En seulement un an, ce jeune prodige cumule déjà un album, une Victoire de la musique, un Olympia sold-out et bientôt un Zénith. Révélation masculine des Victoires de la musique en 2023, la nouvelle sensation belge n’a pas épargné l’Hexagone. À l’occasion de son passage à Nantes, au mythique Stéréolux, nous sommes allés à la rencontre de Pierre de Maere.
C’est sous les hangars du Royal de Luxe à Nantes qu’on se croise avec sa joyeuse équipe. Il était à la recherche du grand éléphant. L’attente en tournée est parfois longue, il faut s’occuper entre les balances et les interviews. Plus tard, assis·e·s dans les loges du Stéréolux, en mangeant des bonbons, la discussion glisse sur le mobilier scandinave, le vrai, celui d’Alvar Aalto, sur la chic chaise qu’il vient d’acheter, mais aussi sur le yodel et son amour pour le kitsch… Ce soir-là, Pierre de Maere joue à guichet fermé. Quelques jours plus tard, l’Olympia aussi affichera sold out. Il suffit de prendre le temps d’un entretien avec lui pour saisir sa curiosité, son charme et son élégance.
Le 27 janvier, vous sortiez Regarde-moi, votre premier album et, dans la foulée, vous deveniez la révélation masculine des Victoires de la musique. Ça bouscule un peu le quotidien, non ?
Je ne me suis pas tout de suite rendu compte de l’impact. La soirée des Victoires était irréelle, on a combiné tous les rêves de Pierre de Maere, dont Stromae, qui me remet de ses mains le prix alors que ma performance était ok… Ça se traduit dans la réalité, je sens qu’il se passe quelque chose, les salles sont combles plus facilement, j’ai l’impression que ça ouvre des portes. Mais c’est quand même long, on ne s’en rend pas forcément compte tout de suite. On ne me reconnaît pas trop dans la rue, il n’y a pas de grandes foules.
Vous enchaînez sur une belle tournée dans toute la France. Ça fait quoi de voir tant de pays ?
On a pour le moment une tournée d’au moins 70 dates, ça fait beaucoup de villes ! Avec un Olympia en mai qui est complet et un Zénith de Paris le 28 mars 2024. Aujourd’hui, c’est Nantes, le Stéréolux, on a rempli le “club”, mais on revient en octobre pour la grande salle qu’on va essayer de remplir aussi. Il va y avoir la Belgique à laquelle je tiens tant, ou encore l’Aéronef de Lille. On voit beaucoup de pays, et on voit de très belles villes, Nice, Cannes, j’ai adoré. Mais le rythme est intense et on a rarement plus d’une heure ou deux de libres. On arrive vers 15 heures, on balance, puis, souvent, il y a les interviews et puis on enchaîne avec le dîner, puis on monte sur scène. Généralement, j’essaie de rencontrer le public après, on boit des coups… Puis il faut déjà repartir, le lendemain tôt. C’est frustrant. Mais, quand j’ai le temps, je me balade dans les centre-villes, il y a de belles surprises, comme à Castres récemment.
Presque tous les artistes ont des rituels avant et après la scène, quels sont les vôtres ?
Mon rituel avant de monter sur scène c’est de boire du gin tonic, mais pas trop, sinon je chante trop mal. Aussi, je dîne avant de chanter. C’est vraiment pas commun, avant je stressais trop, j’avais le ventre noué, c’était impossible. Aujourd’hui, ça va, je me détends et je mange. Simplement, cinq minutes avant de monter sur scène, je me sens mal, puis j’enchaîne et ça va. Enfin, en descendant de scène on se fait un énorme câlin avec l’équipe, on revient direct sur les petits couacs et on se félicite bien sûr, on revient aussi sur les bons moments. Après ça, je vais toujours à la rencontre de mon public. Les salles ont des jauges à moins de 1 500 personnes, alors pour l’instant, c’est humainement faisable d’aller saluer, prendre des photos, signer les billets de concert. C’est un de mes moments préférés. C’est gratifiant de voir le bonheur et les étoiles dans les yeux du public.
Tout à l’heure, on était avec votre équipe dans les loges. C’est un peu une affaire de famille votre projet ?
Oui, on est vraiment proches et c’est agréable d’avoir une telle équipe. Il y a trois musicien·ne·s avec moi. Pour commencer, François Crépu, qui nous rejoint tout juste ; il apporte avec sa basse une touche rock qui rend le live encore plus vivant et qui donne une texture qui ne se prête pas au projet de base. Ça sort du côté aseptisé. Au-delà de cela, il est adorable et sensible. Au clavier, il y a Élodie Charmensat, devenue avec le temps ma meilleure copine ici en France et avec qui je suis en colocation. Je suis très heureux de travailler avec elle, c’est une merveilleuse claviériste. À la batterie, c’est Gaspard Gomis, le plus rigolo de la bande, il est hyper drôle et tellement gentil.
Et bien sûr, il y a Xavier, mon grand frère, mon aîné, avec qui je fais tout. Il m’aide à la production, au mix en studio et en live, aux arrangements… C’est particulier de travailler avec son frère, mais pour moi c’est une chance inouïe de l’avoir à mes côtés. On parle la même langue, jamais besoin de prendre des pincettes pour se dire les choses. Ça nous permet de bien avancer. Il est plus rationnel et strict que moi, il me rattrape quand je m’envole. Il me permet de rester calme. Aussi, à la régie on a une femme merveilleuse qui nous accompagne partout, Steffie, c’est un peu comme notre maman.
Vous sortez tout juste votre premier album que vous faites vivre en ce moment dans les salles de concert. Malgré la tournée, est-ce que votre processus d’écriture continue ?
C’est compliqué. Entre le trajet, les balances, la préparation, l’après concert… Il y a plus de six heures de concentration intense où l’esprit est totalement occupé à autre chose. Puis l’album vient de sortir, ça a mis du temps, j’ai enchaîné les nuits blanches, c’était épuisant. Là, j’ai besoin de faire une pause pour prendre du recul. Le rythme en tournée est exténuant. Certains y arrivent, je ne sais pas comment ils font. Quand je rentre tard le soir à l’hôtel après le concert, je n’ai pas envie de me plier à cet exercice, idem le lendemain quand on rentre en van.
Impossible de penser à des mélodies. En revanche, j’ai des bouts de textes, des idées, des mots-clés, que j’écris à tout instant dans une grande note sur mon téléphone comme le fait Orelsan. Donc, pour le moment, pas de nouvelle musique. En vacances, j’aime bien composer, et la composition c’est aussi des vacances. Mais en tournée, je n’ai ni le temps, ni le calme nécessaire. Aussi, il faut un peu recharger les batteries et prendre le temps de vivre des choses pour pouvoir en raconter. Il faut que je vive un peu encore.
Vous écoutez quoi sur les routes, entre deux dates ? Et quel·le·s sont les artistes qui vous inspirent ?
Sur la route j’ai une playlist du “n’importe quoi” et de plaisirs coupables que j’assume pleinement. Il y a des milliers et des milliers de morceaux. Sinon, j’écoute beaucoup Hubert Lenoir en ce moment, une idole, un des meilleurs lives que j’ai vus cette année, avec Rosalía à Bercy et Lady Gaga au Stade de France… Il y aussi Marina and the Diamonds, grande mélodiste. C’est interdit, mais Kanye West aussi, car les prod sont folles, Phoenix, MGMT et puis les vieux trucs que ma mère écoute comme France Gall, Françoise Hardy…
J’écoute aussi un truc très surprenant, The Gregory Brothers. Le morceau Chicken Attack, c’est du Yodel, je m’échauffe la voix dessus. Tu veux écouter ? Tellement planant, très kitsch. J’adore le kitsch, j’adore l’excès. Le bon goût, c’est chiant, il n’y a pas de limite à la musique et à l’art. Vouer un culte au kitsch, c’est risquer des accidents heureux. Et dans mon album, j’ai procédé comme ça, sans limite.
Quel est votre meilleur souvenir de tournée ?
Il y a beaucoup de beaux souvenirs. Mais la Bretagne reste l’un de mes coups de cœur, j’y ait fait un tout petit festival dans un jardin, qui s’appelle “On lâche rien sauf les chiens”, à une heure de Rennes. On jouait très tard, tout le monde avait déjà un peu bu, dont moi, l’ambiance était folle et l’accueil tellement chaleureux. C’était génial, fluide, très punk quelque part, car le public était fou. Je chantais encore très mal à l’époque. C’est un très beau souvenir.
Et des endroits où vous rêveriez de faire un concert ?
Pour la beauté du geste, j’aimerai bien jouer dans un théâtre antique. Il y a le festival de Fourvière à Lyon, par exemple, dans cette arène magnifique, qui fait rêver. Mais aussi Bercy dans quelques années, pourquoi pas ?