Comme une évidence, les super-héros ont vite trouvé le chemin vers le jeu vidéo pour prolonger leurs aventures. Avec diverses fortunes.
Les adaptations de comics en jeux vidéo ont débuté dès les balbutiements de ces derniers. Difficile d’imaginer meilleure rencontre que celle de l’imaginaire développé par toute une génération d’auteurs, de Jerry Siegle (Superman) à Bill Finger (Batman) en passant par Stan Lee (une interminable liste de héros Marvel) avec le milieu vidéoludique.
Qu’il s’agisse de jeux d’action, d’aventure ou autre, l’apport des super-héros résidait d’abord dans l’utilisation de leurs pouvoirs, justifiant ces derniers en en faisant souvent une mécanique de base.
Parfois, ils ne servaient que d’atout commercial à des jeux relativement lambda. De cette dualité, entre utilisation intelligente de l’univers super-héroïque et exploitation purement commerciale, se sont dégagées deux vagues d’adaptations. Plongée au cœur du meilleur et du pire des comics en version vidéoludique.
Les meilleures adaptations
1 La série Batman Arkham, de 2009 à 2016
Un véritable choc a saisi les fans de Batman à la découverte d’Arkham Asylum, développé par Rocksteady sur PlayStation 3 et Xbox 360. Un mélange d’action et d’aventure confinant au sublime, exploitant à merveille le comics jusque dans ses moindres détails.
Une aventure inédite, qui mettait à profit les talents de la chauve-souris, tant en combat qu’en aventure. Le système baptisé free-flow, à la fois fluide et ultra-efficace, permettait d’esquiver les ennemis tout en enchaînant les coups sur ces derniers, de façon variée.
Sa vision de détective et ses gadgets lui permettaient de résoudre de nombreuses énigmes. Et que dire de la narration, portée par des idées lumineuses et des scénarios captivants ? La trilogie, renforcée par un spin-off, Origins, n’a fait qu’aller crescendo dans cette voie vers la perfection, se concluant sur un court, mais très efficace jeu en réalité virtuelle, Batman Arkham VR. La série reste la référence absolue du genre, comme son successeur attendu, Gotham Knights, a pu le constater à ses dépens.
2 Marvel’s Spider-Man et Miles Morales en 2018 et 2020
Après la fantastique réussite de son compère aux oreilles pointues de chez DC Comics, le tisseur devait relever le défi. Entre les mains du studio Insomniac Games, le héros qui avait pourtant déjà connu quelques succès sur consoles auparavant, a vu ses aventures sublimées.
D’abord avec un moteur 3D permettant d’évoluer librement au gré de ses jets de toiles, ensuite avec un système de combat très clairement inspiré de son prédécesseur Batman Arkham, mais disposant de ses propres particularités et coups spéciaux.
Une réussite totale, avec une aventure principale bien ficelée et des quêtes annexes intéressantes, de nombreux bonus assurant le fan-service, comme la tonne de costumes spéciaux à récupérer, de Spider-Punk à Spider-Man 2099. De nombreux easter eggs sont de plus cachés dans la ville de New York, parfaitement modélisée. Ainsi, Peter Parker peut se rendre sur la tombe de l’oncle Ben, dans un cimetière au nord de la mégapole.
Sa suite, Miles Morales (qui introduit un nouveau héros connu des lecteurs de comics) est réussie, mais en forme de redite. Le véritable Spider-Man 2, attendu pour 2023, devrait lui apporter un vrai vent de nouveauté, pour faire encore mieux.
3 Les jeux de combat Capcom de 1996 à 2017
Fort d’un accord entre le géant japonais derrière le succès sans précédent de Street Fighter II en arcade et sur consoles avec Marvel, est née toute une série de jeux de combats mémorables. Tout a commencé avec X-Men Children of the Atom (1994), reprenant à son compte le système de jeu de Street Fighter, mais mettant en scène Wolverine, Cyclops et bien d’autres.
Une réussite totale, qui a conduit à une version Marvel Super Heroes (1995). L’éditeur a eu l’idée aussi géniale qu’évidente de faire s’affronter les héros du comics avec ses propres personnages, avec deux jeux de combats en équipe, X-Men vs Street Fighter (1996), puis Marvel Super Heroes vs Street Fighter (1997).
Avec Marvel vs Capcom: Clash of Super Heroes (1998), Capcom a un peu plus élargi le casting, tant du côté Marvel que du sien, en ajoutant d’autres personnages de jeu. Il est ensuite passé à des équipes de trois combattants avec sa suite restée mythique, Marvel vs Capcom 2 (2000).
Avec le passage à la 3D, la série a commencé à perdre de sa superbe. Les deux versions de Marvel vs Capcom 3, sorties en 2011, étaient toutefois efficaces. Malheureusement, le dernier épisode en date, Marvel vs Capcom Infinite (2017), semble avoir pour de bon refermé cette parenthèse enchantée dans les adaptations de comics en jeux de combat.
4 The Walking Dead: The Telltale Series en 2012
Fondé par d’anciens développeurs de la société mythique Lucas Art (Monkey Island, Grim Fandango), Telltale Games est, comme son nom l’indique aux anglophones, créé pour raconter des histoires. Jadis dédiés à l’univers du point’n’click, ses programmeurs ont opté pour des jeux narratifs avec une idée originale : la sérialisation.
Ainsi, chaque jeu se voit découpé en épisodes, où les choix du joueur conduisent à des déroulements différents. Leur adaptation du classique de Kirkman, The Walking Dead, a été un immense succès, avec une belle inventivité à la fois dans sa jouabilité et la retranscription du comics.
Centrées autour d’un personnage inconnu de l’œuvre originale, Clémentine, les suites de ce jeu devenu culte exploraient d’autres parts de l’univers, avec une deuxième saison en 2014, une dédiée à Michonne en 2016, une autre baptisée New Frontier et enfin une conclusion logiquement titrée L’Ultime Saison (2018).
Avec son style graphique reconnaissable au premier coup d’œil, ses personnages attachants et surtout l’impact majeur des choix effectués, l’immersion était totale, et le contrat de l’adaptation intelligente parfaitement rempli.
5 Les Gardiens de la galaxie en 2021
À sa sortie, le titre développé par Eidos Montréal, notamment par une partie des équipes de Deus Ex Human Revolution (2011), n’a peut-être pas eu l’accueil qu’il méritait. Si les critiques lui reconnaissaient de belles qualités narratives (et pour cause) le système de progression et les combats n’ont pas convaincu tous les publics.
Pourtant, sur le plan graphique comme sur celui des scènes de combat, difficile de bouder son plaisir face à cette adaptation libre des fameux Gardiens de la galaxie, au look original ne reprenant pas celui des acteurs du film éponyme.
Mais ce qui rend ce titre réellement attachant, c’est sa volonté d’appuyer sur les mécaniques narratives, en utilisant des choix face à certaines situations qui ont une incidence sur les liens entre Gardiens.
Peter Quill doit donc tenter de garder unis ses acolytes, au fil d’une aventure trépidante, drôle et qui se paie même le luxe de jolis moments d’émotions. Avec une mention spéciale aux dialogues, à l’écriture bien plus fine que d’ordinaire pour ce genre de projets, dont certaines phrases restent en mémoire longtemps après avoir bouclé la partie.
Les mentions honorables
Difficile de ne pas citer Comix Zone (1996). Il n’est pas adapté d’une licence connue, mais il joue avec les codes du média en propulsant un auteur dans le monde de son super vilain. Hulk (2003), n’est sans doute pas le plus grand jeu au monde, mais la puissance dégagée par son héros et quelques possibilités amusantes, notamment d’attraper ses malheureux ennemis et s’en servir de projectile, ont fait date.
Punisher (2005) a été une adaptation techniquement inégale, mais proposant des centaines de façons de faire parler ou tuer ses victimes, avec une inventivité donnant le frisson, en parfaite adéquation avec son personnage. Enfin, X-Men Origins: Wolverine (2009), ayant accompagné le film éponyme, proposait un bon petit jeu d’action avec une progression de Logan et des combats réussis.
Les mentions passables
Parmi les ratages notables, on peut évoquer le Silver Surfer (1990) sur NES, prenant la forme d’un shoot’em’up banal à la difficulté à peine croyable. Un gros défaut que partage avec le surfeur le pourtant prometteur X-Men (1993) sur Megadrive, avec ses quatre héros jouables tous confrontés à une difficulté dantesque.
Encore un jeu au titre bien trouvé avec Marvel Nemesis: Rise of the Imperfects (2005), œuvre de combat sans âme, plein de bugs et dont l’IA triche sans vergogne. Enfin, X-Men Destiny (2011), pourtant développé par Silicon Knights (l’excellent Eternal Darkness sur Gamcube) coche toutes les cases du mauvais jeu avec une jouabilité limitée et brouillonne, des choix inutiles et de nombreux bugs.
Les pires adaptations
1 Superman en 1999
Non content d’être entré dans la légende comme le pire jeu de super-héros de tous les temps, Superman sur Nintendo 64 est souvent nommé dans la liste des pires jeux vidéo de l’histoire, tous genres confondus.
Problèmes de jouabilité, technique défaillante, pauvreté graphique et bugs transformaient l’homme de Krypton en une bouillie de polygones nimbés de brouillard, tentant de masquer ses imperfections. Mais si ce résultat s’est montré aussi catastrophique, c’est aussi à cause d’un développement chaotique.
Les échanges entre le développeur français Titus et les ayants droit de Warner ont considérablement compliqué la tâche des programmeurs. Notons également que la Nintendo 64, comparativement à la première PlayStation, se montrait particulièrement difficile à maîtriser pour les développeurs.
Malgré des critiques catastrophiques, le jeu s’est bien vendu, porté par sa licence prestigieuse. Mais la rupture du contrat entre Titus, éditeur historique ayant débuté sur micro-ordinateurs en 1985, et Warner, a conduit à la faillite de la société quelques années plus tard.
2 Batman: Dark Tomorrow en 2003
Preuve qu’avec un même matériau de départ, on peut arriver au meilleur comme au pire, le bien nommé Dark Tomorrow, sorti sur Nintendo Gamecube, a fait du Chevalier Noir un bien sombre héros dans un univers perclus de problèmes.
À commencer par sa jouabilité imparfaite, complexe, buguée, ses décors vides, et son principe d’action infiltration absolument répétitif et inintéressant. Sans le costume de chauve-souris iconique, on pourrait imaginer qu’il s’agit là d’un simple jeu bas de gamme, à un léger détail près.
Ce qui sauvait un peu le titre de la déchéance totale résidait dans ces séquences cinématiques, plutôt réussies, qui seules faisaient honneur au personnage emblématique de DC Comics. Une bien maigre consolation pour les malheureux joueurs en ayant fait l’acquisition sans se fier aux critiques des journalistes de l’époque, rarement aussi unanimement mauvaises.
3 Catwoman en 2004
Nous l’évoquions dans l’introduction de cet article, les jeux programmés pour accompagner la sortie d’un film dévoilent souvent les stigmates de développements rapides et opportunistes. Catwoman a fait pire, en se montrant bien loin d’être à la hauteur du long métrage avec Hale Berry, pourtant lui-même assez catastrophique. Dans un jeu d’action 3D lambda, un personnage aux attitudes exagérément sexy faisait de vous la célèbre voleuse vêtue de cuir.
Un mélange d’action mollassonne et d’infiltration peu inspirée, avec un soupçon d’exploration, qui subit les affres d’une caméra aussi capricieuse qu’un chat. Ajoutez une réalisation très loin des standards de l’époque, une répétitivité insolente, et vous tiendrez là l’exemple parfait de ce que les adaptations de films en jeu vidéo peuvent proposer de pire. Un véritable chat noir des comics en version vidéoludique.
4 Aquaman: Battle for Atlantis en 2003
Armé de son fidèle trident, Aquaman devait sauver le Royaume d’Atlantis d’une double menace, formée par son ennemi de toujours Black Mantis et un vilain resté dans l’ombre, décidé à lui voler son trône.
Un trône que le joueur aurait bien envie de céder dès le début du jeu tant l’intérêt en est cruellement absent. Sans vouloir faire de peine aux fans du personnage, adapter les aventures du royaume sous-marin relève déjà de la gageure, avec un manque de charisme et de possibilités liées à cet univers.
Autre preuve d’un développement express, une fausse bonne idée remplaçait les habituelles séquences cinématiques de l’époque, destinée à narrer la suite des aventures, avec de simples cases de BD et du texte.
Un « hommage » qui fait montre d’une certaine fainéantise ou d’un manque de budget criant, pour un titre qui sombrera dans les abysses comme l’Atlantide, la légende et la réputation en moins. Seule bonne nouvelle, ce naufrage a, semble-t-il, découragé d’autres développeurs de se jeter à l’eau…
5 Iron-Man en 2008
Encore un titre sorti comme par hasard en même temps que le film. Et, sans surprise, le résultat se montre complètement raté. Reste quand même une bonne nouvelle : Iron-Man volait librement dans un monde ouvert. Mais toutes les autres possibilités enchaînent les erreurs.
Système de ciblage confus, armes peu « punchy », décors vides et austères… Même les cinématiques sont de la partie, avec des acteurs très mal modélisés (pauvre Jeff Bridges). Sur le fond, on imagine que les développeurs avaient des idées, mais leur mise en œuvre a été tout simplement catastrophique.
Bien sûr, la répétitivité des objectifs est de mise, comme souvent dans les ratages industriels de ce type. Seule – très mince – consolation pour les fans du film, Robert Downey Jr en personne a prêté sa voix au personnage de Tony Stark.
Voilà qui fait un peu cher l’audio de quelques lignes, même pour un collectionneur. Pourtant, comble de l’ironie, le jeu s’est plutôt bien vendu et a même connu deux suites. Preuve que cette stratégie de sortie simultanée fonctionnait encore à l’époque.