Entretien

Les livres de Philippe Besson : “Je n’ai jamais lâché Edmond Dantès”

03 février 2023
Par Thomas Louis
Philippe Besson a écrit “Ceci n'est pas un fait divers”, publié en janvier 2023.
Philippe Besson a écrit “Ceci n'est pas un fait divers”, publié en janvier 2023. ©Joël Saget/AFP

Chaque mois, un·e auteur·rice partage avec L’Éclaireur la dizaine de livres qui l’ont particulièrement touché·e, pour différentes raisons, à différentes époques de sa vie. Ce mois-ci, c’est Philippe Besson qui se prête au jeu.

Dans son dernier roman, Ceci n’est pas un fait divers (Julliard, 2023), Philippe Besson se penche sur les victimes collatérales des féminicides et confirme sa place de romancier du sensible. Mais quelles sont les lectures qui ont marqué cet écrivain, désormais incontournable dans le paysage littéraire ? L’auteur à qui l’on doit Paris-Briançon (Julliard, 2022) et Arrête tes Mensonges (Julliard), lauréat de la Maison de la presse en 2017, nous livre sa sélection.

Le premier livre qui vous a marqué ?

Le Comte de Monte Cristo, d’Alexandre Dumas. Mon premier roman d’aventures. Je devais avoir 13 ans quand je l’ai lu. Certes, c’est l’histoire d’une vengeance, et cruelle qui plus est, mais je n’ai jamais lâché Edmond Dantès, j’avais en tête en permanence l’injustice qui l’a privé de sa jeunesse. Et j’étais fasciné par ses métamorphoses.

Celui qui parle le mieux d’amour ?

À la recherche du temps perdu, de Marcel Proust. Tout y est : l’éveil des sens, les balbutiements de la passion, les élans du cœur, la jalousie qui ronge, les incompréhensions, les désillusions, les regrets.

Celui qui vous fait rougir ?

Une saison en enfer, d’Arthur Rimbaud. Je devinais le double sens de certains poèmes, sans être tout à fait certain d’avoir bien compris. Il me semblait que ça parlait d’amours interdites. Et que, derrière les apparences de l’innocence, se dissimulaient des orages.

Une saison en enfer, d’Arthur Rimbaud, Le Livre de poche, 1998.©Le Livre de Poche

Celui qui vous dérange ?

American Psycho, de Bret Easton Ellis. Je suis un fan de cet auteur, mais ce roman, quel que soit le bout par lequel je le prends, témoigne d’une certaine complaisance envers la violence et d’une certaine gratuité. À nous de nous débrouiller, les lecteurs. Et j’avoue ne pas y être arrivé. Pourtant, l’écriture est virtuose.

Celui qui vous obsède ?

L’Amant de Marguerite Duras. Le livre que j’ai le plus lu, et de loin. Je ne peux pas me défaire de l’image de la jeune fille sur le bac qui traverse le Mékong, ni de celle de l’Indochinois dans sa limousine noire. Je suis hanté par leur passion dévorante et triste. Par l’inversion des rôles aussi : c’est elle qui domine dans leur relation sensuelle, c’est lui qui a l’argent alors que son pays est colonisé par la France. Et puis, il y a l’écriture. Parfois sèche, parfois ample. Tour à tour limpide et absconse. Qui assène et qui caresse. Une voix qu’on entend avant de la comprendre.

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Celui qui vous fait rire ?

Trois hommes dans un bateau de Jerome K. Jerome. Trois gentlemen britanniques (sans oublier le chien !) entreprennent une croisière sur la Tamise et, à l’évidence, ils ne sont pas doués pour ça. C’est hilarant, loufoque, absurde, inimitable.

Celui qui vous fait pleurer ?

Brokeback Mountain d’Annie Proulx. L’histoire d’un amour impossible entre deux cowboys dans l’Amérique des années 1960. L’obligation de la clandestinité, du mensonge. Les ravages du déni, de la honte. À chaque lecture, je me dis : ils auraient pu être heureux ensemble. Le gâchis de leurs existences me plonge dans le chagrin et la colère.

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