Décryptage

Batman, Sonic, Halo Infinite… Quand le jeu vidéo brise le quatrième mur

25 octobre 2022
Par Vincent Oms
“Metal Gear Solid”.
“Metal Gear Solid”. ©Konami

Dernier-né des médias, le jeu vidéo s’accroche aussi à la suspension d’incrédulité – et s’amuse parfois à en briser les règles.

Le quatrième mur, c’est cet écran, figuré dans la lecture ou le théâtre, et physique dans le cadre du cinéma, de la télévision ou du jeu vidéo, qui sépare le spectateur de l’œuvre qu’il regarde. Lorsque nous jouons, nous acceptons l’immersion et la crédibilité de nos actions comme n’étant plus fictives, mais cantonnées au-delà de cet écran. Une sorte de contrat tacite entre développeurs et joueurs. L’action de briser ce mur fictif peut se faire de manière plus ou moins complexe, et les premiers exemples en littérature, au cinéma ou au théâtre, sous forme d’apartés directs au spectateur, en sont les premiers exemples.

Dans le monde du gaming, les interactions possibles entre le jeu et le joueur sont beaucoup plus nombreuses par la nature même du média, viscéralement interactif, et elles sont aussi plus riches, plus marquantes, voire traumatisantes. Florilège des plus marquantes, des plus innovantes, des plus célèbres ou des plus attendues.

1 Metal Gear Solid

À tout seigneur tout honneur : s’il n’est pas le premier à avoir brisé le quatrième mur, Hideo Kojima l’a sans doute fait de la façon la plus novatrice avec le premier Metal Gear Solid. Le combat contre Psycho Mantis, doué de pouvoirs de télépathie, est l’exemple type de ce phénomène. Durant cet affrontement, il est impossible pour le joueur de ne pas voir ses actions « lues » par son adversaire. La seule solution pour y remédier consiste à débrancher la manette du premier port, et la brancher sur le second. Autre clin d’œil au statut de jeu vidéo de Metal Gear, et à la fracture entre réel et fiction : la fréquence radio de Meryl ne figure jamais dans le jeu, juste sur le dos du boîtier physique de celui-ci. La saga multipliera les exemples, ou les reprendra, au fil de ses épisodes suivants.

2 Max Payne

Dans le jeu de Remedy, célèbre pour son fameux effet de ralenti baptisé Bullet Time, la narration tient une place particulière. Les mésaventures de cet ex-flic pourchassant les responsables de la mort de sa femme et de sa fille se voient mises en scène sous la forme d’un roman graphique entre chaque scène du jeu. Après avoir reçu une grande quantité de drogues, le personnage se retrouve dans une pièce où une note lui indique qu’il n’est que le personnage d’une graphic novel. S’il retourne à nouveau dans cette pièce, la note stipule même qu’il est en fait le héros d’un jeu vidéo.

3 Batman: Arkham Asylum

Cet exemple de quatrième mur brisé est d’autant plus fort qu’il s’est déroulé à une période sombre pour les joueurs console. Alors que les Xbox 360 et PlayStation 3 souffraient de pannes terribles (les bien connues Red Ring of Death et Yellow Light of Death), survenant souvent en pleine partie, les développeurs ont décidé de jouer sur cette peur. Alors que Batman est aux prises avec Scarecrow, le gaz neurotoxique de ce dernier le fait halluciner. L’écran se fige, comme victime d’un bug, et le jeu redémarre sous les yeux médusés du joueur… qui comprend la supercherie en voyant le Joker au volant de la Batmobile. Une bien belle frayeur.

4 Sonic The Hedgehog

La toute première aventure en 2D du hérisson de Sega avait comme objectif de ringardiser Mario avec un héros plus rapide, filant dans les niveaux à toute vitesse. Même les jeux rétro-hommages gardent cette volonté paradoxale de modernité. Lorsque le joueur s’arrêtait trop longtemps, laissant Sonic sur place, le personnage se mettait alors au bout de quelques secondes à taper du pied en regardant l’écran, comme agacé. Cette invective est vite devenue récurrente dans nombre de jeux de plateforme, de Crash Bandicoot à Mario en passant par Rayman, tous jouant sur le lien tissé entre le joueur et son héros.

5 Conker Bad Fur Day

L’un des titres les plus transgressifs jamais sortis sur Nintendo 64, développé par Rare Software, mettait en scène un écureuil facétieux. Propulsé dans divers univers parodiant tous plus ou moins directement d’autres jeux vidéo, il brisait régulièrement les règles, mais surtout avec sa fin, dans un affrontement contre un clone d’Alien. Alors que Conker est en fâcheuse posture, le temps se fige, le rongeur se tourne vers l’écran et demande à parler à un programmeur pour réparer tout ça. Et, tant qu’à faire, il réclame quelques armes, qui apparaissent à la façon de Matrix

6 Halo Infinite

C’est aussi vrai dans d’autres jeux de l’univers du FPS phare de la Xbox : les Grunts, ces petits soldats de base des Covenants, sont une mine de répliques drôles, décalées, qui parfois brisent le quatrième mur. Dans le dernier volet sorti sur Xbox Series, certains sifflotent le thème de la saga en précisant qu’ils détestent cette chanson. D’autres parlent du héros, Master Chief, comme d’un monstre psychique, proposant de changer la manette de port en référence à Metal Gear Solid.

7 Animal Crossing

Qui n’a jamais été tenté de tricher dans un jeu vidéo ? Si dans la plupart des cas, vous ne risquez pas grand-chose, la surprise fut grande pour les amateurs de facilité sur Animal Crossing. Lorsque l’on « oubliait » de sauvegarder et que l’on appuyait sur « Reset » pour changer le cours de la partie, la taupe Resetti intervenait, dans une colère noire. Invectivant l’avatar du joueur, elle lui expliquait qu’il y avait des règles à respecter, et pouvait même le menacer d’effacer toutes ses sauvegardes. Sans conséquences, mais assez ennuyeux pour ne pas retenter l’expérience.

8 Deadpool

Les fans de comics le savent bien, Deadpool est le personnage par excellence connu pour briser le quatrième mur. Déjà dans son média d’origine, il a régulièrement conscience de faire partie d’une bande dessinée. Il n’y avait donc aucune raison que ses aventures vidéoludiques soient différentes. Dans son propre jeu, il brise les codes en s’adressant continuellement au joueur, en le critiquant ou le félicitant, et met en péril la réussite du joueur par son autonomie. Dans le jeu de combat Marvel VS Capcom 3, il utilise la barre d’énergie, élément d’affichage du jeu, pour frapper ses adversaires… Un incorrigible briseur de murs.

Cette liste n’est qu’une infime partie des pépites que l’on peut retrouver dans divers univers. Pour ne citer que les plus connus, Assassin’s Creed, avec la fin de son second volet, s’adressait directement au joueur, demandant à Ezio, le héros, de se taire durant cette séquence. Dans Grand Theft Auto III, un endroit jugé inaccessible par les développeurs portait un tag « vous n’êtes pas supposé pouvoir être ici, vous savez ». Et la saga Borderlands est coutumière de la pratique, avec un boss de fin d’un DLC qui déchirait littéralement le générique de fin, revenu en mode zombie pour affronter le joueur une dernière fois. Alors, méfiez-vous à l’avenir : vous n’êtes définitivement plus à l’abri derrière votre écran…

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Article rédigé par
Vincent Oms
Vincent Oms
Journaliste