Critique

Terminus Malaussène : Daniel Pennac clôt une saga romanesque emblématique

06 janvier 2023
Par Thomas Louis
Terminus Malaussène : Daniel Pennac clôt une saga romanesque emblématique
©Francesca Mantovani/Gallimard

Avec Terminus Malaussène, Daniel Pennac signe la fin du cycle romanesque inauguré en 1985 avec Au bonheur des ogres. Un dernier livre où la fantaisie de l’auteur explose du début à la fin.

Au bonheur des ogres (Gallimard, 1985), La Fée carabine (Gallimard, 1987), La Petite Marchande de prose (Gallimard, 1990), autant de titres qui résonnent dans l’imaginaire collectif comme des piliers, construisant le monument littéraire qu’est la saga Malaussène. Voici 38 ans que Daniel Pennac enrichit cette planète romanesque devenue incontournable. Après Aux fruits de la passion, publié en 1999, cette série s’était peu à peu installée dans les mémoires comme une vieille amie dont on n’espère presque plus qu’on la reverra. Bien sûr, c’était mal connaître Daniel Pennac, qui, en 2017, est revenu avec Le Cas Malaussène 1 : ils m’ont menti (Gallimard), l’imagination plus fertile que jamais.

En cette rentrée littéraire de janvier, la tribu revient une dernière fois avec Le Cas Malaussène 2 : terminus Malaussène. Un roman qui témoigne de l’importance qu’a eue cette série de livres dans les bibliothèques de France et de Navarre, à en croire l’engouement qu’elle provoque encore.

Terminus Malaussène, de Daniel Pennac. En libraire le 5 janvier 2023.©Editions Gallimard

Un engouement qui témoigne peut-être de la force qu’a Daniel Pennac : déployer des intrigues qui portent quelque chose de notre époque. Dans cette perspective, Terminus Malaussène répand en étoile des thèmes qui lui sont chers – comme la violence, le mensonge, la justice, les boucs émissaires, les inégalités –, et ne fait que renforcer l’idée que le clan Malaussène est peut-être plus qu’un simple produit de son imagination.

Moi, chaque fois qu’un membre de ma tribu frise la mort, c’est le catalogue entier qui défile devant mes 45 yeux.

Daniel Pennac
Terminus Malaussène

Une bonne vielle recette (qui fonctionne)

Pour ce dernier roman, les intrigues – toutes plus loufoques les unes que les autres – ne manquent pas. On retrouve ainsi tout ce qui fait le sel de la saga et cimente les livres entre eux, à commencer par les personnages : la mythique Isabelle Leroy, dite la Reine Zabo, mais aussi Maman, dont les contours se dessinent plus clairement ; ou encore Pépère, qui s’impose comme le socle de l’histoire. Entre elle et lui, le dialogue est omniprésent, comme une manière de se laisser porter en toute détente par la fantaisie et le rythme de l’auteur.

Comment Pépère peut-il faire si peur ? Avec son petit cartable et sa voix douce, comment est-ce possible ? On se pose la question chaque fois qu’on parle avec lui. Pas seulement Kébir, les autres aussi.

Daniel Pennac
Terminus Malaussène

Au-delà de la fresque emblématique de personnages, dont les noms restent savoureux à lire, mais probablement moins à porter (C’est Un Ange, Maracuja, etc.), Terminus Malaussène s’étire à nouveau dans un lieu cher à Daniel Pennac : le quartier de Belleville, qu’il cartographie avec gourmandise. On se laisse ainsi balader de la rue Lesage à celle de la Folie-Regnault, en passant par la rue Julien Lacroix. Car oui, de toute évidence, Terminus Malaussène est un livre par lequel il faut se laisser porter, en faisant confiance à la langue – jouissive, incomparable.

Au bonheur de l’écriture

Voilà : Terminus Malaussène est un livre-feu d’artifice. Oui, il est un monde dans le monde. Mais il est surtout une manière de le raconter. Daniel Pennac dépose ici tout son talent de conteur, dans une écriture typique de la saga, empreinte d’argot, de sauts à la ligne, de fantaisies et autres termes marqueurs d’une époque. Ici, le livre est divertissement, le livre est objet, mais, à travers la langue, il est aussi symbole générationnel. Année après année, les générations se superposent, tandis que les livres, eux, demeurent depuis les années 1980. Tout ceci contribue à faire de Daniel Pennac un romancier que l’on aime appeler « populaire ». Et on le fait sans complexe.

Il y a les désastres, songeait Titus, et il y a les désastres absolus.

Daniel Pennac
Terminus Malaussène

Le travail du langage se retrouve également dans le titre, évocateur a plus d’un titre. Terminus Malaussène. On peut, en toute logique, l’interpréter comme l’annonce d’une fin. Mais jusqu’à la page 429, on ne comprend pas toujours que cela va plus loin. Daniel Pennac ajoute une strate à ses thèmes de prédilection et décape une certaine idée de la famille, avec qui on a été content de partager les dernières décennies, main dans la main.

Le cas Malaussène 2 : terminus Malaussène, Daniel Pennac, Gallimard, 448 p., 23 €. En librairie le 5 janvier 2023.

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