Critique

Hogwarts Legacy : l’héritage de Poudlard : la magie du monde des sorciers peut-elle tenir dans un jeu vidéo ?

09 février 2023
Par Valérie Précigout (Romendil)
“Hogwarts Legacy : l'héritage de Poudlard” a créé l'événement cette année.
“Hogwarts Legacy : l'héritage de Poudlard” a créé l'événement cette année. ©Avalanche Software/Warner Bros. Games

Il n’y a pas si longtemps, lorsque les adaptations de la saga Harry Potter étaient légion, elles étaient accueillies gentiment (comprendre : avec une relative indifférence) par la communauté des joueurs. Aujourd’hui, la sortie du jeu Hogwarts Legacy : l’héritage de Poudlard constitue l’un des événements majeurs de 2023. Mais le jeu est-il fidèle à l’œuvre, au point d’envouter les Potterheads ?

C’est un fait : le lancement du jeu Hogwarts Legacy est un tel événement qu’il éclipserait presque la sortie du prochain Zelda. Attendu avec une grande fébrilité par les fans de la franchise Harry Potter, le titre s’adresse en réalité à tout le monde et occupe l’espace médiatique depuis de très nombreux mois. Car les choses ont bien changé depuis la sortie du premier roman signé J.K. Rowling en 1997.

Si l’autrice britannique n’a plus la faveur des adeptes du « Wizarding World » à cause de ses propos polémiques sur l’identité de genre, le monde des sorciers n’a, semble-t-il, plus besoin de sa créatrice pour exister. C’est, du moins, ce que semble nous dire le jeu vidéo Hogwarts Legacy : l’héritage de Poudlard, qui mise sur une très grande inclusivité pour nous décrire l’école des sorciers à une époque passée (fin du XIXe siècle), bien avant le combat entre Harry et Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom ».

©Avalanche Software / Warner Bros. Games

Non seulement l’avatar que l’on crée pour nous représenter dans le jeu n’a pour seule limite que notre imagination, mais c’est surtout l’ensemble des personnages habitant le titre qui frappent par leur ressemblance avec les individus que l’on peut croiser dans le monde réel. Des élèves aux professeurs, tous nous rappellent que la diversité sous toutes ses formes est un élément clé de notre richesse culturelle.

Les visages frappent par leur réalisme, là où tant de jeux vidéo se bornent à nous éloigner de notre réalité. Tout se passe comme si le soft nous envoyait le message suivant : « Nous savons que la magie ne se voit pas sur votre visage, mais qu’elle est en vous, alors acceptez cette invitation à Poudlard et devenez, le temps de quelques heures, un simple élève de l’école de sorcellerie pour vivre votre propre histoire dans un jeu qui ne nécessite aucun prérequis. »

Poudlard pousse les portes du monde ouvert

Même s’il affiche la promesse d’un monde ouvert truffé de références à la saga Harry Potter, Hogwarts Legacy ne ferme pas ses portes aux néophytes. Vous n’avez pas grandi avec les bouquins sur votre table de chevet et avez vu les films seulement en dilettante ? Aucun problème, le jeu n’impose aucune connaissance préalable pour être savouré. Vous passerez certes à côté d’un nombre incalculable de clins d’œil au Wizarding World, mais vous ne vous sentirez jamais perdu.

©Avalanche Software / Warner Bros. Games

Quant à ceux qui craignaient la fragilité d’un monde ouvert bas de gamme sans personnalité, ils risquent d’être surpris par la teneur de cet univers très solide, qui grouille d’activités insolites. Car même si sa superficie est moins vaste que celle des plus récents jeux en open world et qu’il emprunte de nombreuses mécaniques à ceux qui l’ont précédé, Hogwarts Legacy étonne par la multiplicité et l’efficacité des défis qu’il nous invite à relever.

Dès lors que s’ouvrent les portes de Poudlard, un monde d’une ampleur inédite dans la série nous est donné à explorer en toute liberté. Oubliez les premières adaptations de jeux Harry Potter à la linéarité évidente, lancées durant la première décennie des années 2000. La saga se modernise drastiquement et prend en compte le fait que les enfants qui ont grandi avec elle ont soif désormais de grandes épopées en monde ouvert.

©Avalanche Software / Warner Bros. Games

Une fois lancé dans le ciel de Hogwarts Legacy, à cheval sur votre balai magique et votre baguette de sorcier à la main, vous comprendrez vite que le jeu ne s’adresse plus à celui que vous étiez au début du phénomène Harry Potter, mais à celui que vous êtes devenu depuis. Et plus les heures défilent, plus on se laisse prendre au jeu de l’exploration vers l’inconnu dans des paysages magnifiques peuplés de créatures magiques, mais aussi de braconniers, de gobelins, de trolls, de mages noirs et d’araignées géantes.

L’art du compromis pour réunir tous les publics

Avec quatre niveaux de difficulté différents et des mécaniques de jeu assez classiques qui s’étoffent de manière très progressive, Hogwarts Legacy s’efforce de proposer un habile compromis manette en main. Pas question de décevoir les fins connaisseurs des titres en monde ouvert, mais pas question non plus de laisser à la traîne les joueurs les moins aguerris, y compris les fans de la saga peu rodés aux jeux vidéo.

Le titre se situe donc logiquement entre les deux, son approche ayant le mérite d’être accessible à tous sans afficher trop rapidement ses limites. Si l’on s’émerveille donc d’abord de la profusion de mystères que recèle l’école de sorcellerie de Poudlard, où les secrets pullulent, ce sont bien les environs extérieurs qui révèlent les véritables enjeux de cette adaptation à l’ambition assumée.

©Avalanche Software / Warner Bros. Games

Il faut dire qu’en se plaçant à une époque lointaine, bien antérieure à celle des livres et films, le jeu étend encore plus le champ des possibles en piochant dans l’ensemble du background de la franchise. Ainsi, rien n’est laissé au hasard et tout est fait pour susciter l’émerveillement des connaisseurs qui n’auront aucun doute sur le fait que les créateurs du jeu sont de véritables fans eux aussi.

Hogwarts Legacy : l’héritage de Poudlard est en effet un incroyable condensé de tout ce que le Wizarding World est parvenu à intégrer à notre imaginaire au fil des années, jusqu’aux animaux fantastiques que l’on est invité à recueillir dans un espace spécialement dédié de la salle sur demande ! Rien n’a été oublié, et sûrement pas les lieux les plus iconiques de la saga comme Pré-au-Lard et ses boutiques si prisées des sorciers, ou la Forêt interdite abritant les centaures.

©Avalanche Software / Warner Bros. Games

Dans l’enceinte de Poudlard, les personnages des tableaux s’animent en permanence, faisant vivre le grand escalier dont les marches se révèlent forcément un peu capricieuses. Sur l’ensemble des quêtes proposées (et les missions optionnelles sont légion), les références pleuvent : des elfes de maison au Polynectar, en passant par la Pensine ou les hippogriffes, pour ne citer que les plus évidentes.

En dresser la liste complète serait évidemment impossible tant l’univers semble avoir été décortiqué jusque dans ses moindres ramifications pour en retirer la substantifique moelle. Et s’il y a forcément quelques redites par rapport à ce que l’on trouve dans les livres ou les films, le fait que tous les personnages du jeu soient inédits permet d’atténuer le sentiment de déjà-vu.

Le pari de l’immersion au cœur de l’imaginaire

C’est d’ailleurs surtout pour sa dimension immersive que le jeu était si attendu, avec sa promesse de nous laisser vivre et écrire notre propre histoire dans le monde des sorciers. De la cérémonie de la répartition à l’exploration de Poudlard et de ses environs, le joueur n’est plus limité au seul point de vue de Harry et peut faire les choix qui le définissent, lui, et personne d’autre.

Ça n’aura pas vraiment d’incidence sur le dénouement, mais c’est vous seul qui décidez à quel point vous acceptez de succomber aux attraits de la magie noire en usant ou pas de ses sortilèges impardonnables pour étoffer votre éventail de techniques apprises durant les cours.

©Avalanche Software / Warner Bros. Games

Le jeu brille d’ailleurs par son rythme efficace, qui alterne très régulièrement entre les phases purement scolaires (suivi des cours, préparation de potions…) et les intrigues principales et secondaires qui nous entraînent dans les recoins les plus sinistres et reculés de l’univers du jeu. On ne s’attendait pas forcément à affronter autant de monstres et de gobelins dans les grottes et autres mines sournoisement peuplées, mais c’est pourtant bien là que le titre affiche ses pleines ambitions.

©Avalanche Software / Warner Bros. Games

Tout prend alors son sens : le sort Expelliarmus désarme les ennemis de leurs haches ou de leurs baguettes, Désillusion offre des approches plus furtives, Wingardium Leviosa aide à résoudre les énigmes en faisant léviter les objets, etc. Au total, plus de 20 sortilèges sont à prendre en considération à tout moment de la partie.

On apprécie vraiment de se retrouver aux commandes d’un personnage doté d’autant de capacités magiques qui ne sont pas seulement offensives ou défensives, ce qui n’empêche pas, malgré tout, une certaine redondance dans les confrontations. Les batailles ont aussi le mérite d’être intuitives en intégrant des actions contextuelles faciles à employer, les potions et créatures magiques (mandragores ou autres) n’étant jamais indispensables pour triompher.

Les attraits de la magie noire

En toile de fond, la trame narrative aborde assez intelligemment la question de l’alignement en tant que sorcier à une époque où la magie ancienne commençait déjà à gangrener le monde en dévoilant son versant le plus sombre.

Les quêtes s’assombrissent donc à mesure que l’on découvre les écrits de Salazar Serpentard qui encourageait la magie noire à ses débuts, lorsque ce type de sortilèges n’était pas encore qualifié d’impardonnable.

Le titre abrite même un passage totalement incroyable sur lequel nous ne dirons rien, sinon qu’il parlera là encore directement aux fins connaisseurs de la franchise en misant sur une direction artistique franchement étonnante.

©Avalanche Software / Warner Bros. Games

On pourra lui reprocher une durée de vie plus réduite que les jeux en monde ouvert les plus réputés auxquels il emprunte clairement bon nombre d’éléments, mais Hogwarts Legacy : l’héritage de Poudlard compense le déroulé un peu hâtif de sa trame principale par une profusion de quêtes annexes bienvenues et une exploration très poussée de ses extérieurs.

Il faudra rajouter des dizaines d’heures pour espérer compléter l’ensemble des défis du monde ouvert, proposés en marge de l’aventure principale, les trajets longue distance étant favorisés par la possibilité grisante de voler sur des balais magiques ou sur le dos de montures volantes prestigieuses.

En dire plus serait vous gâcher le plaisir de découvrir par vous-même ce que réserve une vie dans un monde où la magie ouvre des perspectives toujours plus étonnantes, alors nous nous arrêterons là ! Rendez-vous lundi 12 février pour notre test complet.

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