Décryptage

Jeux vidéo : les 10 sujets à surveiller en 2023

02 février 2023
Par Maxence Jacquier
Jeux vidéo : les 10 sujets à surveiller en 2023
©Alessandro Biascioli/Shutterstock

Le prochain Assassin’s Creed parviendra-t-il à sauver Ubisoft ? Les NFT et le métavers vont-ils s’imposer dans le gaming ? EA Sports FC remplacera-t-il FIFA dans le cœur des joueurs et des joueuses ? L’Éclaireur vous propose une sélection des grosses affaires du jeu vidéo à suivre en 2023.

L’année 2023 s’annonce riche en jeux. Le premier AAA, Forspoken, ne convainc pas forcément tout le monde, mais de grosses licences vont faire leur retour cette année ; Street Fighter, Zelda, Stalker, Diablo, Final Fantasy ou encore Assassin’s Creed espèrent notamment tirer leur épingle du jeu, tandis que Hogwarts Legacy ou encore Starfield devraient également trouver un large écho chez les joueurs et joueuses du monde entier.

Des remakes de jeux d’horreur (Dead Space, Resident Evil, Silent Hill), des jeux indépendants en pagaille, des annonces que l’on espère croustillantes : si le calendrier de sorties est déjà bien fourni, les 11 prochains mois devraient aussi apporter leur lot de réponses sur plusieurs sujets brûlants qui animent l’industrie. Voici notre analyse éclairée des tendances à suivre pour les mois à venir.

1 Microsoft veut Activision Blizzard King : l’argent peut-il tout acheter ?

Le feuilleton « gros-sous » de l’année 2022 sera aussi celui de l’année 2023 (et probablement de 2024…). Depuis l’annonce de son envie de faire main basse sur Activision Blizzard King le 18 janvier de l’année dernière, Microsoft a entamé un véritable parcours du combattant pour faire valider cette transaction à 68,7 milliards de dollars.

Sony est évidemment monté au créneau, de peur de perdre les centaines de millions rapportés par la licence Call of Duty chaque année. Mais le fabricant japonais n’est pas seul : la très sérieuse Federal Trade Commission, garde-fou du respect des règles de la concurrence aux États-Unis, a déjà émis ses réserves, tandis que l’Union européenne a diligenté une enquête.

©VDB Photos / Shutterstock

Le climat est loin d’être apaisé : Microsoft a récemment lancé une grande vague de licenciements, Activision Blizzard est toujours dans l’œil du cyclone pour sa culture d’entreprise problématique tandis que Google et NVidia ont eux aussi fait part de leurs craintes quant à ce rachat. Pas certain que la validation de l’opération par le Chili, le Brésil et l’Arabie Saoudite apporte suffisamment de baume au cœur du géant américain.

Ce dernier a encore beaucoup de pain sur la planche pour convaincre la planète que ce rapprochement de deux mastodontes de l’édition et la production de jeux vidéo va, comme l’entreprise le prétend, créer des opportunités pour l’ensemble du marché. Une partie importante de l’avenir du jeu vidéo qui semble se dessiner dans cette affaire, d’autant que d’autres rachats pourraient aussi égayer l’année, puisque certaines entreprises fortunées ont les dents longues.

2 Divorce EA/FIFA : les noces de perle tournent au drame

Après 30 ans de jeux de foot FIFA et d’accords négociés à coups de milliards de dollars, le partenariat entre Electronic Arts et la Fédération internationale de football association prend fin cette année. La prochaine simulation de football du géant américain portera le nom d’EA Sports FC : quelles répercussions ce rebranding intégral aura-t-il sur les résultats de l’un des produits culturels les plus vendus chaque année ?

FIFA, c’est près de 350 millions d’exemplaires écoulés depuis la première édition en 1993, pour plus de 20 milliards de dollars de chiffre d’affaires. Jugeant trop élevées les prétentions de la FIFA – à hauteur de 250 millions de dollars par an –, EA va faire cavalier seul : il reste quelques mois à l’éditeur pour convaincre ses fans que rien ne changera, à part le nom. 

©EA Sport

Entre la formule free-to-play guère convaincante de Konami avec PES eFootball, dont les bugs font marrer tout le monde depuis fin 2021, et la nouvelle approche communautaire du football club d’EA, la porte est désormais ouverte pour un troisième larron. Qui a les reins suffisamment solides pour entrer dans cette danse, potentiellement lucrative, mais particulièrement exigeante en termes de développement ?

3 Il est possible d’acheter les dernières consoles en boutique

L’arrivée des premières PlayStation 5 et Xbox Series X dans les rayons des enseignes, généralistes comme spécialisées, nous ferait presque oublier que les dernières consoles de Sony et Microsoft sont sorties il y a déjà deux ans et demi.

La course aux drops et autres bundles farfelus proposés par certaines boutiques semble terminée : les deux machines ont enfin l’opportunité de révéler leur plein potentiel commercial cette année. Chacune dispose de ses arguments, à commencer par un catalogue qui commence vraiment à être intéressant pour qui n’a pas encore franchi le pas.

©Sony

Loin d’être anodine, l’arrivée de consoles dans la grande distribution permet en théorie à un public plus large de passer à la nouvelle génération. Théoriquement – mais pas forcément économiquement –, la sortie du PSVR 2 s’inscrit d’ailleurs dans cette dynamique.

Avec près de 30 millions de PlayStation 5 dans la nature, Sony mène le bal sans toutefois creuser autant l’écart que sur la précédente génération : l’année 2023 nous permettra de confirmer ou non cette tendance, dans un contexte de tensions liées à la concentration toujours plus grande du secteur et à l’inflation qui ronge les finances des particuliers.

4 Le dernier souffle de la Nintendo Switch ?

Tout va bien pour Nintendo. Le constructeur japonais profite toujours des bons résultats de sa Switch, qui ne semble pas décidée à marquer le pas dans les charts. Il s’en est vendu près d’un million en France en 2022, permettant à la plateforme hybride de s’imposer comme la console de salon la plus vendue de l’histoire de l’Hexagone (7,1 millions, contre 6,3 pour la Wii et 6 pour la PS4). Techniquement loin d’être en phase avec les avancées technologiques dont profite allègrement la concurrence, la console peine à assumer les ambitions des studios de développement. 

©Etienne Auvray

Certains voient même l’arrivée de Zelda Tears of the Kingdom, le 12 mai prochain, comme un apex ludique et commercial pour la console aux 120 millions d’unités vendues. Mais Nintendo ne fait rien comme les autres, et la firme de Kyoto pourrait tenir encore un peu si les chiffres venaient à ne pas trop montrer de signes de faiblesse.

Nouvelle machine, simple mise à jour technique, status quo : on a hâte de découvrir ce que nous réserve le constructeur iconoclaste pour illuminer un marché plus que jamais tourné vers les teraflops et la 4K. La stratégie de Nintendo est toujours une curiosité en elle-même, et cette année pourrait nous apporter les premiers éléments de réponse.

5 Argent, trop cher : l’inflation touche aussi le jeu vidéo

La pandémie de Covid-19 a eu un effet plutôt bénéfique sur les gros acteurs de l’industrie du jeu vidéo. Quand les cinémas et les bars fermaient leurs portes, les principales plateformes de téléchargement et les revendeurs en ligne faisaient carton plein.

Si la maladie a occasionné de nombreux retards dans la production de nouveaux titres, l’industrie ne semble pas trop en avoir souffert d’un strict point de vue comptable. Le conflit en Ukraine a cependant eu de lourdes répercussions sur l’économie européenne, et l’inflation générale n’épargne pas le jeu vidéo.

©The Brook

L’occasion est parfaite pour les principaux acteurs d’ajuster « enfin » les prix, relativement stables depuis plus de 20 ans. Les jeux Sony et Microsoft sont à 80 €, la PlayStation 5 a vu son prix ajusté à 549 € et le tarif de 599 € pour le PSVR2 est plutôt salé.

Ces nouveaux positionnements tarifaires, que l’on voit aussi occasionnellement sur PC, font pour le moment hausser les sourcils chez de nombreux joueurs et joueuses. Combien de temps avant que l’on ne s’habitue à de tels montants, alors même que les jeux gratuits n’ont jamais été aussi populaires ? Comme d’habitude, les consommateurs ont les cartes en main. 

6 De gros événements esport en France avant les JO de 2024

Le président de la République lui-même s’y était engagé en juin 2022 : la France doit passer la seconde en matière de sport électronique, notamment pour rattraper son retard sur le voisin allemand ou la Scandinavie.

Il semble avoir été entendu, puisque pas moins de deux événements majeurs se tiendront sur notre sol cette année. Il y aura déjà le Major de Counter Strike, en mai prochain à Paris. Compétition reine de l’un des jeux pionniers de l’esport, elle pourrait permettre à quelques joueurs français, comme Mathieu « Zywoo » Herbaut et son équipe Vitality, de briller à domicile.

©Riot Games

Les meilleures équipes de la zone EMEA (Europe, Moyen-Orient, Afrique) se retrouveront ensuite à Montpellier, cet automne, pour les finales du LEC de League of Legends. Moins en vue que les Worlds, cet événement reste une étape majeure de la saison du MOBA de Riot, toujours aussi populaire à travers le monde. Au-delà des LAN habituelles de l’Hexagone, ces deux points culminants de la saison préparent le terrain avant les Jeux olympiques de Paris l’année prochaine.

7 La nouvelle stratégie autour de Call of Duty

En marge de son acquisition potentielle par Microsoft dont nous vous parlions plus haut, Activision a un autre chat à fouetter cette année : pour la première fois depuis plus de 15 ans, l’éditeur américain fait l’impasse sur son Call of Duty annuel.

Après un Vanguard décevant à tous les niveaux en 2021, le temps est venu de repenser sa poule aux œufs d’or, qui repose désormais sur deux arguments majeurs : un Modern Warfare 2 record taillé pour les mises à jour de contenu payantes et le battle royale free to play Warzone 2 qui, sans faire l’unanimité, rassemble quelques centaines de milliers de personnes au quotidien. 

©Activision Blizzard

Activision entend donc largement monétiser la jachère de sa licence phare, histoire de faire passer la pilule auprès de la communauté, mais (surtout) de ses investisseurs. Voilà qui désencombre une partie de la fin d’année, et la concurrence ne devrait pas s’en laisser compter (on pense notamment à Ubisoft et son Assassin’s Creed Mirage).

Gageons que cette année de repos permettra aux équipes de Sledgehammer Games, Treyarch et Raven Software de nous offrir une proposition innovante dans les années qui viennent, même si la pression que ces studios subissent reste colossale compte tenu des enjeux financiers. Activision va-t-il trouver de nouvelles manières extrêmement créatives pour vous faire mettre la main au porte-monnaie ? 

8 E3 : dernière danse pour le salon historique du jeu vidéo ?

Ces dernières années particulières ont obligé les éditeurs de jeux à revoir leur politique en matière de communication. Faute d’événement d’envergure pendant deux ans, beaucoup se sont rendu compte qu’ils pouvaient faire pareil – voire mieux – en termes de communication sans dépenser les dizaines de millions de dollars requis pour une présence décente dans les principales conventions.

L’E3 semble être l’événement qui a le plus fait les frais du tout online, et le Summer Game Fest de l’ancien journaliste Geoff Keighley (également derrière les Game Awards) attaque frontalement le salon de Los Angeles cette année. 

Donné pour mort en 2007, l’Electronic Entertainment Expo était parvenue à convaincre le gotha de l’industrie du jeu vidéo de revenir à grands frais au Convention Center. L’ESA, qui organise l’événement, y parviendra-t-il de nouveau ?

Sony déserte l’événement depuis 2019, quand Nintendo se contente d’un format préenregistré diffusé en ligne depuis 2014. Microsoft, qui rachète petit à petit l’ensemble des gros éditeurs habituellement présents sur le salon (Bethesda, Activision), semble plus que jamais avoir le destin de l’E3 entre ses mains. Mais d’après les dernières rumeurs, ça a l’air plutôt mal engagé.

9 NFT et métavers : le Web3 a-t-il un avenir dans le jeu vidéo ?

Plusieurs acteurs traditionnels du jeu vidéo ont revu leurs plans suite à la levée de boucliers unanime et immédiate de la communauté : les joueurs et joueuses ne veulent pas des NFT dans leurs jeux vidéo traditionnels.

Quelques-uns ont tenu bon, sans que l’on puisse constater de résultat particulièrement encourageant pour le moment. Mais Take Two, Square Enix ou encore Microsoft semblent bien placés pour faire entrer le cheval de Troie et imposer le P2E (Play To Earn) dans les habitudes des joueurs et joueuses.

©kitti Suwanekkasit / Shutterstock

À défaut, il reviendra aux métavers de convaincre le grand public de l’intérêt de ce système, qui attise plutôt la défiance aujourd’hui. Meta à la peine, Microsoft qui licencie des équipes entières consacrées au sujet : les univers numériques ont encore un long chemin à parcourir avant de s’imposer auprès des professionnels comme des particuliers.

Certains titres actuels – Fortnite, Roblox, Minecraft – constituent déjà des espaces sociaux numériques à part entière, notamment chez le jeune public : le gaming semble être une cible autant qu’un terrain d’exploration privilégié pour les évangélistes du Web3. L’année 2023 sera charnière à cet égard.

10 Le destin menacé d’Ubisoft

Ubisoft ne va pas très bien. Des résultats décevants, une action largement à la baisse, des jeux annulés, des départs non remplacés, un appel massif à la grève : l’éditeur français fait grise mine et semble jouer gros sur la prochaine année fiscale (d’avril 2023 à mars 2024).

Yves Guillemot et ses équipes doivent compter largement sur Assassin’s Creed Mirage, le prochain épisode de leur série phare, pour équilibrer les comptes et rassurer un peu les marchés. La faiblesse du géant français aiguise sans doute l’appétit de certains de ses concurrents, sachant que Tencent a déjà placé quelques billes du côté de Montreuil : si Ubisoft souhaite rester indépendant, il lui faudra une assise plus confortable.

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