d’effets spéciaux, d’explosions, de couleurs et de bêtes fantastiques”. Il y a un moment où c’est trop et on se lasse. À l’inverse, Game of Thrones est particulièrement intéressant, car on voit très peu les Marcheurs blancs. Ces personnages font partie de l’univers, mais on s’intéresse surtout aux rapports entre les différentes familles.

Il y a aussi de très bonnes séries d’anticipation comme Severance et The Handmaid’s Tale, qui sont vraiment bien écrites. Aujourd’hui, les belles images ne suffisent plus ; il faut aussi proposer de bons scénarios.

La série Les Gouttes de Dieu est disponible sur Apple TV+ ou sur MyCanal, et dès ce 27 mai sur France 2.