Pendant et après la crise sanitaire, les Français ont été nombreux à se remettre au sport, ce qui a profité au marché de la santé connectée, montres, bracelets et pèse-personne en tête. Tendance de fond ou effet de mode ?
Pour s’occuper et lutter contre la sédentarité, de nombreux·ses Français et Françaises ont débuté ou repris une activité sportive pendant la crise sanitaire. Les ventes de certains appareils, notamment de montres connectées, en ont bénéficié.
Depuis les premières générations de trackers d’activité et montres connectées, le marché a changé de physionomie. Les acteurs y sont bien plus nombreux et proviennent de divers horizons. On y trouve des marques qui ont fait de ces équipements leur spécialité, comme Garmin ou Fitbit, ainsi que moult acteurs œuvrant sur le marché de la mobilité comme Apple, Samsung, Xiaomi ou Huawei, par exemple.
Viennent se joindre à la fête les marques d’horlogerie, ainsi que des fabricants plus largement impliqués dans le secteur de la santé connectée, tels que Withings. Qu’il s’agisse de montres, bracelets ou même pèse-personne, ces équipements ont grandement évolué.
Look premium pour accompagner le quotidien
L’une des tendances notables concerne le design des montres et bracelets connectés, qui tendent à devenir de plus en plus haut de gamme.
Ces wearables se parent pour certains de larges écrans qui ont peu à envier à ceux des smartphones (si ce n’est leurs dimensions). Les bracelets en plastique cèdent parfois la place au métal ou au cuir, quelques références adoptant ou singeant même le look de montres analogiques, éventuellement pourvues d’un boîtier en titane ou acier inoxydable.
Les bracelets connectés prennent, quant à eux, l’aspect de bijoux. Le ton est donné : on peut utiliser ces équipements pour faire du sport, mais également les conserver au poignet comme compagnons du quotidien sans qu’ils détonnent, que l’on travaille en survêtement, en jean ou en costume.
Des équipements plus polyvalents et complets
Depuis l’apparition des premiers wearables, le quantified self s’est largement démocratisé. L’idée consiste à mesurer son activité physique au quotidien : nombre de pas effectués, distance parcourue, calories brûlées, rythme cardiaque… à renfort de recommandations pour adopter un mode de vie plus sain. Le principe a séduit un public aux motivations variées : lutter contre le manque d’activité, perdre du poids, reprendre le sport, rester en forme, surveiller son état de santé.
Ces appareils tendent à devenir plus polyvalents, à l’instar des montres connectées. Elles servent de montres de sport capables de suivre divers types d’activités, de relever des mesures liées à la santé et aussi de prolongement du smartphone : elles permettent de consulter des SMS, d’y répondre, de recevoir des notifications en cas d’appel et de les prendre sans dégainer son smartphone… Certaines détectent même les chutes, voire les accidents de la route, joignant si nécessaire les secours ou contacts d’urgence. Le suivi détaillé du sommeil fait aussi partie du programme. Comme les fonctionnalités, les mesures relevées par ces appareils se sont copieusement étoffées.
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Vers des mesures proches du monde médical
Bien au-delà de la distance parcourue quotidiennement et de l’énergie dépensée, les bracelets et montres connectés réalisent des mesures très complètes de l’activité vitale et physique, certaines étant d’ailleurs assez proches de l’univers médical.
Selon les modèles, on peut citer comme exemples le suivi de la fréquence cardiaque, de la fréquence respiratoire, du SpO2 (taux de saturation en oxygène), la réalisation d’un ECG pour certains modèles, la mesure de la température cutanée (servant surtout au suivi du cycle féminin)…
La tendance est la même du côté des pèse-personne connectés, qui proposent des mesures toujours plus complètes : poids, fréquence cardiaque, IMC, masse musculaire, graisseuse, hydrique, osseuse et bien plus. Withings fait partie des fabricants qui innovent en promettant des mesures très spécifiques (vitesse d’onde de pouls, mesure de la composition corporelle par segmentation, ECG, activité électrodermale…).
On baigne clairement dans le domaine de la santé, avec des mesures qui nécessitent une vulgarisation pour la plupart des utilisateurs. Si nous nous contentons d’évoquer ici des appareils massivement adoptés par le grand public, d’autres directement liés au domaine médical tendent à devenir, eux aussi, connectés (thermomètres, tensiomètres, lecteurs de glycémie, piluliers…).
Des analyses personnalisées
Collecter des données, c’est bien. Les analyser, c’est mieux ! D’une part, une mesure livrée de manière brute – par exemple de SpO2 – ne dira sans doute pas grand-chose au commun des mortels. L’intérêt réside donc dans l’analyse de ces données et dans la manière dont elles sont expliquées puis restituées à l’utilisateur ou utilisatrice.
Par exemple, avec un score pour évaluer la qualité du sommeil, des recommandations pour maintenir une activité minimale au quotidien, des alertes pour signaler une fréquence cardiaque irrégulière (Withings promet de détecter certaines maladies comme la fibrillation atriale avec sa ScanWatch) ou des perturbations respiratoires pendant la nuit… Certains présentent carrément leurs appareils comme des dispositifs médicaux ou de qualité médicale, et les ont même fait certifier. D’ailleurs, les utilisateurs qui le souhaitent peuvent partager certaines données avec leur médecin, à l’instar des électrocardiogrammes.
D’autre part, la pertinence des informations collectées par ces équipements dépend de la situation, des attentes et de l’état de santé de chacun. Celles d’un sportif de haut niveau ne seront sans doute pas les mêmes que celles d’un télétravailleur qui cherche à rester actif ou d’un utilisateur qui désire perdre quelques kilos.
Justement, si les attentes de ces publics ne sont pas les mêmes, la lecture des mesures s’adapte de plus en plus à la situation de chaque individu, en fonction de son âge, de sa constitution et de son état de forme. Par exemple, sur certains pèse-personne, il est possible d’activer un mode « athlète » ou un mode « grossesse ». De la même manière, certaines montres connectées adaptent la lecture des mesures en fonction de l’utilisateur, par exemple pendant l’effort s’il se surpasse un peu plus que de raison.
Effet de mode ou tendance durable ?
On peut se demander si cette tendance à mesurer soi-même sa propre activité et ses données vitales est un simple effet de mode boosté par la crise sanitaire. Cela dépend sans doute de l’utilisateur, de ses attentes et peut-être de son appétence pour la connectivité. Pour ma part, j’ai utilisé un bracelet connecté pendant environ un an pour lutter contre le phénomène de sédentarité, avant de l’abandonner une fois que j’avais une idée assez précise de ce que représentaient 10 000 pas par jour. J’ai aussi délaissé les fonctions connectées de mon pèse-personne après la phase de reprise du sport, une fois mon objectif de perte de poids atteint.
« Ma montre me permet de surveiller ma santé… Elle est à la fois un stimulant et un surveillant bienveillant. »
PhilippeUtilisateur d’une montre connectée
Nous avons recueilli les témoignages de différents utilisateurs. Philippe, par exemple, utilise une montre connectée depuis près de six ans ; il a même abandonné ses belles montres pour elle. Il se dit particulièrement intéressé par la mesure liée à la santé cardiovasculaire : « Elle se déclenche lorsque je fais une marche ou une course. Elle est un témoin de forme important. Elle me permet de surveiller mon rythme cardiaque quand je fais du sport ; la fonction détecteur de chute rassure ma femme quand je pars dans la campagne. » Il s’intéresse aussi au suivi du sommeil, notamment à la fréquence respiratoire et réalise un ECG de temps en temps. « Ma montre me permet de surveiller ma santé… Elle est à la fois un stimulant et un surveillant bienveillant. »
Claude, lui, retraité d’un peu plus de 70 ans, ancien marathonien avec une appétence pour les nouvelles technologies, porte sa montre connectée depuis trois ans. Il ne la quitte jamais, même pour dormir. La plupart des mesures l’intéressent, en particulier celles qui concernent son activité quotidienne (nombre de pas, kilomètres parcourus, calories dépensées). Il consulte également les données liées au sommeil assez régulièrement. Il déclare avec fierté avoir parcouru 4 595,6 km depuis l’activation de sa montre en octobre 2019.
Quant à Caroline, jeune active, elle porte sa montre connectée tous les jours depuis deux ans. Si elle suit en effet les données liées à son sommeil, sa fréquence cardiaque et veille à faire suffisamment d’activité, ça n’est pas ce qui l’a poussée à s’équiper. « Au travail, je n’ai pas mon téléphone avec moi et je voulais pouvoir être joignable, pour mes enfants. » Elle apprécie aussi la fonction de dictée de SMS lorsqu’elle conduit et la possibilité d’utiliser sa montre pour régler un achat lorsqu’elle n’a pas son sac à main. Néanmoins, lorsque ses enfants auront grandi, elle nous avoue qu’elle l’abandonnera sans doute : « L’esthétique d’une belle montre me manque. »
Bientôt un plafond de verre ?
Rhita, elle, ne porte pas sa montre connectée quotidiennement : seulement quand elle fait du sport et parfois pour avoir accès aux notifications lorsqu’elle n’a pas son téléphone avec elle au travail. Elle porte parfois des montres analogiques « pour le style. Mais quand je veux le côté pratique, je porte l’Apple Watch », assure-t-elle.
« J’aurais du mal à me passer de la connectivité. Cela permet un suivi dans le temps qui me semble intéressant. »
MatthieuUtilisateur de balance connectée
Nous avons aussi recueilli le témoignage de Matthieu, sportif et possesseur d’un pèse-personne connecté depuis six ans, qu’il utilise tous les jours sauf lorsqu’il est en vacances. S’il consulte la plupart des mesures, celles qu’il vérifie constamment sont le poids et la vitesse d’onde de pouls (celle qui l’a convaincu de s’équiper), en précisant : « Avant, quand je faisais plus de sport, je surveillais un peu plus ma composition corporelle, aussi. J’aurais du mal à me passer de la connectivité. Cela permet un suivi dans le temps qui me semble intéressant. » Il est également utilisateur d’une montre connectée grâce à laquelle il suit son activité quotidienne et les mesures de saturation en oxygène pendant son sommeil.
Sur la petite dizaine d’utilisateurs interrogés, presque aucun ne renoncerait à son équipement connecté. Toutefois, il est évident que leurs motivations et leurs usages sont très différents. C’est peut-être justement le large panel de fonctionnalités offert par les montres connectées qui font leur succès. Chacun y trouve ainsi son compte, utilisant les mesures liées à la santé et à l’activité ou pas, en faisant éventuellement le tri dans les données qui l’intéressent.
Mais ce marché se heurtera sans doute à un moment à un plafond de verre. Certains consommateurs ne franchiront pas le cap en s’équipant, qu’ils soient refroidis par le prix, prônent la déconnexion ou soient méfiants vis-à-vis des données personnelles collectées.