Longtemps chasse gardée des hommes, le polar s’ouvre enfin progressivement aux femmes. Mais le combat pour une meilleure visibilité perdure. Focus sur Les Louves du polar, un collectif d’autrices qui se battent pour les dames du roman noir.
« Les Femmes aussi savent écrire de bons polars. » Le slogan est d’une simplicité désarmante et s’affiche en grand sur le site internet du collectif 100 % féminin Les Louves du polar. Une vérité implacable, martelée encore et encore, comme la triste preuve qu’il reste du chemin à faire. Alors, le 7 septembre 2022, six autrices adeptes du roman noir, Agathe Portail, Cécile Cabanac, Céline Denjean, Céline de Roany, Chrystel Duchamp et Marlène Charine, se sont associées pour mettre leur travail en valeur et favoriser l’identification du polar féminin francophone, trop souvent en manque de visibilité.
Le collectif est né d’un constat simple : la présence des autrices francophones de polar, thriller et roman noir dans les médias, les salons ou les prix littéraires ne reflète pas la production actuelle. Alors, il faut agir pour promouvoir leurs écrits. Un site rempli de vidéos imaginatives, une forte présence sur les réseaux sociaux, des podcasts, des concours, des actions en librairie : Les Louves multiplient les efforts et redoublent d’imagination.
Grâce à cette sororité épatante au service du polar et des femmes, elles occupent désormais le devant de la scène. Si elles n’étaient que six aux départs, elles sont aujourd’hui plus d’une trentaine et leurs rangs ne font que grossir. Au festival international Quais du polar, la grand-messe du roman policier qui se tient ce week-end à Lyon et dont la Fnac est partenaire, elles seront huit représentantes du collectif sur les 30 autrices françaises invitées. Zoom sur trois romancières inspirantes et inspirées.
Cécile Cabanac, la cheffe de file
Si elle réfuterait sans doute cette idée puisque Les louves se revendiquent avant tout comme un collectif non hiérarchisé, Cécile Cabanac apparaît tout de même comme la cheffe de file du mouvement. Membre fondatrice, elle est aussi l’une de celle qui s’exprime le plus dans les médias pour expliquer la démarche des Louves. Mais elle est surtout une romancière redoutable.
Journaliste passée par TF1 et France 5, réalisatrice de plusieurs numéros de Faites entrer l’accusé, elle a signé aux éditions Fleuve Noir un formidable tryptique policier mettant scène un duo de flics attachant et savoureux, le commandant Virginie Sevran et son binôme, Pierre Biolet. Qu’il s’agisse d’un corps calciné au cœur de l’Auvergne, d’un bijoutier assassiné rue du Faubourg-Saint-Honoré ou d’une maison de l’horreur qui renferme derrière ses murs les pires atrocités, ces deux héros redoublent d’ingéniosité pour percer les secrets des enquêtes les plus alambiquées.
Cécile Cabanac, forte de son expérience de documentariste et d’enquêtrice, raconte avec une folle exigence de réalisme les rouages de la machine judiciaire. À cette précision clinique, elle ajoute tout ce qui fait le sel du thriller. Suspense haletant, révélations, rebondissement et retournements de situation : le lecteur est balloté dans un tourbillon d’émotions dont il ne sort pas indemne. Et pour les masos qui en redemandent, Cécile Cabanac fera paraître le mois prochain Le Chaos dans nos veines, un roman qui mettra en scène pour la première fois un tout nouveau duo. Pris au piège d’une affaire qui les dépasse, un sordide meurtre de flic, la capitaine Brisseau et la jeune lieutenant Marianne Decointet parviendront-elles à démêler les fils d’une bien étrange histoire ?
Céline Denjean, les femmes aussi savent faire peur
Voulez-vous tuer avec moi ce soir ? Le titre de son premier roman annonçait déjà la couleur. Avec ses livres, Céline Denjean, membre fondatrice des Louves du polar, nous emmène danser avec le Diable. Ancienne étudiante en criminologie, elle s’est frottée à l’horreur pour mieux pouvoir la raconter. Révélée à la critique et au public avec Le Cheptel, roman labyrinthique qui nous avait glacés de terreur, récompensé par le prix polar au Festival de Cognac 2018, elle bâtit depuis une œuvre complexe, éblouissante de maîtrise narrative, une redoutable machine à faire peur.
Après le sordide Matrices l’année dernière, qui nous plongeait dans l’enfer des usines à bébés, elle nous emmène avec son nouveau roman Précipices dans les affres de l’adolescence, royaume des apparences, de la cruauté, de la souffrance. Aux côtés de son enquêtrice Louise Caumont, major à la brigade de recherche de Tarbes, on part sur la piste d’un étonnant tueur en série qui traque sans relâche les anciens élèves d’une promotion d’un lycée d’élite de la région. Amour, amitié, harcèlement et cruauté : un teen movie transformé en roman noir, très noir.
Max Monnehay, de jeune espoir à figure du polar
Elle se destinait au départ à la blanche, même si ses premiers romans, notamment Corpus Christine (2006), dans lequel elle racontait le long martyre d’un homme séquestré et affamé par sa femme, distillaient une littérature de genre, à la fois angoissante et étrange. Et puis, en 2020, elle a soudainement sauté le pas et assumé pleinement son amour du roman noir. Avec Somb, prix Transfuge du meilleur espoir polar, elle donnait vie à un héros inoubliable, Victor Cairanne, un psychologue en milieu carcéral rattrapé par son passé.
« Un psy, c’est une super porte d’entrée pour un romancier de polar, parce qu’il est là pour analyser les personnages, pour plonger dans leur psyché torturée, mais aussi pour tenter de démêler ses propres névroses », aimait-elle à raconter à L’Éclaireur l’année passée. Le 14 avril prochain paraîtra au format poche Je suis le feu, le deuxième volet des aventures de Victor Cairanne. Cette fois, notre héros se retrouve aux prises avec un terrible tueur en série qui assassine des mères devant leur fils avec toujours le même étrange rituel.
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Entre La Rochelle et l’île de Ré, il a suffi de deux romans à Max Monnehay pour poser les jalons d’une littérature envoûtante, à la croisée de l’enquête policière et du thriller psychologique, remplie de personnages tourmentés et de secrets inavouables. Autrice engagée, elle se sert des codes du polar pour poser un regard subtil sur nos sociétés tourmentées. Nouvelle venue dans les rangs des Louves du polar, Max Monnehay porte haut leur étendard.