C’est quoi cette hype autour des jeux de rôle ?

Rassemblez-vous confortablement autour de notre table, attrapez quelques dés, et laissez-nous vous conter la formidable aventure de la hype autour des jeux de rôles, de leurs débuts très modestes au succès critique les élevant au rang de phénomène de société à part entière.

Un loisir de niche vilipendé

Notre histoire commence en 1971, avec un jeu de plateau impliquant des figurines (l’ancêtre de Warhammer et consort, en somme), baptisé Chainmail. Il allait constituer la base d’un certain jeu de rôle appelé Donjons & Dragons, publié par Dave Arneson et E. Gary Gygax en 1974. Il sera désigné comme un jeu de rôle à part entière en 1977, à l’issue d’une première réimpression de son livre de règles baptisé Advanced Dungeons & Dragons.

Pour celles et ceux qui n’ont aucune connaissance de la pratique du jeu de rôle, il s’agit d’un savant mélange entre jeu de plateau (certaines actions nécessitent des jets de dés pour en déterminer le succès ou l’échec) et théâtre d’improvisation. Les joueurs incarnent donc des personnages dans un univers chapeauté par un Maître de Jeu.

Comme tout nouveau loisir sortant de l’ordinaire, le jeu de rôle a connu des débuts difficiles. Le marketing et les moyens de communication pour faire connaître cette nouvelle pratique n’étant clairement pas aussi développés que de nos jours, le bouche-à-oreille a au départ constitué la meilleure manière de toucher de potentiels adeptes.

Malheureusement, le jeu de rôle a aussi rapidement fait face à de nombreux détracteurs, parmi lesquels les médias (ce qui n’est pas sans rappeler le traitement fait aux jeux vidéo, même encore parfois aujourd’hui), à l’époque fortement influencés par la branche américaine puritaine et les groupes de religieux fondamentalistes dans le reste du monde.

Pour les esprits les moins curieux, sa pratique était associée au sectarisme satanique, et une bande dessinée de propagande contre ce loisir a même été éditée en ce sens. Les créateurs de Donjons & Dragons ont ainsi fait face à de nombreux déboires judiciaires.

Le début de la revanche des geeks

Fort heureusement, ces multiples déconvenues n’ont pas découragé les créateurs de jeux de rôle. Peut-être même cela les a-t-il ragaillardis, puisqu’ont succédé à Donjons & Dragons de nombreux autres jeux, avec leur univers propre. Parmi les plus connus, nous pouvons citer Cyberpunk de Mike Pondsmith, L’Appel de Cthulhu inspiré des fantastiques œuvres de H.P. Lovecraft, World of Darkness (dont Vampire: The Masquerade est tiré) ou encore Shadowrun, habile mélange entre univers fantasy et cyberpunk.

L’essor des jeux de rôle a également été aidé par une diversification des canaux de diffusion. Outre les livres dépeignant ces univers ou proposant même d’être le héros de l’histoire avec un personnage à créer et des choix influençant le récit – comme un véritable jeu de rôle –, un autre média honteusement mal-aimé a commencé à germer à partir des années 1980 : le jeu vidéo.

Le jeu de rôle a ainsi trouvé une déclinaison toute naturelle, d’abord sur ordinateurs, avec des titres tels qu’Akabaleth et Rogue (également le père du célèbre genre Rogue-like). Ainsi naquirent les désormais très populaires RPG (role-playing games).

Les jeux de rôle ont également timidement commencé à trouver leur place sur petits et grands écrans, avec des séries animées ou encore des films (de qualité douteuse à l’époque, mais il faut bien débuter quelque part). Tout ceci a doucement, mais sûrement, permis de faire découvrir le jeu de rôle au grand public. Il faudra faire preuve d’encore un peu de patience avant sa véritable consécration en tant que phénomène de pop culture.

Un succès critique

Avec l’essor des jeux vidéo est en effet venu un effet pervers. Ils visaient à faire connaître le jeu de rôle aux non-pratiquants, mais leur succès a longtemps eu l’effet inverse. Le fait que les RPG ne nécessitent pas de rassembler un Maître de Jeu et des joueurs autour d’une table les ont en effet rendus plus accessibles au grand public. Une tendance qui n’a pas été aidée par des titres désormais iconiques comme Baldur’s Gate de BioWare (inspiré de Donjons & Dragons) ou encore The Elder Scrolls de Bethesda.

Pour autant, le jeu de rôle continuait de rassembler des fans, parmi lesquels des réalisateurs ou des studios de développement. D&D a notamment connu une certaine cure de jouvence grâce à la série Stranger Things, dans laquelle le jeu de rôle revêt une grande importance dans l’imaginaire des enfants qui en sont les acteurs principaux.

Côté studios, nous pouvons notamment citer CD Projekt RED avec Cyberpunk 2077, inspiré de l’œuvre de Mike Pondsmith, qui a permis grâce à son impressionnant succès de faire découvrir le jeu de rôle éponyme à un large public, ou encore Baldur’s Gate III de Larian Studios, qu’on attend de pied ferme en août.

Mais, aujourd’hui, il doit surtout son énorme popularité à des streamers et créateurs de contenus sur Twitch et YouTube. En 2015, la chaîne Critical Role, portée notamment par Matthew Mercer, voyait le jour et proposait de retransmettre en direct une campagne de Donjons & Dragons.

La chaîne est désormais la plus rentable de Twitch, avec un vaste empire regroupant des centaines de milliers de spectateurs chaque semaine, des associations caritatives, des produits dérivés comme des livres ou comics, une influence directe sur les règles de Donjons & Dragons, et même d’excellentes séries animées produites par Prime Video.

Faites un jet d’initiative

Si cet article, le stream d’Alphacast ou n’importe quelle autre chaîne mettant en avant le jeu de rôle vous ont donné envie de tenter l’aventure, nous ne pouvons que vous recommander chaudement de trouver une association spécialisée près de chez vous pour essayer par vous-même.

Et si une partie unique, dite « one shot », vous a transmis la fièvre très contagieuse du jeu de rôle, il n’y a rien de plus palpitant que de participer à une campagne à part entière avec des amis. Croyez-en une expérience personnelle : aucun autre loisir ne permet de tisser des liens aussi forts qu’une partie de jeu de rôle s’étalant sur des mois, voire des années.

L’exercice vous fera en effet découvrir vos compagnons de jeu mieux que n’importe quelle activité et viendra former des amitiés inextinguibles autour d’une expérience de vie commune à nulle autre pareille. Pour une expérience encore plus réaliste, il existe même des parties grandeur nature (appelées GN), impliquant de rassembler des dizaines voire des centaines de joueurs dans un lieu préparé pour l’occasion. Il n’appartient donc qu’à vous de faire un jet d’initiative, pour un plaisir inégalé dont nous gageons que vous en demanderez encore !