Décryptage

Enfin un mariage heureux entre les jeux vidéo et leurs adaptations audiovisuelles ?

16 novembre 2022
Par Robin Lamorlette
L’anime “Cyberpunk: Edgerunners” est l'une des meilleures adaptations de jeu vidéo de ces dernières années, au succès critique et commercial retentissant.
L’anime “Cyberpunk: Edgerunners” est l'une des meilleures adaptations de jeu vidéo de ces dernières années, au succès critique et commercial retentissant. ©Netflix

Longtemps houleuse, la relation entre les jeux vidéo et leur adaptation sur petits et grands écrans semble enfin faire bon ménage… pour le meilleur et pour le moins pire ?

Depuis la première tentative en 1993, les adaptations de jeux vidéo semblent avoir enfin trouvé un terrain d’entente avec les œuvres originales. Retour sur une relation qui s’est – heureusement – maintenue et bonifiée avec le temps.

Je t’aime, moi non plus

Il ne pouvait en être autrement : la toute première adaptation d’un jeu vidéo, remontant donc à 1993, n’était rien de moins qu’un Super Mario Bros dans une formule live-action. Le plombier italien moustachu, qui est l’une des mascottes vidéoludiques les plus connues au monde, allait être incarné par un acteur de chair et d’os au cinéma.

La perspective avait de quoi réjouir, mais le rêve a pris une tournure… différente. En totale roue libre, sans le concours de Nintendo et très limité techniquement, le film a donc été un échec tant critique que commercial (39 millions de dollars de recettes contre un coût total de 49 millions). Si ce n’est des costumes reconnaissables (mais de pauvre qualité), l’œuvre n’avait d’adaptation que le nom.

La première tentative de marier jeu vidéo et film laissait clairement à désirer.©Buena Vista Pictures Distribution

Tout aurait pu s’arrêter là, car le but d’une entreprise est finalement de gagner de l’argent, et pas d’en perdre. Mais 1994 et 1995 ont vu sortir au cinéma deux autres adaptations de franchises phares : Street Fighter et Mortal Kombat. Si le succès commercial a cette fois-ci été au rendez-vous, ces deux adaptations de jeux de combat très populaires avaient tout du nanar. Casting inconnu au bataillon (à part Jean-Claude Van Damme ou Christophe Lambert), effets spéciaux peu convaincants et intrigue bas du front en ont fait des œuvres qu’on adore autant qu’on déteste.

Mais la palme de la pire adaptation revient sans conteste à un certain Uwe Boll. Comptant capitaliser sur des noms de licences très connues, le réalisateur allemand (boxeur à ses heures perdues) s’est fendu de films très médiocres et sans aucun rapport avec les jeux dont ils sont tirés. La sentence critique et commerciale a évidemment été sans appel. On peut citer dans ce triste palmarès Alone in the Dark, Far Cry ou House of the Dead.

D’autres réalisateurs ont heureusement réussi le tour de force d’appliquer fidèlement les codes cinématographiques à des titres vidéoludiques. Tel est notamment le cas de Silent Hill, du français Christophe Gans (Le Pacte des loups), sorti en 2006. Véritable fan des jeux, le cinéaste a su transposer l’essence de la licence de Konami sur le grand écran. Il va d’ailleurs bientôt revenir dans ce monde horrifique qu’il aime tant avec une adaptation en film du légendaire Silent Hill 2.

Une union profitable aux deux médias

Avec le temps, l’exercice délicat d’exporter un jeu vidéo sur grand écran semble donc avoir trouvé une formule payante. Ces dernières années ont en effet vu fleurir de belles adaptations ayant remporté une grande estime tant auprès de la critique que du public.

Pour revenir aux plus célèbres mascottes vidéoludiques, les deux films Sonic le Hérisson (2020 et 2022) ont proposé le juste milieu entre comédie à l’américaine et représentation fidèle de l’univers du véloce hérisson bleu, le tout avec des recettes record (321 millions de dollars pour le premier film et 402 millions pour le second).

Un projet qui revient de loin, car les fans s’étaient insurgés contre l’apparence originale et plus « réaliste » de Sonic, qui a donc été modifiée pour arriver au résultat que l’on connaît aujourd’hui. Les films doivent aussi cette réussite à un solide casting porté notamment par Jim Carrey, et à des effets spéciaux spectaculaires grâce à la modernisation des techniques sur ce terrain.

Outre les films, c’est surtout les adaptations en séries qui ont ravi les foules dernièrement. Netflix tient domine sur ce point avec deux productions figurant sans conteste parmi les meilleures de son catalogue, voire parmi les meilleures adaptations tout court. Arcane, tiré de League of Legends et animé par le studio français Fortiche, a reçu un Emmy Awards, et Cyberpunk: Edgerunners, tiré de Cyberpunk 2077 et animé par le studio japonais TRIGGER, a reçu un large succès critique et public. Un succès tellement unanime que la grande cérémonie des Game Awards a cette année ajouté une catégorie spécialement dédiée aux meilleures adaptations de jeux vidéo, avec sans surprise ces deux shows en lice (ainsi que l’excellent The Cuphead Show, une fois encore chez Netflix).

Le fruit de cette réussite découle notamment du fait que les deux séries ont été réalisées en tandem avec les studios derrière les jeux originaux, Riot Games et CD Projekt RED. Une étroite collaboration qui s’est montrée extrêmement profitable pour les deux médias, puisque le succès d’Arcane et Edgerunners a entraîné un important regain de popularité pour League of Legends et Cyberpunk 2077. Même constat pour The Witcher (adaptée toutefois des livres du romancier polonais Andrzej Sapkowski), encore chez Netflix, et le fantastique The Witcher 3 de CD Projekt RED. Un engouement réciproque également motivé par l’intégration dans les jeux de références à leurs adaptations via des contenus téléchargeables.

Avec Cyberpunk: Edgerunners, Arcane est le plus brillant exemple d’une adaptation réussie, qui a intrigué nombre de spectateurs au point de vouloir essayer le jeu dont il est tiré.

Bien entendu, il existe encore quelques accrocs au sein de cette relation globalement en bien meilleure forme. L’adaptation de Monster Hunter en 2020 par Paul W.S. Anderson est à l’image de son travail sur la franchise Resident Evil : médiocre. En parlant de Resident Evil, le film Welcome to Raccoon City ou encore les séries Netflix éponymes perpétuent la tradition. Capcom n’a visiblement pas autant de chance que d’autres s’agissant d’adaptations de ses jeux. Même constat pour la série Halo chez Paramount, très décevante à plus d’un titre, malgré la contribution de 343 Industries.

Une relation heureuse et durable dans le temps ?

Quoiqu’encore assez nébuleux, l’avenir des adaptations de jeux vidéo semble prometteur. Parmi les plus attendues figure la série The Last of Us chez HBO. Tous les ingrédients semblent en tout cas réunis : un jeu poignant avec une intrigue taillée pour l’exercice, un casting notamment porté par Pedro Pascal (Joel) et Bella Ramsey (Ellie), et un travail main dans la main entre Neil Druckmann, scénariste des jeux, et Craig Mazin (Chernobyl).

La série The Last of Us s’annonce comme une adaptation très prometteuse.

Avec le label PlayStation Productions, Sony prévoit d’autres adaptations ambitieuses de ses licences phares. Nous attendons entre autres God of War ou encore Destiny (Sony ayant racheté Bungie il y a quelques mois). D’autres grands noms du jeu vidéo devraient arriver sur nos écrans dans un avenir plus ou moins lointain, comme Mass Effect du côté d’Amazon, ainsi que Fallout, chapeautée par Jonathan Nolan. Un certain Metal Gear Solid avec dans le rôle principal Oscar Isaac est également quelque part dans un carton et attendu au tournant.

Bien sûr, l’adaptation qui retient le plus d’attention est sans conteste le film d’animation Super Mario Bros., réalisé en étroite collaboration avec Nintendo et proposant un casting vocal cinq étoiles comprenant, entre autres, Chris Pratt et Jack Black. Une production très attendue, s’annonçant – au vu des réactions autour du dernier trailer en date – comme l’exact opposé de son homonyme, la première adaptation d’un jeu vidéo sur le grand écran sortie 30 ans plus tôt. La boucle s’apprêterait-elle à être bouclée ?

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Article rédigé par
Robin Lamorlette
Robin Lamorlette
Journaliste