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Mangas : les trois pépites qu’il ne fallait pas rater en février

26 février 2023
Par Valérie Précigout (Romendil)
Mangas : les trois pépites qu'il ne fallait pas rater en février
©Shutterstock/spatuletail

L’Éclaireur a déniché pour vous trois nouvelles sorties manga qui méritent toute votre attention. Vous y découvrirez une valeur sûre d’un maître de l’horreur, mais aussi deux séries inédites dans la catégorie « seinen » (pour jeunes adultes).

1 L’Amour et la Mort

Il revient régulièrement dans nos colonnes, celui que l’on appelle le maître du manga d’horreur, Junji Ito, est à l’honneur en février chez l’éditeur Mangetsu. Publié dans un grand format luxueux de plus de 400 pages qui regroupe cinq histoires différentes à nous glacer le sang, L’Amour et la Mort est une porte d’entrée parfaite pour découvrir l’univers sinistre de cet auteur.

Le titre du livre correspond à la première histoire, qui occupe une bonne partie de cet ouvrage, sur fond de légende urbaine à la fois sanglante et passionnée. Elle tourne autour de la silhouette d’un mystérieux jeune homme qui apparaît à travers la brume lorsque des passants s’interrogent sur leur avenir sentimental. Mais ce qui n’était au départ qu’un jeu innocent à travers un simple rituel de voyance va se traduire par des morts par dizaines.

Comment expliquer ces cortèges de suicides ininterrompus et, surtout, comment y mettre un terme ? L’Amour et la Mort entretient habilement le mystère tout en marquant les esprits avec des images chocs dont seul Junji Ito a le secret. Les autres nouvelles qui s’enchaînent dans la deuxième partie de cet ouvrage ne déméritent pas non plus.

On reste dans la thématique de l’amour qui mène à la mort la plus abominable qui soit, mais les intrigues sont suffisamment renouvelées pour captiver le lecteur jusqu’au bout. On a beau essayer de trouver une issue favorable à toutes ces histoires, elles se terminent forcément de la façon la plus sordide possible en faisant intervenir des individus torturés ou aliénés dont il vaut mieux ne jamais croiser le chemin.

L’Amour et la Mort.©Mangetsu/Junji Ito

Que dire de cette fratrie hystérique dont les actes macabres vont plus vite que la pensée ? De cette maison rongée de douleurs invisibles qu’il faut masser dans l’air comme si elles existaient ? Ou encore de cette fille persuadée qu’elle affinera sa silhouette en procédant à une ablation des côtes ? Tout est tellement absurde qu’on se laisse entraîner sans s’en rendre compte dans cette plongée absolue dans l’horreur qui méritait bien une si belle édition.

2 Ender Geister : l’ultime exorciste

Ender Geister est une nouvelle série manga qui cartonne au Japon et qui parlera directement aux amateurs de cinéma d’action. Elle est signée Takashi Yomoyama et éditée en France par Glénat. Tout commence à Johannesburg, en Afrique du Sud, lorsqu’une jeune femme stoppe, d’un simple claquement de doigts, un massacre perpétré par un étrange individu qui sème la mort autour de lui… Elle lui propose alors de devenir son disciple et de le former au métier d’exorciste.

Un point de départ pour le moins étonnant qui sert surtout à présenter le héros de la série, Michael, un exorciste allemand que l’on retrouve ensuite dix ans plus tard. Il est missionné à travers le monde pour stopper les exactions commises par des monstres mangeurs d’hommes.

Ender Geister.©Glénat / Takashi YOMOYAMA

Précision d’importance : toutes ces créatures sont issues du répertoire classique du bestiaire fantastique (ogres, kobolds, sorcières, tengus) et évoluent dans une réalité qui a basculé dans le surnaturel le plus total. Envoyé en mission au Japon, notre exorciste, grand fan de cinéma, va prendre le pseudonyme du célèbre cinéaste Akira Kurosawa et devenir le « tireur noir ».

Outre son caractère stylé et trépidant, ce manga moderne intrigue par son univers macabre et son héros doté de capacités extrasensorielles stupéfiantes. Non seulement il peut matérialiser des armes à volonté, mais il sait aussi faire preuve d’élégance dans sa manière d’agir et d’interagir avec les autres, qu’ils soient amis ou ennemis.

Ender Geister©Glénat / Takashi YOMOYAMA

Sa partenaire de mission n’a d’ailleurs pas grand-chose à lui envier, excellant autant dans l’art du combat que dans l’utilisation d’un équipement high-tech dernier cri. Quant aux références au monde du cinéma (Clint Eastwood, Zatoichi, Pulp Fiction, Inception, Matrix, James Bond…), elles sont amusantes et apportent un peu de légèreté à l’ensemble, tout comme la passion débordante du héros pour la culture japonaise.

Selon l’éditeur français, la série compte déjà 600 000 ventes dans son pays d’origine et tombe en rupture de stock à chaque parution d’un tome relié. Elle a pourtant démarré seulement au format numérique, mais a rencontré un tel succès que le mangaka a pu la voir éditée en version papier.

Un très bon signe pour ce titre qui compte déjà sept volumes au Japon et dont les deux premiers sortent simultanément le 15 février en France. Ce n’est d’ailleurs pas anodin, car la fin du second tome rejoint justement le début du premier pour apporter encore plus de relief à cet exorciste décidément bien mystérieux.

3 Bosse ou crève !

D’abord annoncée pour le 24 février par les éditions naBan, la série Bosse ou crève ! a finalement vu sa sortie décalée au 10 mars, mais sera bien lancée avec les deux premiers tomes simultanément. Elle est réalisée par les auteurs Atsushi Kamakura et Akira Rei, le premier se chargeant du scénario, le second des dessins.

Le manga s’ouvre sur l’exemple d’un jeune non inséré dans la société depuis déjà trop longtemps, une épave de 25 ans qui se retrouve inculpée pour « délit d’inactivité professionnelle »… en vertu de la loi de Reprogrammation des inactifs ! Le ton est donné, Bosse ou Crève ! est un thriller en six volumes qui dénonce les travers d’une société japonaise alternative dans laquelle la chasse aux chômeurs aurait pris des proportions inquiétantes.

Bosse ou crève !©naBan / Atsushi KAMAKURA, Akira REI

Tout individu n’ayant pas travaillé depuis plus de six mois devient une charge pour la société et doit être réhabilité dans des camps pour subir un lavage de cerveau censé le rendre ultraproductif. Promulguée six ans plus tôt, la loi de la Reprogrammation des inactifs consiste à effacer leur mémoire pour leur implanter de nouveaux souvenirs et en faire de véritables bourreaux de travail.

Mais ce n’est pas le seul châtiment réservé aux naufragés de la société… Si des voix se sont élevées aussitôt, la reprise économique que cette loi a engendrée a rapidement fait taire les contestations. C’est dans ce contexte que le lecteur va suivre les tourments d’un autre homme, un jeune diplômé sûr de lui, d’abord très favorable au système dont il vantait jusque-là les mérites, avant d’en être lui-même victime et de réviser complètement son jugement.

Bosse ou crève ! ©naBan / Atsushi KAMAKURA, Akira REI

Pire encore, les traitements dont il est témoin se montrent à ce point brutaux et humiliants qu’il réalise n’avoir qu’une seule alternative : tuer ou être tué. Et réussir à s’en sortir à tout prix, quitte à sacrifier les autres. Convaincu d’avoir été la cible d’une machination, il fait partie de ces malheureux qui n’ont pas été simplement « reprogrammés » mais qui ont été envoyés dans des camps de travaux forcés aux conditions inhumaines, lorsqu’ils ne sont pas simplement abattus par leurs gardiens.

Et ces derniers mettent un point d’honneur à recycler les déchets en citoyens modèles sans la moindre considération pour eux. Violent et cru, ce manga est à réserver à un public averti. Il aborde cependant des questions d’actualité pour dénoncer les dérives d’un système dans lequel la chasse aux chômeurs prendrait des proportions inhumaines. Attention tout de même si vous souhaitez découvrir ce manga uniquement pour son aspect critique, il s’attarde aussi longuement sur les descriptions des sévices subits par les prisonniers et n’est donc pas à placer entre toutes les mains.

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